Conversation 31737 - Pratique et pratique

estrella06
Samedi 10 juin 2006 - 23:00

chalom
je voudrais savoir si on peut dire qu'il y a pratique et pratique... Si une personne qui étudie la Torah entreprend de bonnes actions en faveur de son prochain mais plus par obligation, il manque de sincérité dans ses actes. Et celui qui n'étudie pas la Torah mais entreprend toutefois de bonnes actions parce qu'il souhaite porter secours...

Prenons un exemple : un aveugle souhaite traverser la route.
Il y a celui qui va l'aider parce que c'est une obligation d'aider son prochain. Donc si ce n'était pas obligé, il ne l'aurait peut-être pas fait...
Et il y a celui qui va l'aider parce qu'il sait que s'il ne l'aide pas, l'aveugle risque de se faire écraser...

Lequel des 2 entreprend une réelle bonne action ? Celui qui le fait par obligation ou celui qui porte secours ?? Quelle est la place de la sincérité dans la pratique ?

Merci pour vos réponses

Dr Michael Ben Admon
Mardi 20 juin 2006 - 13:28

Shalom,

Il n'y a pas necessairement de contradiction entre faire une action parce que D.ieu me l'ordonne et la faire parce cette action est bonne en soi.
Platon (dans l'Euthyphron) posait le probleme en ces termes: La vertu est-elle positive parce que D.ieu l'a ordonnee ou alors la vertu est positive et c'est pour cette raison que D.ieu l'a commandee. En d'autres termes: 'Aider un aveugle' est une bonne action parce D.ieu l'a ordonnee ou alors c'est bien d'aider un aveugle et c'est pour cela que D.ieu l'a demande ?
Selon la premiere possibilite, c'est D.ieu qui fixe les valeurs, ce qui est bien et ne l'est pas; Selon cela, s'il avait fixe qu'il est bien de voler, alors voler n'aurait pas ete reprehensible moralement. Selon la deuxieme possibilite, les valeurs sont independantes de D.ieu, c'est-a-dire que tout un chacun comprend tout seul qu'il est mauvais de mentir, voler, tuer et c'est pour cela que D.ieu l'a ordonne. (L'humanite aujourd'hui, avec un peu d'optimisme est tout de meme a un niveau de valeurs bien plus eleve qu'auparavant).
Alors, me direz-vous, pourquoi D.ieu les ordonne si on peut le comprendre par nous-meme ? C'est qu'il faut separer la raison du commandement de la motivation avec laquelle j'accomplis cette mitsva. Ainsi, je peux aider un aveugle en sachant que c'est bien de le faire et je le fais avec une motivation religieuse.
Dans la litteraure philosophique juive ainsi que dans les sources halakhiques on peut trouver de nombreux textes allant dans ce sens. A cote de cela, d'autres approches aussi sont presentes et pronent l'anti-nature de la mitsva et la soumission absolue au commandement.

Concernant la sincerite: c'est une des critiques de l'Islam face au Judaisme qu'une religion ritualiste qui demande d'une facon repetitive les memes actions eduque a l'hypocrisie car il est difficile d'insuffler une nouvelle intention dans chaque action.
C'est une bonne critique, et il est en effet souhaitable et requis de faire les commandements en adulte et sincerement (c'est tout une discussion talmudique et halakhique). D'un autre cote, la Halakha eduque et modele l'homme au travers de ses actions, de par l'impact de l'acte sur la personnalite, sur le psychisme, sur la gestuelle corporelle (comme Michel Foucault l'a bien montre).