Conversation 70938 - La preuve !

javier_pastore
Mardi 13 août 2013 - 23:00

Shalom arav
J'ai lu un livre du rav Lipmann de Beth Shemesh, " a la decouverte de la torah " ( Il possede quelques asskamot serieuses, c'est un baal kerouv réputé parait il vous me le confirmerez peut etre ! ) .
Bref, Il ramene plusieurs preuve de l'existence de D' ( prophéties nottament ) puis vient son argument : " tous les peuples pretendent que D' s'est revelé a leur patriarche, mais bizarrement ils sont toujours seul a le voir ! Or le seul peuple qui a pretendu voir D' devant du monde, c'est notre peuple. Or en ecrivant cela dans la torah, Moshé prenait un risque enorme, il aurait fallu qu'une seule personne vienne et pretende ne pas avoir vu hachem, pour que moshé soit demasqué et que ses dires tombent a l'eau , or on ne peut affirmer que quelquechose d'aussi fou que cela, seulement si c'est vrai " .

j'ai quelques questions :

1. Qui nous dit bihlal que ce moshé a existé ? Qui me dis que ce n'est pas un excentrique qui a redigé un récit et qui a diffusé son histoire ( la torah ) sous forme de bouquin? Je veux dire, la base d'un kofere sera de demander avant toute chose, d'ou savons nous que ce fameux moshé a bien existé, or quelle en est la preuve si ce n'est ce qui est ecrit dans la torah pour quelqu'un qui n'y croirait pas de prime abord?
2. Qui me dit qu'il n'y a pas un hebreu qui a affirmé qu'il n'avait pas vu le maamad har sinai, et que tout simplement nous ne le savons pas ( nous n'avons pas entendu son contre temoignage lemachal )
3. Quel passouk affirme que ashem s'est revelé devant tout le peuple ?

Merci

Rav Samuel Elikan
Jeudi 15 août 2013 - 17:49

Shalom,
Cet argument est déjà écrit dans le Kouzari de Rabbi Yehouda HaLévy (I, 87) rédigé au 11ème siècle... En outre, je ne connais pas le rabbin que vous citez.
1- A part la Torah, et peut-être quelques sources historiques égyptiennes ou autres de l'époque, personne, si ce n'est la tradition, nous dit que Moshé a existé. Si on ne croit pas à la Torah, il serait logique de ne pas croire à l'existence de Moshé, tout comme on n'est pas "obligé" de croire à aucun fait historique, tout peut être remis en question, puisque relatif. Peut-être que rien ne s'est jamais passé et qu'on nous raconte des histoires. Ce ne serait pas impossible.
2- Personne. C'est le grand inconvénient d'un argument historique.
3- Tout l'épisode du Mont Sinaï - surtout Shemot 19:14-25. En outre, il est vrai qu'il existe une discussion quant à savoir si le Peuple a entendu toutes les Dix Paroles ou seulement les deux premières. Cette discussion est rapportée déjà dans le midrash (Shir HaShirim Rabba, 1) : « Rabbi Yehoshua dit : ils ont entendu deux Paroles… et nos Sages disent : toutes ont été entendues par le Peuple », ramené par les Tossafot (s.v. taria) sur T.B. Makot 23b-24a affirmant, selon Rav Himnouna, que « Torah » a pour valeur numérique 611 et que les deux autres commandements ont été entendu au Mont Sinaï. L’opinion du Ibn Ezra (comm. sur Shemot 20:1) est que toutes les Paroles ont été dites par D’ieu uniquement. Cet avis semble être partagé par Rabbi Yehuda HaLévi (Kouzari, cit. préc.). Cependant, le Rambam (Guide II, 33) affirme que le Peuple entier n’avait pas le degré de prophétie nécessaire à la compréhension des huit Paroles, seul Moshé a pu les entendre alors que les deux premières qui sont intelligibles - puisque ayant trait à des vérités métaphysiques - ont été entendues par prophétie par tous, dans un grand bruit imprononçable et ininterrompu dont on n’entend pas les coupures entre les mots (cf. encore dans le comm. du Rav Shem Tov sur le Guide, id., alors que Rav Asher Crescas, ibid., n’est pas de cet avis et prouve que toutes les Paroles ont été dites par D’ieu en s’appuyant sur le Kouzari et le Ibn Ezra). Abarbanel (Vaeth’anan, s.v. oukvar) discute longuement la question et ramène les différentes opinions, pour conclure que selon lui toutes ont été entendues directement de Dieu. Le Rav Itzh’ak Areima (Akeidat Itzh’ak, Vaeth’anan, portique 89) explique que les deux premières Paroles ont été perçues d’une voix provenant directement de D’ieu, alors que le reste des Paroles furent entendues par une voix "créée", c’est-à-dire un moyen de communication. Il finit par ramener les propos du midrash précédemment cité et conclut que c’est un sujet à discussion...
Toutefois, je tiens à signaler que ces questions ont déjà été posées sur le site, veuillez donc utiliser la moteur de recherche pour de plus amples informations (cf. p. ex. 5665, 40001, 52863, 1802, 31688, 8883, 15273, etc.).
Kol touv

