Conversation 44216 - Question de conception

yaniv13
Samedi 11 octobre 2008 - 23:00

Chalom

J'aimerais dedier le Limoud Tora qui sera effectue lors du traitement de cette question et lors de la lecture de la reponse Leilouy Nichmato chel HaRav Elie Kahn Zal

Ma question concerne ce qu'on appelle les prieres dites en vain.
Il y a une michna qui traite de ce sujet en disant qu'un homme doit prier pour avoir un garcon jusqu'a 40 jours de grossesse car c'est a ce moment qu'est fixe le sexe du bebe. Passe ce delai ce serait une priere en vain et la michna continue en donnant les autres etapes de la grossesse.

Nous savons aujourd'hui que le sexe de l'enfant est fixe des la conception (chaque spermatozoide est porteur d'un seul sexe) et je me pose donc la question: est-ce qu'un homme qui demanderait un garcon jusqu'au quarantieme jour de grossesse est coupable d'avoir prononce une priere en vain?
Et si non, pourquoi?
Comment expliquer la Michna si on part du principe que les paroles de nos Maitres sont morales et allegoriques?

Merci beaucoup

Emmanuel Bloch
Jeudi 30 octobre 2008 - 01:50

Bonjour Yaniv13,

Vous faites reference a un passage du Talmud selon lequel on peut prier pour le sexe d'un enfant a venir pendant les 40 premiers jours de la grossesse (cf. brakhot 60a et textes paralleles).

Le probleme, tel que je le comprends, n'est pas lie au concept de "priere en vain" (Tefilat Chav). En effet, il est constant que de prier pour le sexe du futur bebe, alors que celui-ci est deja determine, constitue une priere en vain, qui est donc interdite.

La difficulte est ailleurs : nous sommes en presence d'une contradiction apparente, entre la guemara et la medecine moderne, sur la question de savoir quand le sexe de l'enfant est determine. Selon la Science, c'est au moment de la fecondation, alors que selon une comprehension litterale du Talmud, c'est semble-t-il 40 jours apres.

Pour resoudre un probleme de conflit entre Science et Torah, nos Sages ont developpe plusieurs methodes. Je vais me borner a les resumer tres brievement ici, mais chacune de ces methodes meriterait un traitement plus approfondi :

1. La Science se trompe, alors que les connaissances de nos Sages sont d'origine divine et donc infaillibles.
2. Les scientifiques et les Rabbins ont tous deux raison, c'est la nature du monde qui a change depuis l'epoque du Talmud.
3. Les Rabbins et les scientifiques ont tous deux raison, mais c'est nous qui comprenons mal le texte talmudique.
4. Les Rabbins parlaient de maniere metaphorique.
5. Les scientifiques ont raison, et les Rabbins peuvent avoir tort dans les domaines qui ne relevent pas de la Torah pure (position du Rambam notamment).

Toutes ces methodes sont valables, pas toutes en meme temps mais selon les circonstances, et je ne saurais vous dire laquelle utiliser dans le cas qui vous preoccupe.

Finalement, je voudrais conclure en soulignant que la preference pour un garcon, qui se reflete dans la guemara citee, n'est pas normative mais represente apparemment le sentiment populaire a l'epoque du Talmud. En realite, il faut admettre que le "cadeau" est tout aussi immense, que Dieu donne un fils ou une fille.

Eric Ophir
Mercredi 29 octobre 2008 - 23:00

Bonjour Monsieur le Rabbin,

Je fais suite à votre réponse à la question n°44216.
Vous y énoncez que la position du Rambam sur les questions sciences vs. Torah est que l'avis des scientifiques prime sur les questions qui ne relèvent pas de Torah pure. Pourriez-vous s'il vous plait me donner la source de cette position?

Merci beaucoup et àbientôt.

Bien à vous,

Eric.

Emmanuel Bloch
Dimanche 2 novembre 2008 - 00:10

Bonjour,

Le Rambam ecrit, dans le Guide des Egares 3:14 :

"Il ne faut pas exiger que tout ce que [les Rabbins] ont dit relativement a l'astronomie soit d'accord avec la realite; car les sciences mathematiques etaient imparfaites en ce temps-la, et s'ils ont parle de ces choses, ce n'est pas qu'ils aient recu la-dessus une tradition des prophetes, mais plutot parce qu'ils etaient les savants de ce temps-la pour ces matieres, ou parce qu'ils les avaient entendues des savants de l'epoque".

