Conversation 42391 - Deux valeurs sures: Torah ET famille

Chavigail
Mardi 3 juin 2008 - 23:00

Niveau religieux differents au sein d'un couple :

Je me suis convertie il y a quelques annees et mon mari est khozer bitchouva. Il regnait une parfaite harmonie dans notre couple jusqu'a ce que recemment mon mari devienne encore plus religieux : il refuse de manger tout ce qui n'est pas "cacher lemehadrine", accorde plus de temps a l'etude de la Tora qu'a sa famille, et surtout me fait la morale pour tout et n'importe quoi. Je suis shomeret shabbat, cacheroute (mehadrine en l'occurence), et taharat hamishpaha mais malgre tout cela, je me considere plus comme masortit dans la mesure ou je ne me couvre pas la tete et que je ne suis pas tres stricte cote tsniout. Mon mari refuse de voir les efforts que je fais et mets toujours le doigt sur ce que je ne fais pas, sur ce que je pourrai faire, sur ce que je ne fais pas assez bien. Ces remarques, plutot que de m'aider a vouloir progresser dans le chemin de la Tora, font l'effet inverse. J'ai le sentiment de vivre avec mon pere, de ne pas etre libre de mes choix et que quoique je fasse, ce n'est pas assez bien. Je suis en accord avec moi-meme mais mon mari ne m'accepte pas telle que je suis et fait tout pour me rendre plus religieuse en utilisant des methodes de chantage affectif, en invocant le respect du mari, ou en m'humiliant disant que je me comporte comme une gamine, que je n'ai pas de seder adifouyot (nous n'avons pas le meme, en effet, je fais passer ma famille avant la religion, je ne laisserai pas ma fille pleurer sous pretexte que je dois courir a la synagogue pour faire minha a l'heure par exemple). Quelques exemples de son comportement : me faire un scandale si j'ai mis une robe legerement transparente, si je sors de la salle de bain denudee une fois a minuit pour chercher ma serviette qui est dans la chambre alors que portes et fenetres sont fermees et que ma fille ne peut en aucun cas sortir de son lit, refuser de me parler ou de me regarder sous pretexte que je le degoute parce que mon pull est legerement decollete, m'engueuler tous les vendredis apres-midis parce que je ne stresse pas comme lui pour preparer mon shabbat, me faire la tete si je lui demande de m'aider a garder notre enfant samedi matin au lieu d'aller a la synagogue et j'en passe ! Je sens que les mitsvot sont pour lui plus importantes que sa fille, que son couple et passent en priorite. Depuis qu'il est khozer bitchouva, il applique la halakha a la lettre comme un robot, sans tenir compte des sentiments de sa femme ou des imprevus familiaux. Il realise ses mitsvot a la perfection, certes, mais les larmes qu'il m'a fait verser ainsi que la peine qu'il m'a causee a maintes reprises en me laissant toujours au dernier plan font que je refuse encore plus de me renforcer et ceci affecte fortement nos relations de couple, ainsi que nos relations sexuelles (je refuse d'avoir un autre enfant avec un tel homme). Il m'en demande toujours plus et cela devient insupportable. Je me sens etouffee en sa presence et du coup j'essaye de passer le moins de temps possible en sa compagnie, n'ayant plus rien en commun avec cet homme qui est devenu un inconnu pour moi. Je sais qu'en tant que convertie, je devrai donner l'exemple (il me le repete sans arret), mais ce n'est pas en me forcant ou en me disant qu'il m'aimera plus si j'etais ultra orthodoxe qu'il y arrivera. La religion n'est pas censee etre source de discordes mais dans notre cas elle est la seule cause de disputes et cela m'attriste profondement. Il en arrive a me degouter de certaines mitsvot, le shabbat que j'ai toujours fait avec amour devient souvent la journee de disputes qui commencent des vendredis avec les preparatifs et je n'en peux plus qu'il me gache presque chaque shabbat sous pretexte qu'il est "plus blanc que blanc" et que c'est moi qui suis dans le tort. Il me conseille d'aller a des chiourim pour femmes, ce que j'aurais fait avec grand plaisir s'il n'y avait pas toute cette pression. Je me contente de respecter le shabbat, la cacheroute et les regles de purete familiale du mieux que je peux, ce qui est deja assez difficile pour moi, et etant femme au foyer a plein temps et etudiante, je n'ai pas ni le temps ni l'energie (et maintenant grace a mon epoux ni la volonte) d'approfondir mes connaissances en Tora. J'estime avoir fait suffisament pour lui ces 10 dernieres annees pour qu'il ait le culot de me demander quoi que ce soit et je suis arrivee a un stade ou je n'arrive plus a faire d'efforts pour lui, m'etant rendue compte qu'il n'en fait pas pour moi, que je suis la derniere dans sa liste de priorites, qu'il a toujours refuse de m'accepter telle que je suis (meme quand il etait laic), qu'il m'en demande toujours plus, et qu'il essaye de me changer pour faire de moi quelqu'un que je ne suis pas (une ultra-orthodoxe). J'essaye de lui expliquer que la religion ne doit pas etre une cause de disputes et qu'il pourrait faire un effort pour m'accepter avec mon niveau religieux (sans avoir l'espoir que je deviendrai ultra orthodoxe un jour) et que cette demarche est essentielle pour sauver notre mariage et notre vie de famille. J'aimerai qu'il arrive a faire la part des choses et qu'il ralentisse son etude pour ne pas qu'on se retrouve avec un decalage encore plus important entre notre pratique de la religion. Mais il dit que s'il ne progresse pas, il regresse et il refuse de regresser maintenant qu'il a trouve LA voie de la verite. Ma question serait donc la suivante : est ce qu'un khozer bitchouva doit "se calmer" s'il voit que son couple est en peril ou doit-il continuer a progresser tout seul dans la Tora au risque de perdre sa famille ? Je vous remercie d'avance d'avoir pris le temps de lire mon long message et de m'y repondre.

