Conversation 20482 - A mort, les profanateurs!

RiveK
Mercredi 24 novembre 2004 - 23:00

Chers Rabbanim,

Ma question risque de vous paraître blasphématoire, néanmoins, je me lance, plutôt que de rester dans l'incertitude...

Ma foi ne faisait aucun doute concernant l'origine divine de la Thora, bien qu'il puisse paraître étrange à la raison que ce soit D'ieu qui ait écrit la Thora contenant entre autre l'histoire de notre peuple ante et post Moshé. Etrange, oui, surtout concernant la période postérieure à Moshé qui a reçu ce récit. Bref, puisque D'ieu est tout puissant et que je ne suis qu'un être humain, j'ai accepté les limites de compréhension de ma raison, et ne m'accordait aucun doute sur l'origine de la Thora.
Il me parait tout de même évident que nous n’ayons aucune preuve de cette origine. Vous me diriez, la preuve est la Thora elle-même dans laquelle on peut lire l’événement du don de la Thora de D’ieu à Moshé, mais on entre donc dans un cercle vicieux…Une autre preuve serait celle de la transmission orale de ce récit, faite de génération en génération, et non par des personnes communes, mais par les plus grands de notre peuple. Mais la transmission orale n’entraîne-t-elle pas des modifications dues à une certaine partialité peut être, et/ou des oublis ?

Bon….Supposons que j’accepte l’origine divine de la Thora. Alors me plongeant dans son récit, le doute apparaît de nouveau lorsque je lis :
EXODE 31-14 et 31-15 : « Vous observerez la sababat, car pour vous il est sacré. Qui le profanera SERA MIS A MORT. Oui, quiconque y fera de l’ouvrage, celui-là sera retranché de sein de sa parenté…Quiconque fera de l’ouvrage le jour du sabbat SERA MIS A MORT. ». Pardonnez moi Messieurs les Rabbanim, mais comment D’ieu, aussi miséricordieux qu’Il est, puisse désirer qu’un de ses enfants soit MIS A MORT pour avoir profaner le sabbat ?
EXODE 32-27 suite à l’événement du veau d’or: « Il leur dit : « ainsi parle le Seigneur, D’ieu d’Israël : Mettez chacun l’épée au côté, passez et repassez de porte en porte dans le camp et TUEZ qui son frère, qui son ami, qui son proche ! » ». Ce récit ne propose à mon imagination que des images sanglantes que j’ai du mal à accepter comme étant une volonté divine.
Alors, à nouveau, je me dis, OK, j’accepte, ainsi est la volonté de D’ieu…Mais alors, si telle est la vérité, pourquoi n’agissons nous pas ainsi ? Combien de juifs, nos frères, tous appartenant au peuple d’Israël et ayant accepté l’alliance faite avec D’ieu, combien sont-il à enfreindre le sabbat ?!! Qu’attendons-nous alors pour les mettre à mort, puisque telle est la loi, volonté divine ?! Vous comprendrez certainement l’ironie de ma question, mais néanmoins j’aimerais comprendre…

Par ailleurs, lorsque je parcours d’autres parties de la Thora, des passages m’apparaissent comme faisant acte d’anthropomorphisme :
EXODE 31-18 : « Puis ayant achevé de PARLER avec Moise sur le Mont Sinaï, Il lui DONNA les deux tables de la charte, tables de pierre, ECRITES du DOIGT de D’ieu ».
EXODE 33-11 : « Le Seigneur parlait à Moise, FACE à FACE, comme on se parle D’HOMME A HOMME ».
S’il ne s’agit pas d’anthropomorphisme, j’aimerais comprendre alors la symbolique ou métaphore que ces récits expriment.

Il me tarde de lire vos réponses.

Merci par avance.

Rav Elie Kahn z''l
Samedi 27 novembre 2004 - 23:00

Aucune question n'est interdite, il faut juste trouver le ton juste pour la poser, et vous l'avez trouvé.