La meme idee se retrouve dans les ecrits du fils du Rambam, Rabbi Abraham ben haRambam (Maamar al Derachot Hazal):

"La grande superiorite des Sages du Talmud, leur expertise dans les explications de la Torah et de ses details et la verite de leurs paroles dans l'exposition des principes et de leurs details, ne nous oblige pas a defendre leurs vues dans les domaines de la medecine et des connaissances scientifiques."

En verite, on trouve la meme opinion exprimee depuis le temps du Talmud (Pessahim 94b, opinion de Rabbi Yehouda HaNassi), en passant par le temps des Geonim (Techouvot HaGeonim 394, Rabbi Cherira Gaon), jusqu'a l'epoque moderne et Rav Chimchon Raphael Hirsch.

Il va de soi que d'autres Sages ne sont pas d'accord, et considerent que Hazal etaient infaillibles. En ce qui nous concerne, bien sur, les deux opinions sont acceptables.

P.S. Je ne suis pas rabbin :)

johng
Vendredi 31 octobre 2008 - 23:00

Bonjour,
concernant la question 44216 concernant le fait de pouvoir prier ou non pour le sexe du foetus jusqu'à 40 jours, je voudrais apporter l'information suivante:

bien que le sexe du foetus soit déterminé génétiquement dès la conception, ses organes sexuels ne se déterminent en garçon ou fille que vers la 6eme semaine, c'est-à-dire à un peu plus de 40 jours...

On peut alors en sachant cela donner 2 réponses à yaniv13, en reprenant les possibilités proposées par Emmanuel Bloch en cas de divergence entre science et rabbins:

1)Les 2 ont raison, les rabbins connaissant par transmission de leurs ancêtres l'âge auquel les organes génitaux commencent à se différencier ont donc enseigné que l'on pouvait prier jusqu'à ce moment-là.
On pourrait aussi dire qu'il y a peut être à 40 jours une partie d'âme supplémentaire mâle ou femelle qui entre dans le foetus, déterminant son sexe, et les sages connaissant l'âge auquel arrive cette partie d'âme ont donné cette date de 40 jours.

2)La science se trompe : il n'y a aucune fatalité dans ce qui arrive, car tout vient de D. qui peut absolument tout faire, et qui peut donc très bien rendre mâle celui qui a des gênes femelles ou vice-versa...
On pourrait me rétorquer "puisque D. peut tout faire, alors on devrait pourvoir prier même après 40 jours!"
Ce à quoi on pourrait répondre que bien que tout vient de D. et que tout ce qui paraît naturel est en fait miraculeux (lire Mikhtav meEliahou à ce sujet), D. ne veut pas que les miracles soient trop dévoilés, pour que l'homme puisse conserver son libre-arbitre. C'est pourquoi les miracles sont en général cachés.
Donc jusqu'à 40 jours, D. "accepterait" de faire le miracle de changer le sexe du bébé, car cela ne consisterait qu'en une modification génétique (présence ou absence du gène SRY), mais après 40 jours, D. "n'accepterait plus" de faire ce miracle, car bien que le foetus soit caché puisqu'il se trouve dans le ventre de sa mère, il faudrait modifier les organes du foetus ce qui serait un miracle beaucoup plus grand (car beaucoup plus flagrant que l'apparition d'un gène!)

J'espère avoir été clair et juste...
Chavoua tov !

Emmanuel Bloch
Jeudi 6 novembre 2008 - 08:26

Merci de votre contribution.

A titre personnel, j'aime assez votre premiere proposition (meme si, s'agissant de votre deuxieme remarque, je n'ai pas connaissance d'aucune source juive attribuant a l'homme une ame a plusieurs "composantes" dont l'une donnerait le sexe, male ou femelle).

Votre deuxieme suggestion, je crois, va a l'encontre du concept de "priere en vain" (תפילת שוא). Comme je le comprends, il ne s'agit pas de savoir si un miracle est visible ou pas, mais si l'evenement s'est deja passe ou non. C'est la definition posee par la Michna dans Brakhot (9:3) : הצועק לשעבר - הרי זו תפילת שוא. Il est donc interdit de prier pour changer quelque chose qui est deja advenu, meme si le changement est invisible.