Dr Michael Ben Admon
Mercredi 4 juin 2008 - 13:03

Shalom,

Vos propos sont tres touchants, relatent une detresse tres forte et bien que je ne me considere pas habilite a faire du 'conseil conjugal', dans ce cas je me permets de vous repondre, et par vous a tous ceux qui se trouvent dans la meme situation.
Vous decrivez tres justement ce qui se passe chez ceux que l'on appelle les nouveaux-pieux.
Une volonte de radicalite, l'urgence de rattrapper le temps perdu, la necessite de servir Dieu toujours et partout. En bref, le sentiment de vivre quelque chose d'authentique et de puissant. Il faut bien avouer que cette capacite a s'adonner a l'etude a la pratique et a l'etude n'est pas donnee a chacun. En ce sens, votre mari, malgre sa radicalite, est digne de respect.
Cependant, l'etude a un but et ce but ne s'atteind pas dans la solitude mais dans la vie reelle: au travail, en famille, dans les relations humaines.
Sans tout cela, l'etude ne reste qu'un edifice theorique, celui qui a la connaissance n'est qu'un livre ambulant. La revolution du Judaisme est dans un dieu abstrait, qu'on ne peut pas atteindre par nos sens ou intellect, Nos sages nous enseignent que le rapport a Dieu passe par le rapport a l'autre. Ne peut aimer Dieu quelqu'un qui n'aime pas l'autre homme. Ne peut comprendre ce qu'est l'amour pour Dieu quelqu'un qui ne sait pas ce que signifie l'amour pour sa femme. Arriver a Dieu differemment, c'est se trouver dans ce que Maimonide appelle l'idolatrie - ni plus ni moins.
Je le dirais d'une facon claire:
C'est un scandale theologique que la religion, plutot que de rapprocher les etres cree des guerres, des conflits, entre les peuples et a l'interieur des foyers.
'Derakhea darkhe noam, vekhol netivotea chalom' - 'Toutes ses voies (a la torah) sont agreables et ses sentiers de paix'. Ce verset doit etre interiorise, vecu, repete, etudie encore et encore !
Le Talmud et la Halakha sont pleins d'exemples qui decoulent du principes 'Gadol hachalom' - grande est la paix et l'entente.
L'importance du couple est primordiale: la vie de famille, l'exemple pour ceux qui nous entourent, la transmission de l'amour de la torah - rien de tout cela ne se fait dans une maison ou un choix est fait entre la Torah et la famille.
Le nom de Dieu est efface lorsqu'il s'agit de la paix entre les epoux.
Ces deux valeurs sont complementaires et si, pour arriver a cette complementarite, il faut freiner ses envies d'etude et accepter la difference - alors c'est cette voie qu'il faut suivre. La Torah n'est pas la pour casser les couples, degouter les enfants et creer des personnes intolerantes et invivables pour leur entourage.
Le Rav Kook dans un de ses textes insiste sur le fait que le sentiment religieux ne peut pas prendre le paas sur la morale naturelle, et si c'est le cas, cette religion est dangereuse.
Essayez de trouver un cours qui vous parle a vous deux, un enseignant qui vous connaisse. Posez des questions a votre mari sur le sens des actions qu'il fait, qu'il aimerait vous voir faire . En bref, ouvrez le dicours sur ces sujets qui vous tombent sur la tete comme des obus. Poussez le a vous expliquer -et cherchez vous aussi a comprendre - ce qu'il etudie. Donnez-lui l'opportunite de partager sa passion pour l'etude avec vous. Quant a la pratique, aucune mitsva ne se fait sous pression et contre sa volonte. Pour arriver a etre un homme bien, il faut une vie, Il serait pretentieux de dire le contraire et d'esperer de ses proches -et de soi-meme - la perfection du jour au lendemain.