Conversation 68831 - Penser a un autre pendant l'acte

Shalom,

Vous faites sûrement allusion aux propos du Tour (OH 240 et EH 25) qui affirme que penser à quelqu'un d'autre durant l'accouplement provoque des enfants "mélangés" (irbouvia). Il est évident qu'il s'agit de penser à quelqu'un d'autre spécifiquement.
Il faut comprendre que cela provient d'une vision du monde qui dit que le pensée influe sur l'engendrement (cf. Zohar Ki Tetze 135a; Rekanati sur parashat Vayetze s.v. vayikah' lo ya'akov et sur Ki Tetze s.v. ki ikah' ish isha; Menorat HaMaor Ner III Klal 6, 5ème partie, chap. 4; etc.)
Le Rav Yekoutiel Halbershtam (1904-1995, resp. Divrei Yatziv EH 14) écrit, au nom du Baal Shem Tov, que si une femme pense à un autre cela va engendrer que l'homme également pensera à une autre femme et cela nuit grandement au couple.

Vous avez raison, une pensée vagabonde, cependant, n'est pas interdite.

Mais au-delà de ces débats techniques, essayons de nous concentrer sur l'importance d'une pensée pure au moment de cet acte.
C'est un moment de dévouement et d'ouverture vers l'autre, où l'on ne fait plus qu'un avec notre mari/femme (pour le Ramban on accomplit le verset "vahyou leBassar eh'ad" - "ils ne feront qu'une seule chaire" - Bereshit 2:24). Ce don de soi doit être altruiste, pour l'autre, c'est ce que la halah'a vient marquer: l'homme ne peut pas forcer sa femme, il est absolument interdit qu'elle ait peur de lui ou que cet acte soit la conséquence d'une haine ou d'un comportement belliqueux et de confrontations (comme le souligne bien le Rambam dans Hil. Issourei Bia 21,12). C'est un acte d'amour qui doit être commis avec l'intention d'être là pour l'autre. Et pas que l'autre n'est qu'un moyen pour nous d'assouvir nos "besoins".
Le Ramban (dans sa lettre sur la sainteté) ainsi que Rabbeinou Bah'yei (dans son commentaire sur la Bereshit 30:37 et Vayikra 19:2), tout comme le Ra'avad (dans son livre Ba'alei HaNefesh) expriment cela en affirmant la nécessité de purifier sa pensée au moment de ce don de soi. C'est cela se sanctifier. Se rappeler qu'il ne s'agit pas simplement de "quelque chose physique", mais du don de la vie, la capacité de procréer, même si elle n'est pas toujours réalisée au même moment est une grande force. Le but de l'homme est bien d'engendrer, tant au propre qu'au figuré (des idées, etc.). On se dépasse, on sort de soi-même, on engendre. Cela veut dire qu'on ne se suffit pas à soi même et qu'il y a bien "quelque chose" au-delà du physique, une essence - une transcendance. La sainteté, c'est admettre qu'on ne se suffit pas à soi même et qu'il faut tendre vers l'Infini. Je crois que c'est ce qu'ils veulent dire, au fond. Cela ne veut pas dire que dans la rencontre avec l'autre on arrive nécessairement à rencontrer l'Infini, ni que cela est suffisant et qu'il n'y a pas où tendre, mais que c'est le début de la sainteté. La pensée est d'essence spirituelle et non matérielle, mais elle influe sur celle-ci. Quoi qu'il en soit, cela veut dire qu'elle est d'essence Divine. L'utiliser dans un sens contraire serait similaire à faire entrer un animal impur dans le Sanctuaire (cf. "Nefesh HaH'ayim", premier portique - L'âme de la vie, en français) !
Le Rosh (cité par le Divrei Yatziv, id.) va plus loin et dit même qu'un homme qui pense à une autre femme à ce moment là, c'est comme si, en pensée, il divorçait de celle-ci !

Il y a donc une grande différence entre une pensée vagabonde, qui ne constitue pas encore une sanctification pourtant, et le fait de penser à quelqu'un d'autre, qui est grave - car marquant une certaine brisure dans le couple et fuite de celui-ci.
Puisse D'ieu nous aider à nous sanctifier !

Kol touv