Conversation 1001 - Quel est le but de tant de détails?
Shalom,
Je ne comprends vraiment pas en quoi on peut mettre son âme en danger selon qu'on ai attendu une heure au lieu de deux avant de mélanger un bout de poulet avec de l'Emmenthal (en dehors du fait que ce mélange ne soit pas particulièrement savoureux bien sur). Toutes ces règles me pareissent au contraire bien orgueilleuses comparées à tous ces peuples qui meurent de faim et qui n'ont parfois que des racines et de la terre pour se nourrir (Corée du Nord).
Vous allez me dire qu'il faut suivre ces lois interprêtées directement de la Thora sans les comprendre. Mais justement, là est le problème : où est le libre arbitre et la conscience si l'on doit suivre aveuglement des lois obscures qui rallongent au fil du temps et des réinterprétations ? Quel est leur principe fondateur ? Quel est le message de ces interdits ? A s'obstiner ainsi on a l'impression de jouer à un "Jacques-à-dit", et si on désobéit on perd l'accès à la vie éternelle.
Mon but n'est pas de choquer mais bien d'apporter une réelle interrogation sur l'objectif de tant de complications futiles.
Shalom,
J'ai choisi depuis longtemps de répondre à votre "interrogation" mais j'ai dû en repousser la réalisation car à vrai dire je ne puis cacher à vous lire un peu d'irritation, sentiment qui n'est guère de mise avec le propos d'un dialogue fécond. Mais je m'en expliquerai. En tout cas, j'espère que vous aurezla patience d'aller jusqu'au bout de mes réponses comme j'ai eu celle de lire jusqu'au bout la question.
Je dois résoudre d'abord une difficulté de méthode. S'il n'y a pas homogénéité de préoccupation entre la question et la réponse, elles se croisent sans se rencontrer. Je ne puis d'autre part répondre que sur le terrain qui est celui de la Thora. Si vous vous situez ailleurs, il faut d'abord que nous nous rencontrions sur les principes généraux avant de pouvoir nous confronter aux détails.
Cela dit, voici point par point :
Je ne comprends vraiment pas en quoi on peut mettre son âme en danger selon qu'on ai attendu une heure au lieu de deux avant de mélanger un bout de poulet avec de l'Emmenthal (en dehors du fait que ce mélange ne soit pas particulièrement savoureux bien sur).
Réponse : qui a parlé de dangers pour votre âme ?
Toutes ces règles me pareissent au contraire bien orgueilleuses comparées à tous ces peuples qui meurent de faim et qui n'ont parfois que des racines et de la terre pour se nourrir (Corée du Nord).
Réponse : je ne vois pas le rapport. Moi, ce qui me paraît orgueilleux, bien que j'ai beaucoup de considération pour ma propre intelligence et la qualité de mon style, c'est de prétendre que quelques devanciers comme Maïmonide ou le Gaon de Vilna ou le Rav Kook et quelques autres peuvent être balayés d'un coup de plumeau par une phrase comme la vôtre. Faut quand même un tantinet de toupet, non ? Vous ne croyez pas ? Vous mettez dans la balance votre appréciation avec le poids de millénaires ininterrompus de tradition depuis Moïse au Sinaï en passant par les prophètes et tous les maîtres du Talmud, sans parler de tous ceux qui se sont succédés depuis. Et vous semblez prétendre que tous ces gens-là n'avaient aucune sensibilité comparée à la vôtre. Qu'ils ne savaient pas ce qu'est la faim et la misère ou ne s'en souciaient pas.
Vous allez me dire qu'il faut suivre ces lois interprêtées directement de la Thora sans les comprendre.
Réponse : Vous faites les questions et les réponses, ce qui n'est pas bien. Mais de plus, je ne sais pas d'où vous croyez tirer le fait qu'il faudrait "suivre ces lois interprêtées directement de la Thora sans les comprendre". C'est un non-sens. Au contraire, toute la tradition d'Israël vous dit qu'il faut étudier pour comprendre le contenu de la foi et de la loi.
Mais justement, là est le problème : où est le libre arbitre et la conscience si l'on doit suivre aveuglement des lois obscures qui rallongent au fil du temps et des réinterprétations ? Quel est leur principe fondateur ? Quel est le message de ces interdits ? A s'obstiner ainsi on a l'impression de jouer à un "Jacques-à-dit", et si on désobéit on perd l'accès à la vie éternelle.
