Conversation 6174 - Judaisme et incineration
J'ai un problème moral vis à vis d'une personne seule rescapée de toute sa famille de la choa et qui a pris toutes ses dispositions pour se faire incinérer afin que ses cendres rejoignent à Auchwitz les cendres de ses parents. Devant la détermination de cette personne avec qui je discute souvent, je suis à court d'arguments. Que me conseillez-vous de dire ou de faire? (Peut-être avez-vous d'autres arguments auxquels je n'ai pas pensé ou que j'ignore) Merci au rabbin qui voudra bien me répondre.
Que répondre ?
Il est des questions devant lesquelles on tremble.
Il est une souffrance au-delà des paroles, où se brise, impuissante, notre pauvre logique. Qu'on me pardonne donc : en guide de réponse, je vais parler de moi.
Rescapé moi-même (en Hongrie, les déportations ont commencé alors que la France, déjà, était libérée), élevé dans une famille de rescapés, j'ai vécu, enfant, les souvenirs de mes parents, leurs récits et ceux des visiteurs soudain surgis du passé, qu'ils interrogeaient sans relâche : « as-tu revu Untel, sais-tu quelque chose de Tel-Autre ? On m'a dit... Quelqu'un a entendu... »
Adolescent, j'ai lu fiévreusement les témoignages d'Elie Wiesel, les analyses historiques de Léon Poliakov, de Jules Isaac, les méditations d'André Neher sur le silence d'Auschwitz et bien d'autres, bien sûr... et je me suis fait une promesse : pour ce qui dépend de moi, dans le monde où mon fils grandira, il y aura tout ce que les Nazis ont voulu supprimer. Il y aura des maisons juives et des écoles et des jardins où joueront les enfants juifs et des lieux de prière et des maisons d'étude. Et, peut-être par dessus-tout, il y aura aussi des tombes où nous mettrons nos morts et où nos orphelins diront le Qaddish. Car je veux rendre à mon peuple, pour ce qui dépend de moi, ce dont les Nazis ont voulu le priver : pouvoir poser une pierre sur la tombe d'un grand-père et sur la tombe, aussi, d'un inconnu que nul peut-être ne visite plus, mais qui est là, au milieu des siens. Ils ont voulu effacer mon peuple dans l'anonymat des cendres dispersées. Je veux redonner à ces cendres un lieu dans une tombe juive et graver leurs noms auprès du mien. Car, faire autrement, ne serait-ce pas contribuer, comme de mes propres mains, à pousuivre ce qu'ils n'ont pas pu eux-mêmes achever ?
Abraham notre père, échappé par la grâce de Dieu à la fournaise ardente où Nemrod l'avait précipité, a pu dire plus tard, se souvenant : « je suis poussière et cendre. »
Face au monde concentrationnaire où tous les Nemrod de l'histoire voulaient dissoudre mon peuple, jusqu'à l'horrible Choa qui, de Durban à Paris, fait à nouveau ricaner aujourd'hui et dresser le poing les ennemis d'Israël, cette poussière et cette cendre nous crient, suppliantes, réponds-leur : Ich bin Jüde ! Je suis Juif. En Juif je vivrai et en Juif je mourrai et, longtemps après que nos ennemis d'aujourd'hui auront rejoint dans les oubliettes de l'Histoire nos ennemis d'hier, mes enfants après moi, ou ceux des autres pourront dire et chanter : Am Yisrael Hay - le peuple d'Israël est vivant.!
Bonjour et Chabbat Chalom !
Voilà, mes parents, ont exprimé le désir d'être incinérés. Personnellement, je préférerai respecter la halakha en la matière.
Devrais-je outrepasser leurs dernières volontés ?
Si mon père décède avant ma mère (ou réciproquement), il/elle verra que je ne respecte pas sa volonté et saura que je ferai pareil pour il/elle. Ce qui va créer un conflit.
Que me conseillez-vous ?
Halakhiquement parlant, quelle est ma responsabilité si je laisse pratiquer l'incinération ?
Avec mes remerciements anticipés et merci pour votre travail.
L'incinération est strictement interdite, et vous n'etes pas tenu de respecter la volonté de vos parents à ce sujet.
Je suppose que la responsabilité d'enterrer le premier de vos parents qui viendrait à décéder (après 120 ans) reviendra à celui qui restera, et ne sera pas sous votre responsabilité, et si vous n'arrivez pas à convaincre, vous n'y etes pour rien.
Si cette responsabilité vous revient, il vous faudra expliquer que vous ne pouvez agir contre votre et conscience et convictions religieuses.
Essayer d'en parler avec vos parents déjà maintenant et de les convaincre.