javier_pastore
Dimanche 18 août 2013 - 23:00

Bonjour.
Suite a votre reponse 70938, en clair vous me dites que rien n'est prouvable ? Donc on avance en aveugle ca voudrait dire ? Ca derange personne ? Tout repose donc sur la foi ? Vous me le confirmerez mais n'y a t'il pas un rambam qui au contraire affirme que tout se base sur la connaissance plus que sur la emouna?

Rav Samuel Elikan
Mardi 20 août 2013 - 07:18

Shalom,
Je comprends tout à fait que le fait que l'existence de D'ieu ne soit pas prouvable puisse vous troubler. Mais si on pouvait prouver l'existence de D'ieu, Il n'aurait plus de "place", comme le dit le Rabbi de Kotzk, D'ieu est là où on Le laisse être. Votre question est plus philosophique qu'autre chose (1). Ainsi, on peut considérer la foi sous (au moins) quatre aspects :
1. L'aspect psychologique et anthropologique: la foi est vécue comme une expérience et un état d'âme, une attitude particulière, pourrait-on presque dire. Dans ce cas, on n'a besoin d'aucune preuve, puisqu'on ressent, de manière subjective, la Divinité.
2. L'aspect épistémologique: la foi, sous cet aspect, est considérée comme sorte de connaissance et prises de conscience positives ou négatives, c'est-à-dire que sont compris dans cette catégorie des domaines qui ne sont pas intelligibles, en soulignant leur lien à la foi, comme, par exemple, la négation des attributs Divins (2). C'est en effet, comme vous le dites, l'opinion du Rambam. Toutefois, même pour le Rambam, dans le Guide comme dans le Yad, la foi commence par la contemplation du monde, 'olam, de manière cosmologique. Celle-ci doit cependant amener à un questionnement philosophique, par la suite, mais l'approche première est contemplative (3). Il est à noter que cette vision semble proche de celle de Rav Sa'adia Gaon qui commence son livre Emounot ve'Deot, après sa fascinante introduction, dans la première partie, par la prise de conscience que le monde et tout ce qu'il contient a été créé - et cela doit nous amener à la foi (4). Rabenou Bah'yei dans son H'ovat HaLevavot aussi suit cette voie.
3. L'aspect national: la foi comme facteur déterminant particulier du Peuple d'Israël. C'est l'argument du Kouzari, que vous citiez. Il appuie sur la Parole Divine ressentie par tous: "Je suis l'Eternel ton D'ieu qui t'a sorti d'Egypte". De là, il arrive à la Création, puis au Créateur ou Celui qui fait vivre (meh'ayeh) et exister (mekayem) celle-ci. Dans cette optique trouve Rabbi Yehouda Halévy la solution à la problématique du yih'oud – c'est-à-dire au fait de voir D'ieu comme source de tout, Un et Unique – des attributs Divins, ainsi que celle des Noms Divins.
4. L'aspect mystique: la foi comme reflétant une certaine dimension théosophique (5).
Cette catégorisation est loin d'être absolue, ou exhaustive, mais nous permet de mieux prendre conscience de la place que la foi prend ou peut prendre dans notre vision du monde. Vous voyez donc bien que nous n’avançons pas "en aveugle"...
Il est encore à noter qu'il existe une sérieuse critique de l'aspect épistémologique, comme l'écrit le Rav YD Soloveitchik (Halakhic Mind, 1986, p. 100 - trad. libre):
"Il est pertinent de noter que la majorité des philosophes juifs modernes ont adopté une méthode très particulière. La source de la connaissance, pour eux, est la philosophie juive médiévale. La conscience religieuse et historique qui anime tant l'Antiquité que les temps modernes est ignorée. Une telle méthode ne peut pas résoudre les problèmes de la philosophie juive pour trois raisons.
Premièrement, la pensée juive médiévale, malgré ses réussites et son mérite, n'a pas pris profondément racine dans le réalisme historique et religieux du Peuple Juif et n'a pas formé une perspective juive religieuse du monde. Lorsque l'on parle de philosophie de religion, on doit avoir à l'esprit qu'il s'agit de la philosophie des réalités religieuses telles qu'elles sont vécues par la communauté entière, et non pas une métaphysique abstraite cultivée par un groupe ésotérique de philosophes.
Deuxièmement, on sait que les principaux concepts de la philosophie médiévale sont ancrés dans l'antique pensée grecque et arabe et n'ont aucune origine juive. Il est impossible de reconstruire une perspective unique et juive du monde à partir de matériel aliéné.
Troisièmement, la thèse hégélienne affirmant que philosophie est synonyme de fieri, procès continuel et activité, est née de fait contemporains et scientifiques, devenant une "vérité" dans la philosophie moderne. Si la philosophie juive est réduite à d'obsolètes concepts et aux catégories médiévales que le temps a rendu stériles, alors, où est la continuité vivante de la philosophie?"
Le Rav Soloveitchik continue en affirmant que pour créer une reconstruction de la philosophie de la religion, on n'est pas astreint aux nécessités d'une continuité historique. Même Hermann Cohen, dit-il, qui touche à de nombreuses vérités dans son interprétation, s'est trompé dans son approche, en synthétisant la philosophie de religion avec la philosophie de la religion Juive. Il affirme que la majorité de ses analyses sont idéalistes et kantiennes, mais pas juives.

