Conversation 63190 - Téchouva sous la torture

lejuiferrant
Dimanche 6 mai 2012 - 23:00

Bonjour,

Nous nous demandions : Où est la sincérité (et le libre-arbitre) dans une personne qui va se repentir juste par crainte de se faire lapider ou tuer ? Excusez moi cette caricature (je l'utilise pour plus de clarté) mais "le libre arbitre avec un pistolet sur la tempe" ne pose t il pas un problème de libre arbitre (et de jugement de la sincérité d'une techouvah par exemple) ? Merci beaucoup pour l'aide de vos explications

Nathaniel Zerbib
Jeudi 10 mai 2012 - 21:15

Chalom,

Avant de vous répondre, je souhaiterais analyser votre question.

Tout d'abord, vous partez du principe qu’ils existeraient des personnes qui craindraient un châtiment corporel comme la lapidation ou tout autre punition entrainant la mort en conséquence de leurs fautes. Je suppose que vous faites allusion aux interdits de la Torah sanctionnés par ce type de punition, comme la violation du Chabbat, les relations interdites, l'idolâtrie, le meurtre etc... Or, je n'ai jamais vu d'homme se faire lapider sur la place publique, du moins pas dans le milieu juif; il est vrai que le peuple juif est un peuple de justes de manière générale comme en témoigne le prophète Isaïe (60,21), mais, bien que n'ayant pas vérifié, je ne suis pas certain que tous respectent le Chabbat (pour ne prendre que cet exemple) dans tous ses détails. Vous me rétorquerez à juste titre que nous n'avons plus aujourd'hui la possibilité technique de le faire du fait qu'il n'y ait plus d'instance rabbinique apte à mettre en application ce genre de sentence. Je vous répondrais que d'une part, ce sont les rabbins eux-mêmes qui ont décidé de se retirer cette autorité (cf. Sanhedrin 15a) et d'autre part, même du temps ou cela était d'usage, cette punition n'était infligée que très rarement. Dans ce cas, me direz-vous, quel est donc l'intérêt d'une punition, ayant a priori pour objet la dissuasion du pécheur à enfreindre la loi, qui ne serait appliquée pratiquement jamais? La réponse est que les différents degrés de punition de la Torah révèlent l'importance des commandements, et la gravité de la sanction lui est proportionnelle. Au regard de la sanction, nous devons comprendre combien la mitsva est fondamentale à tel point qu’elle mériterait pareil châtiment.

Ensuite, vous supposez que se repentir par crainte de recevoir une quelconque punition entache la sincérité du repentant. Je ne comprends vraiment pas pourquoi. Nous pouvons tout a fait concevoir qu’on puisse corriger ses mœurs et ses actions de manière absolue, en n’ayant aucunement l’intention faire marche-arrière simplement par peur de payer trop cher a la sortie.

Pour ce qui est du libre arbitre, j’aurais pu être d’accord avec ce que vous avancez dans le cas ou la punition s’abattrait immédiatement après avoir commis la faute. Or, D. dirige le Monde de manière bien différente. L’Homme a le libre choix de croire ou pas en la véracité de la Torah et des intentions que D. a vis-à-vis du pécheur. Même en admettant que l’on ait une conscience absolue de l’existence de la punition, ne puis-je donc pas décider de manière entièrement délibérée d’introduire ma main dans le feu ou pire, me jeter du 50e étage (ce n’est, une nouvelle fois qu’un exemple, j’aurais pu dire 30e) , tout en sachant pertinemment quelle sera l’incidence d’un tel acte ? ( Il existe cependant un lien entre le repentir et le libre arbitre que je développerais en fin de réponse).

Malgré ces objections, je discerne le malaise qui émane de votre question, à savoir, n’y a-t-il pas un certain défaut à cette manière de revenir vers D. ? N’existe-t-il pas de voie plus saine, plus élevée de faire Techouva ? Nos Sages distinguent en effet deux types de Techouva : miyira (par crainte) et meahava (par amour). La première est celle que vous décrivez. La seconde est la prise de conscience de l’Homme du coté négatif et nuisible de la faute en tant qu’acte haie de D. sans rapport avec le châtiment qu’elle entraine. Ou, selon la définition de Maimonide, " accomplir la vérité par/pour ce qu’elle est vérité " (Hil’hot Techouva 10,2) Le Talmud (Yoma 86b) va jusqu'à dire que cette techouva est tellement grande qu’elle a le pouvoir de transformer les fautes en mérites.

Pour en revenir au libre arbitre, et son lien avec la techouva , je terminerais par l’explication du Rav Kook zatsa "l quant à la question du libre-arbitre et de la connaissance , à savoir : si D. sait à l’avance ce que je vais choisir, comment puis-je admettre être libre de mes choix (et vice-versa). Dans son livre traitant quasi-exclusivement du repentir, Orot Hatechouva (16, a*) il y répond de la manière suivante : avant la techouva, l’homme est entièrement libre de ses actes et il est totalement responsable de la faute commise. Cependant ,après avoir abandonné et regretté ses mauvaises actions pour revenir sur le droit chemin, on lui révèle, a posteriori, qu’il n’en est rien.

Que D. nous aide à revenir vers Lui à chaque instant.