Conversation 4780 - Conduite au Mikve

Anonyme
Dimanche 23 février 2003 - 23:00

Chers Rabbanim,

Dans un mikvé, j'aimerais savoir :

1) s'il est bon de continuer à porter la kipa, de telle sorte qu'on ne marche pas 4 amot la tête découverte

2) si on a le droit de faire rentrer son sac de provisions, ou bien s'il convient de le laisser au-dehors

Berakha vehatsla'ha

Rav Elie Kahn z''l
Mercredi 19 mars 2003 - 23:00

1) trouvez vous logique de marcher tout nu, mais la tete couverte?
2)Laissez le au vestiaire, avec vos habits.

Anonyme
Jeudi 20 mars 2003 - 23:00

[ suite cheela 4780 ]

Cher Rav Elie,

Trois réflexions me viennent quant à votre question :

1) Elle me surprend. En effet, comment la logique, bien en-deça des vérités de la Torah, va-t-elle me permettre décider de ma conduite conformément à Ses préceptes ? Et comme ma logique a une grande part d'illogique par rapport à ces verités, je ne saurais m'en servir pour décider seul : je ne suis pas un philosophe, mais un ba'al techouva ; je ne m'en réfère pas à ma logique (toutes proportions gardées, évidemment), mais à nos Maîtres. D'où ma cheela.

2) A votre tour, trouvez-vous logique que la nudité fasse oublier qu'il existe un Créateur au-dessus de nous, ce que symbolise précisément la kipa ?

3) A votre connaissance, Adam harichone avait-il la tête couverte ?

Rav Elie, veuillez considérer que ces trois points ne contiennent aucune provocation, tant il est vrai que j'ai du respect pour les Rabbanim.

Comprenez plutôt qu'en tant que ba'al techouva, j'ai fait par le passé de la peine à Hakadouch Baroukh Hou par mes comportements, que je trouvai profondément... logiques ! Aussi, vous savez, je me méfie un peu de ma logique aujourd'hui, en attendant de pouvoir la renforcer et de l'éduquer quelque peu.

Berakha vehatsla'ha rabba

Rav Elie Kahn z''l
Vendredi 28 mars 2003 - 22:00

1: Si ma reponse vous a froisse, je vous demande pardon, ce n'etait pas du tout dans mon intention.
Les reflexions que vous partagez avec nous meritent toute notre attention, et nous permettent de traiter de la question de la place de la logique humaine dans le processus de la decision hilkhatique.
Il est vrai que l'on ne peut se permettre de repondre a des questions en matiere de Halakha uniquement a la base de notre logique. Affirmer le contraire signifie que l'on peut se passer des ouvrages de Halakha et que ce qui a ete ecrit au cours des siecles ne revet que peu d'importance a nos yeux, puisque notre logique primerait tout. Mais cela ne signifie pas pour autant que nous puissions et que nous devions faire abstraction totale de la logique. Celle-ci nous aide a mieux comprendre les textes, a eviter les lectures problematiques et les conclusions hasardeuses.
Un des principes de base de la Halakha est tire du verset de Michley/Proverbes דרכיה דרכי נועם "ses voies (les voies de la Tora) sont des voies de douceur", ce qui selon Rabbi David ben Zimra, veut dire que les lois de la Tora se doivent d'etre en accord avec l'intelligence et la logique.

2: Ne pas avoir la tete couverte ne signifie pas pour autant oublier le Createur, et s'il est vrai que nous accordons aujourd'hui une grande importance a avoir la tete couverte, ce ne fut pas toujours le cas.

3: Qui sait? Mais vraisemblablement non. L'obligation de se couvrir la tete est tres tardive; dans la Guemara c'est considere comme une Midath H'assidoute, c'est a dire un signe de piete particuliere.

Bonne continuation.

Anonyme
Vendredi 28 mars 2003 - 22:00

[ suite cheela 5285 ]

Cher Rav Elie,

1) C'est avec empressement que je vous pardonne, avec néanmoins toute l'humilité et le respect qu'un talmid doit manifester à un Rav.

2) "Ne pas avoir la tete couverte ne signifie pas pour autant oublier le Createur" : le Qitsour Choul'hane 'Aroukh (3,6) rapporte une halakha qui semble pourtant aller dans le sens contraire. Voici l'extrait : "Il est interdit de franchir 4 coudées (...) la tête découverte. On doit aussi habituer les enfants à se couvrir la tête, afin que la crainte de D.ieu soit sur eux."

Ma question à propos de se couvrir la tête au Mikvé, part en réalité justement de cette halakha. Mais en réfléchissant un peu depuis que je l'ai posée, je me suis demandé si les paroles de Chlomoh hamelekh ne s'appliquaient pas ici : "Ne sois pas juste à l'excès, ni plus sage qu'il ne faut" (Qohelet 7,16)

En résumé (et en conclusion !), dois-je me couvrir ou non la tête en ce lieu ? Il semble bien que non, mais j'aimerais juste être sûr...

3) La référence talmudique en question est-elle la Guemara Chabbath 156b ?

Berakha vehatsla'ha rabba

Rav Elie Kahn z''l
Dimanche 30 mars 2003 - 23:00

1: Merci.

2: Profitons de votre remarque pour faire un court historique du couvre-chef.
On considere genralement qu'a l'epoque talmudique les hommes se couvraient la tete en Babylonie, alors que cette coutume etait moins repandue en Israel (1). Se couvrir la tete symbolise que nous ressentons la presence de D'ieu, mais ceci, meme en Babylonie etait une "midat h'assidoute", un signe particulier de piete, pas une obligation. Le couvre-chef est plutot l'apanage de l'elite(2).
Au Moyen-Age, sa signification evolue; il permet de distinguer entre juifs et non juifs, et du coup il revet pour certains une plus grande importance que par le passe (3).
Devant les efforts deployes par la Reforme au 19eme siecle pour annuler l'obligation de se couvrir la tete, et la pression assimilatrice du gouvernement tsariste, se couvrir la tete est une maniere d'affirmer son attachement a la Tora et aux mitsvoth et revet une importance supplementaire (4), importance qui se maintient jusqu'a nos jours (5). On dit couramment en hebreu d'une personne qui cesse de respecter les mitsvoth, qu'elle a enleve sa Kipa. Ce qui prouve son importance symbolique (6).
Le Kitsour Choulhane Aroukh que vous citez ne couvre donc qu'un des multiples aspects du couvre-chef.
Et malgre tout, je ne pense pas que etant nu a la mikve, il soit necessaire d'avoir la tete couverte.

3: voir note 1 pour des sources supplementaires.

References: 1: Berechit Raba, 27, 6; 17, 8; T.B. Chabat 118, b; 156, b; Kidouchine 31, a. 2: Meme au Moyen-Age, et plus tard encore, ce n'est pas considere par tous comme une stricte obligation. Choute Hamaarchal, 72; Biour Hagra, O. H., 8; Choute Hariam, 21. 3: Choute Mahari Brouna, 34. 4: Haelef lekha Chlomo, O. H., 3. 5: Par exemple Igrot Moche, O. H., 1, 1. 6: Dans le livre Olam keMinhago noeg de Eric Zimmer, il y a un article tres complet sur cette evolution.