La question du passage de la Tora post Moché qui a été écrit par Moché lui-même a déjà interpellé les sages du Talmud (Baba Batra 15) au point que certains expliquent effectivement que les derniers huit versets de la tora ont été dictés non à Moché, mais à son élève Yehochoua (pour d'autres ils ont été dictés à Moché qui écrivit lui-même, en pleurs nous précise-t-on, le récit de sa propre mort).

Il n'y a effectivement pas de preuves formelles de la véracité de la Tora, ce serait trop facile.

Concernant la gâchette facile de la Tora qui semble mettre à mort pour un oui ou pour un nom, nous nous en remettons aux enseignements de la Loi Orale qui transforme toutes ces condamnations en condamnations virtuelles, tant il est dur de réunir les conditions nécessaires à un tel verdict.
Les versets menaçant de mort en punition de toutes sortes d'infraction ont pour but principal d'attirer notre attention sur le fait qu'il s'agit d'actes particulièrement graves.
Tous ceux qui profanent aujourd'hui le Chabat n'ont donc rien à craindre de la part de leurs frères humains (je ne me porte pas garant de ce qui se passe dans l'au delà).

La question des antropomorphismes est une bien vieille question, qui demanderait de longs développements. Faites vous offrir pour Hannouca ou votre anniversaire (le premier en date) la "Guide des Egarés" de Maïmonide qui traite de ce sujet en long et en large (et en travers, mais pas du tout de travers).

RiveK
Samedi 27 novembre 2004 - 23:00

Suite de la question 20482

Cher Rav,

Je vous remercie tout d’abord de m’avoir répondu aussi rapidement alors que votre site est apparemment « fermé aux nouvelles questions ». Je tente tout de même à nouveau de vous poser d’autres questions, en espérant que les réponses soient aussi rapides que celles-ci.

Nous sommes donc en accord sur le fait que nous n’ayons pas de preuve sur l’origine de la Thora, mais elle est en tout cas ECRITE DE LA MAIN D’UN HOMME (Moshé ou son disciple Yehochoua).

Vous spécifiez que ce serait « trop facile » si nous détenions la vérité quant à la source de la Thora. J’adhère à cet avis dans le sens où le juif doit sans cesse être dans la réflexion, la recherche continuelle, et l’étude. Si vous me le permettez, plutôt que « trop facile », je dirais même qu’il nous est vital d’être dans l’incertitude pour justement nous permettre d’être toujours en quête de cette recherche intellectuelle.
Bien que le juif ait un grand amour pour son créateur, une foi incommensurable, et qu’il ait conscience qu’il lui est crucial d’être dans le doute, il est aussi RAISONNE et cherchera quand même des explications à tout et même à l’inexplicable…
C’est la raison pour laquelle je reviens vers vous sur le thème de l’origine de la Thora, qui je vous l’avoue ne cesse d’ébranler mon esprit.

