Conversation 58845 - A propos des métiers de la finance

sousben
Mercredi 17 août 2011 - 23:00

Kvod HaRabbanim,
Que pensez-vous des metiers de la finance, ceux du trading et market-making en particulier?
La morale mise en jeu, consistant a exploiter les faiblesses des investisseurs concurrents semble en desaccord avec le devoir d'aimer son prochain.
La loi du marche est basee sur le profit a tout prix et generalement sur le dos des autres, les cours de bourses montent lorsque les societes licensient, etc...

Je souligne les points les plus negatifs, cependant, ces metiers sont egalement indispensables a la liquidite de l'investissement, permettent aux entreprises de se developper, etc...

Il me semble que d'un point de vue strictement halakhique, le risque est de "dresser un obstacle devant l'aveugle", mais on peut argumenter que tout le monde connait les regles du jeu.

Selon vous, n'y a t'il aucune objection a ces metiers? Sont-ils autorises mais peu recommandes? Interdits?

Merci d'avance pour vos lumieres

Jacques Kohn z''l
Jeudi 18 août 2011 - 09:34

La Tora caractérise l’honnêteté dans les affaires à partir de la notion de אונאה (« lésion ») :
וְכִי תִמְכְּרוּ מִמְכָּר לַעֲמִיתֶךָ אוֹ קָנֹה מִיַּד עֲמִיתֶךָ, אַל תּוֹנוּ אִישׁ אֶת אָחִיו.
« Et lorsque vous vendrez un bien à ton semblable, ou qu’on achètera de la main de ton semblable, qu’un homme ne lèse pas son frère » (Wayiqra 25, 14).

Il existe toute une législation qui définit cette notion de lésion et qui fixe pour le vendeur comme pour l’acheteur la marge bénéficiaire qu’il est permis de réaliser, et celle qui est interdite.

Ce qui caractérise les opérations boursières, c’est que les cours des valeurs sont strictement fixés selon la loi de l’offre et de la demande. Il est probablement permis d’employer son habileté pour spéculer sur une hausse ou sur une baisse des cours, mais probablement interdit de les manipuler, notamment par le délit d’initié.

sousben
Jeudi 18 août 2011 - 23:00

58845
Merci pour votre reponse.
Vous parlez de legislation definissant la notion de lesion, est-elle disponible dans le Yalqout Yossef? Ailleurs?

Jacques Kohn z''l
Mercredi 7 septembre 2011 - 01:39

1. Choul‘han ‘aroukh ‘Hochèn michpat chap. 61 et 205

2. Henri ATLAN – DE LA FRAUDE – Le monde de l’Onaa
La librairie du XXIè siècle – Le seuil

Heeb
Mercredi 24 août 2011 - 23:00

M. le Rabbin Kohn, permettez moi de compléter votre réponse très pertinente à la question 58845 relatif aux métiers de la finance.
J'ai pu lire en effet sur ce sujet passionnant que le Talmud condamne certaines pratiques actuellement tenues pour légitimes :
"De ceux qui thésaurisent les produits (pour en faire monter les prix), qui pratiquent l'usure, qui ne font pas mesure pleine, et qui troublent le marché, l'Ecriture déclare : L'Eternel l'a juré par la gloire de Jacob : je n'oublierai jamais aucune de leurs œuvres;" (Amos 8,7) (B.b.90 b.)
Est prohibée non seulement la fraude patente, mais toute espèce de tromperie : « Le oui du juste est oui ; son non est non. » (Ruth R. sur 3, 18).
A notre époque, l’argent est tel un produit, on parle d’ailleurs opportunément de « produits financiers » que certaines banques ou organismes de crédit vendent pour des gains importants, et selon des procédés à la limite de la tromperie, au détriment de l’endettement des ménages. Ne peut-on donc pas penser que le Talmud, sur la base sus évoquée, décommande formellement les métiers qui participent de ces pratiques ?
Le Talmud notamment la 1ère évocation, parait à tous égards, vous en conviendrez je pense, applicable en matière de spéculation sur les matières premières alimentaires (tel le blé), malheureusement très à la mode en ce moment.
Avec tout mon respect.
P-A. Zalcberg

Jacques Kohn z''l
Jeudi 25 août 2011 - 10:31

Je vous remercie de votre contribution, tout en vous faisant remarquer, sans que la présente remarque ait valeur de décision rabbinique, que la contribution des organismes financiers au surendettement des ménages est encouragée, dans une certaine mesure, par ces ménages eux-mêmes. La responsabilité de ces organismes est engagée, mais elle n’est pas exclusive.

Participer à ces activités est moins rédhibitoire qu’à celles où intervient la notion de « lésion ».