Conversation 23797 - Pas de place pour le deuil?

Pas de place pour le deuil

...et spirituelle, et matérielle. Ma mère, Reine Laure Cohen, est partie ce mardi. Enterrée le jeudi, le kaddish n'a été prononcé qu'a partir de dimanche soir. Ignorant des coutumes, et faute de pouvoir réunir le Minian a la Synagogue du Mans, je me suis résolu de venir à Paris pour y lire le Kaddish. Cela m'a déchiré de quitter la maison de ma mère pour celui de mon amie, qui réclame une attention que je ne veux pas lui consacrer. Tout me distrait de ma peine, je pleure dans le bus, je m'irrite de rentrer dans les affaires du monde parce que, à la fois elles m'appellent et je bondis à leur suite, et aussi parce qu'on me les rappelle qu'on me donne les occasions, et ma colère s'adresse autant à moi qui me distrait qu'aux autres qui font de même. Colère est un mot fort c'est distraction qui compte. J'aimerais être assis dans l'endroit du deuil dans la douleur nue comme la pierre et froide, que du silence puisse monter ma peine et le souvenir de Laurette. La douleur exposée s’enfuit dans les méandres du monde comme l’ouedi dans les sables. Le deuil déchire le voile met l’âme à nu. Du silence naissent les larmes qui exhalent et consolent et la peine et les âmes.
Je ne sais pas quoi faire pour aider ton âme ma faute est dans mon ignorance. C'est le cadeau que tu me fais, par ta mort, je prends la leçon que je n'ai jamais pu prendre. Je voudrais prononcer le Kaddish sur ta tombe pour la levée du deuil mais m’occuper de réunir le minian m’est une distraction insupportable.