Sources:
(1) De nombreux ouvrages ont été rédigé sur la foi dans la pensée juive. Cf. p. ex. Les voies de la foi dans le Judaïsme: la réunion annuelle de pensée juive, sous la direction d'A. Amado Lévi-Valensi, S. Safrai et al., Jérusalem, 1981.
(2) Cf. Rambam, Moreh Névouh'im, I, chap. 51-60; H.A. Wolfson, Studies in the History of Philosophy and Religion, Cambridge, Mass., 1977, t. II, p. 161-194; Alvin J. Reines, "Maimonides' True Belief Concerning God" dans Maimonides and Philosophy, sous la direction de S. Pines et Y. Yovel, Dordrecht, 1986 (Archives internationales d'histoire des idées, 114), p. 24-35. Cf. aussi Rav Moshé Kordovero, Pardes Rimonim, IV, chap. 4.
(3) Il semblerait pourtant que le Rambam, dans le Guide I, 50 définisse la foi de manière quelque peu différente, mais si l'on regarde plus attentivement, on verra qu'il n'y a aucune contradiction. En effet, dans le chap. 50 – il parle de comment la foi se dessine dans l'esprit: "Sache, toi qui approfondis mon livre, que la foi n'est pas quelque chose d'énoncé, mais se dessine dans l'âme, si on la maintient comme vérité, telle qu'elle se dessine". Puis, par la suite, il écrit (ibid.): "Mais si tu fais partie de ceux qui désirent s'élever à ce degré supérieur, le degré de l'approfondissement (yiun), et savoir avec certitude que D'ieu est Un, d'une Unité vraie, sans complexités ou possibilités de partage en aucune manière, alors sache que D'ieu n'a aucun attribut propre, etc." et il continue sur la voie philosophique: les attributs négatifs, etc. Et même si l'on veut comprendre différemment ce chapitre – comme définissant la foi – il n'empêche pas que l'ordre du livre nous dévoile comment arriver à la foi, quelle est l'approche première, sans pour autant la définir.
Cf. à ce propos A. Nouriel, Le concept de foi chez le Rambam, dans Daat 2/3 (1978-1979), p. 46 et Remarks on Maimonides' Epistemology, dans Maimonides and Philosophy, cité précédemment, p. 40-50; comp. avec H.A. Wolfson, préc. cit.; S. Rosenberg, Le concept de foi chez le Rambam et ses "successeurs", Sefer Moshe Shwartz (Bar-Ilan, 22/23), 1988, p. 351-389; Ch. H. Manekin, Problems of 'Plenitude' in Maimonides and Gersonides, dans A Straight Path; Studies in Medieval Philosophy and Culture; Essays in Honor of Arthur Hyman, sous la direction de Ruth Link-Salinger, Washington D.C., 1988, p. 183-194, principalement p. 119-126. Cf. encore Alvin J. Reines, préc. cité, p. 33.
(4) Cf. à ce propos J. Guttman, Die Religionsphilosophie des Saadia, 1882, p.33-84; M. Ventura, La Philosophie de Saadia Gaon, Paris, 1934, p. 92-171.
(5) Dans la littérature kabbalistique, généralement la foi reflète la sefira de malh'out – la Royauté. Pour une discussion sur la foi dans la kabbale et dans la h'assidout, cf. p. ex. Y. Yakobson, Foi et Vérité dans la H'asidout de Gour, dans Etudes de Kabbale, philosophie juive, et littérature éthique et philosophique, présentés à Y. Tishbi, sous la direction d'I. Dan et I. Haker, Jérusalem, 1986, p. 593-616; M. Pechter, La source de la foi est la source du renégat, dans l'approche de Rabbi Azriel, Kabala 5 (2000), p. 315-341 et Le problème de la foi et de la dénégation, selon l'approche de Rav Nah'man de Breslav, Daat 45 (2000), p. 105-134.