Réponse : Depuis combien d'années étudiez-vous la Thora et combien d'heures par jour pour porter des jugements à l'emporte-pièce comme vous le faites ? Croyez-vous qu'une formule toute faite qui donnerait la "clé" du principe fondateur dont vous parlez respecterait le libre arbitre et la conscience dont vous parlez ? La réalité humaine, dans sa vérité propre, n'est-elle pas infiniment plus complexe que n'importe quelle formule qui prétendrait l'enfermer ?
Mon but n'est pas de choquer mais bien d'apporter une réelle interrogation sur l'objectif de tant de complications futiles.
Réponses : aucune réponse ne pourra jamais vopus satisfaire car vous avez déjà jugé par avance qu'il ne s'agissait que de complications futiles. Comme les médecins qui se moquaient de Pasteur lorsqu'il leur demandait de se laver les mains avant d'ausculter des malades et qui disaient que c'étaient des complications futiles.
D'ailleurs, si je me livrais à une analyse un tant soit peu rigoureuse de votre phrase, elle impliquerait de la part de qui accepterait d'y répondre de justifier (objectif) les "complications futiles" de la loi - et donc de les reconnaître pour telles - pour répondre à ce qui se veut une interrogation réelle.
Je ne suis pas choqué par votre question. Elle n'est pas neuve et si elle se formulait d'une manière un tout petit peu différente elle serait même pertinente. Elle concerne un domaine capital de la Sagesse traditionnelle qui est celui des "Taamé Hamitzvoth", le sens ou la signification des commandements. La littérature à ce sujet remplit quelques rayons de bibliothèque et les plus grands parmi nos sages y ont apporté leur contribution.
Je vous souhaite d'avoir la chance et le mérite de pénétrer dans le sanctuaire de cette science,
elle est votre patrimoine tout autant que le mien ; en réclamer l'héritage ou le répudier, tel est le choix auquel nous avons chaque jour à nous confronter, là est le libre arbitre et la conscience.
Bien sincèrement,
Elyakim P. Simsovic
Shalom,
Suite et précision sur ma question 1001.
A la relecture de ma question je me rend compte qu'elle était effectivement un peu agressive et écrite sous le coup de la colère.
Car si le principe moral de la règle de ne pas cuire une viande dans le lait de sa mère (ou de son espèce pour éviter le doute) est compréhensible et, également, respectueux du texte d'origine. Le cas de la viande de volaille me laisse toujours perplexe. C'est sur ce genre de détail que ma "révolte" porte. Bien entendu je suis très loin d'avoir la sagesse des grands rabanim (présent et passé) mais je suis curieux d'en avoir connaissance. Pouvez vous m'indiquez quel texte précis interdit de mélanger du lait et de la volaille ?
Merci.
Plusieurs passages du Talmud discutent de l'interdit du mélange lait/volatiles sur le fait de savoir s'il est d'origine Thoraïque ou rabbinique (Houline 104a et b, ...) et rapportent aussi le cas de la position minoritaire qui ne l'interdit pas (Chabbat 130a...).
Le passage central à ce sujet est le traité Houlin page 103b et suivantes, à partir de la Michna :
Toute viande est interdite à la cuisson avec du lait sauf les poissons et les 'hagavim (1) et il est interdit de mettre à table avec du fromage sauf des poissons et des 'hagavim.
Cf. aussi à titre de sélection : Maïmonide, Nourritures prohibées, chap.9 halakha 19, 28. Tour Choulhane Aroukh Hochen Michpat 34 qui traite de la question indirectement, Choulhane Aroukh Yoré Déa 87:3.
L'"extension" ou l'"inclusion" rabbinique qu'elle soit déduite du texte de la Thora ou développée à partir d'elle, par exemple à titre de barrière pour éviter le risque d'infraction par confusion ou parce que la réalité psychosociologique fait qu'il y aurait inconséquence subjective (et difficulté objective) à distinguer le sang des mammifères du sang des volatiles tient donc compte non seulement de la lettre et de l'esprit du texte, mais aussi du regard du lecteur du texte sur le monde et recherche la cohérence entre les deux. Sinon la Thora ne concernerait plus notre monde réel mais nous ferait vivre (mystiquement ?) dans l'imaginaire.
La "révolte", comme vous dites, n'est pas en soi nécessairement négative. Lorsqu'elle porte à vouloir savoir et comprendre, elle est bonne et source de progrès et de conscience. Elle est mauvaise lorsqu'elle veut faire dépendre la conduite de la compréhension qui, aussi fine soit-elle, reste toujours en-deça de la question traitée et finit par vouloir soumettre la sagesse divine à l'intelligence humaine.
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(1) Espèce spéciale de sauterelles considérées comme volatiles et non comme insectes.