Conversation 34548 - Turbulents coquins

ZEEV
Mercredi 3 janvier 2007 - 23:00

Nous nous posons la question avec certains amis concernant les jeûnes chovevim qui arrivent. Le michna beroura précise qu'il s'agit normalement des années mehouvereth mais il me semble que l'on peut de toute facon les faire chaque année. Certains le font le lundi, d'autre le jeudi. Rare sont ceux qui le font les 2 jours. Que doit on faire ?

Rav Elie Kahn z''l
Samedi 10 février 2007 - 13:43

Chalom,

Votre question m'a permis de faire quelques recherches sur ce sujet.
Précisons de quoi parle votre question.
Il existe une coutume de jeûner durant la période de "Chovabym Tat", ce mot étant l'initiales des mots hébraïques Chemot, Vaéra, Bo, Bechalah', Ytro, Michpatim Terouma Tetsavé", les huit premières parachot du livre de Chemot, le jeudi de chaque semaine.
Cette coutume est tardive, elle est citée pour la première fois au quinzième siècle en Autriche. Il est question de huit jours de jeûne les années embolismiques (ayant 13 mois au lieu de douze) uniquement (Leqet Yosher page 116).
La raison de ces jeûnes selon cette source n'est pas indiquée clairement. Le fait que ce soit lié à l'année embolismique tend à prouver qu'il s'agit d'une mesure de protection pour les femmes enceintes. En effet, certains croyaient que les femmes courraient de plus grands risques d'avortement les années "enceintes" (embolismiques).
Chez Rabbi Yossef Karo (Maguid Mecharim parachat Bechalah' mais pas dans le Choulh'ane Aroukh) on passe de huit jours de jeûne à quarante. Il écrit que ces quarante jours font allusion aux quarante jours de la conception du fœtus. Les quarante premiers jours de la grossesse ayant une signification particulière. Par contre, il n'est pas sûr qu'il ne pense qu'aux années embolismiques.
Le treizième mois est rajouté certaines années pour faire correspondre le calendrier lunaire et le solaire. Selon le Midrache, à l'origine, dans le projet de la création, l'harmonie devait régner entre le soleil et la lune, leur cycle devaient être identiques. Mais la lune a argué que deux rois ne pouvaient porter la même couronne, sur quoi D'ieu lui répondit qu'elle avait bien parlé et qu'il ne lui restait qu'à céder la première place au soleil.
Ce Midrache vient enseigner aux hommes l'amour du prochain et les éloigner de la jalousie et de l'envie de compétition. Et cette période de l'année, où on lit dans la Tora les passages sur la formation du peuple juif, le don de la Tora et les premières lois sociales et religieuses venant régler la vie de ce peuple ont été considérées propices à une introspection sur ces thèmes (HaChla, Chné Louhot Habrit, Jérusalem 5723, tome 3, page 32c).
En Pologne, au début du 17ème siècle, on trouve plusieurs possibilités concernant la durée de ces jeûnes, certains les réduisant aux six premières semaines (coutume connue sous le nom de Chovavim), ou la rallongent sur toute la période de la lecture du livre de Chemot. Chez d'autres la longueur varie selon qu'il s'agisse d'une année normale ou embolismique (Chaarey Techouva 685, 2).

Plus tard on retrouve chez les kabbalistes à propos de ce jeûne un nouveau motif:il s'agit de faire techouva, de se repentir de ce que les kabbalistes considèrent comme une faute fondamentale, le perte de sperme, qu'elle soit volontaire ou non (voir par exemple Birkey Yossef O.H. 685; 1; mais il n'est pas le premier à développer cette idée, il l'a reprise du Ari Zal).

Mais de nos jours on ne conseille pas de jeûner. Nos ancêtres jeûnaient semble-t-il plus facilement que nous, et jeûner les handicapaient moins que nous. Il nous faut nous contenter des jeûnes qui sont incontournables, comme Yom Kippour et les jeûnes évoqués dans le Talmud.
Cela ne signifie pas que nous ignorions totalement ces jours. Ce que conseillent les rabbins les quelques dernières centaines d'années, c'est plutôt que de jeûner toute la journée, ne parler que le strict nécessaire et ne manger que le strict nécessaire, s'efforcer d'étudier plus d'heures dans la journée, et faire particulièrement attention de ne pas y perdre son temps. Je n'ai pas vu qu'ils l'aient écrit, mais je suis sûr que ces autorités n'auraient eu aucune opposition à e que l'on donne encore plus de Tsedaka (voir toutes les références dans Piskey Techouva 6 page 515).
Une étude très complète de cette coutume a été faite par le professeur Moché Halamich, Hakabala batefila bahalakah oubaminhag, page 567, et nous nous en sommes largement inspirés.
Notons que Chovavim en hébreu moderne signifie turbulents, coquins, d'où le titre.