La loi sert à signaler les condamnations, ces dernières relevant de l’initiative d’un être, humain ou éternel. Si l’on relit les passages auxquels j’ai fait référence précédemment, il s’agit de la volonté divine. Mais nous avons convenu que la Thora a été écrite de la main d’un homme, certes sous la dictée d’Hachem, mais écrite de la main d’un homme…
Vous écrivez que la Loi Orale « transforme toutes ces condamnations en condamnations virtuelles ». C’est ici que la raison humaine intervient et prend le dessus sur la foi ! On ne peut décemment pas tuer quelqu’un pour « si peu »…Même si c’est la volonté de D’ieu ?? Cela me parait tout de même étrange, paradoxal avec l’idée de foi. Ne doit-on pas agir selon la volonté divine ?
Si la Loi Orale a permis de réviser la Loi écrite, ne serait-ce pas parce que cette dernière est justement écrite par un homme qui en est peut être même le générateur ? N’y a-t-il donc pas eu un doute concernant l’origine de la Thora ? L’homme n’aurait-il pas modifié ce que D’ieu lui a dicté pour des raisons de commodité selon le contexte de l’époque et pour donner plus de poids aux mitsvoth ? Vous dites d’ailleurs que « le but principal est d’attirer notre attention sur le fait qu’il s’agit d’actes particulièrement graves ».
Ceci me permet de soulever un autre point. Faut il semer la crainte pour assurer l’obéissance ? Un père doit-il se montrer redoutable pour que ses enfants lui obéissent ? Est-ce par la terreur que l’on parvient à obtenir ce que l’on désire ? Ne serait-ce pas plus habile de définir sa force autour de la souplesse, de l’échange, et de la confiance plutôt que de la terreur ? Si D’ieu est parfait n’est-ce pas entre autre parce qu’Il est l’équilibre idéal entre khessed et gvourah ? Ne serait-ce pas plus un kiddouch Hachem de pratiquer les mitsvoth par amour, considération et respect pour D’ieu plutôt que par crainte d’une sanction ? Ne faut-il pas tenter de trouver un enrichissement personnel à ses accomplissements, enrichissement sur le plan spirituel par exemple, plutôt que d’agir par dépit et contrainte forcée ?
Autant de questions qui relèvent des interprétations talmudiques se posent à mon esprit et c’est pour cela que je vous les présente, car selon moi vous devez être en mesure d’y répondre.

Pour être plus concise :
CAS 1 :
Si l’intégralité de la Thora est divine, alors pourquoi n’appliquons-nous pas à la lettre le désir de D’ieu ?
Cas que mon amour pour D’ieu, et non ma raison, ne peut retenir
CAS 2 :
La Thora a bien été offerte à Moshé par D’ieu mais son énoncé n’est pas exactement celui dicté par D’ieu lui-même, mais a été « arrangé » selon les circonstances.
Cas que je retiendrais, mais alors :
- pourquoi soutenir qu’il s’agit de paroles divines
- pourquoi utiliser la terreur et la culpabilité pour que le peuple d’Israël agisse

J’espère que votre patience ne se sentira pas trop excédée de mon insistance…

PS : Merci pour la référence concernant le thème d’anthropomorphisme.

Rav Elie Kahn z''l
Samedi 11 décembre 2004 - 23:00

La Tora reflète la Parole Divine le plus fidèlement qu'il est possible de l'imaginer, et le fait qu'elle ait été dicté à un être humain n'enlève rien à son origine divine. C'est la parole de D'ieu Lui-même qui y est inscrite, à la différence des autres textes prophétiques qui reflètent l'idée de la Parole Divine dans le style propre à chaque prophète.
La Loi Orale n'est pas à nos yeux une adaptation ou un changement de la Loi Ecrite, mais un commentaire de cette dernière qui nous a été transmis simultanément avec celle-ci.
Quand j'écris que la Loi Orale transforme les condamnations à mort de la Tora en condamnations virtuelles, il ne faut pas comprendre qu'elle change la Tora, mais qu'elle nous en donne l'interprétation exacte et seule autorisée.
En aucun les rabbins ne se seraient permis de porter de tels changements à la Tora (il peut cependant arriver dans certains cas que l'on décide de ne pas appliquer certaines lois de la Tora, mais ceci pourra éventuellement être le sujet d'une autre question).
Aucun changement n'a donc été effectué dans un but de commodités.

Quant à la question de la terreur, il faut de tout pour faire un monde. Si l'idéal est certainement de servir D'ieu par amour, et sans espoir de récompense ni crainte de punition, il faut atteindre un certain niveau de spiritualité pour toucher à cet idéal.
La Tora s'adressant aussi aux simples gens, l'idée de punition ne pouvait pas en être absente.

Le thème de l'anthropomorphisme est traité dans le Guide de Egaré dans tant d'endroits qu'il est impossible d'en faire une liste exhaustive. Commencez depuis le début.

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