Conversation 72593 - Le viol de Dina
Bonjour,
Je m'interroge sur plusieurs point de la parasha de la semaine dernière :
Comment es ce possible qu'avec le niveau des avot et leur proximité avec D, hashem a "laisser faire" le viol de Dina?
Comment expliquer le comportement de Shimon et de Reouven de punir toute une ville entière, de tuer tous les hommes et de piller la ville
Enfin que veux dire exactement ?????-?????????? ??????? ???????????? dans le passouk?
Merci
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Shalom,
Désolé du retard.
1) Rabbi Tzadok HaKohen de Lublin (dans Kometz HaMinh'a) pose votre question et répond que c'était la Volonté Divine... et ce, pour plusieurs raisons.
2) Le Rambam (hil. Melah'im 9,14) écrit que leur acte était légitime, étant donné que selon la loi, tous les habitants de la ville étaient coupables et devaient être tués à l'épée. En effet, ils avaient outrepassé un des sept commandements noah'ides - "dinim", le fait de mettre en place des tribunaux ou un système juridique pour le moins et de punir quiconque transgresserait la loi (qui comprend les 6 autres commandements noahides). Etant donné que Sheh'em fils de H'amor ne fut pas jugé pour le vol (elle fut prise sans consentement, c'est donc un vol...) de Dina et resta impuni - ils décidèrent de prendre les choses en main et de punir la ville entière.
Le Ramban (Bereshit 34:13) écrit cependant que de tels propos ne peuvent guère être émis... En effet, s'il en était ainsi, pourquoi Yaakov les réprimande-t-il ?
Cependant, selon le Ramban, leur acte n'était pas vraiment légitime, mais pas non plus complètement illégitime, en effet, les habitants de la ville n'avaient pas réellement fait teshouva, ils ne s'étaient pas vraiment repentis et avaient accompli la Brit Mila uniquement pour faire plaisir à leur chef, mais il n'y croyaient aucunement.
Selon le Rav H'ayim ben Attar (Or HaH'ayim), les habitants de la ville avaient le "din rodef" : en effet, affirme-t-il, le projet originel était de tuer Sheh'em fils de H'amor uniquement. Cependant, étant donné que les habitants de la ville s'opposèrent à cela et tentèrent de les empêcher - ils durent les tuer également. En outre, ajoute-t-il, ces habitants étaient complices à Sheh'em dans la capture de Dina, ainsi ils étaient également responsables de l'acte.
Le Rav H'anan Porat zts"l chez lequel j'ai eu l'honneur d'étudier (c'est également rapporté dans son livre "Me'at Min HaOr" sur la parasha) soutient qu'il s'agit d'un acte politique-sécuritaire qui a pour but d'éviter tout problème similaire dans le futur. Yaakov s'opposa à cela, car il était d'accord qu'il fallait agir pour "faire peur" et avertir, mais ce n'est pas une raison, selon lui, de tuer des innocents. Le Rav H'anan explique que la discussion entre eux n'est pas évidente: dans quels cas une punition collective (même lorsqu'elle a un but d'avertissement) est-elle permise ?
Il soutient de manière impromptue que lorsque la population encourage et soutient des actes immoraux sous tous critères (viol, vol, etc.) - elle a une part de responsabilité et doit être punie. La question est comment. Shimon et Lévi pensent qu'il faut les tuer, ce n'est pourtant pas l'avis de Yaakov, le fauteur et la société qui le soutient et a sa part de responsabilité également ne doivent pas avoir le même traitement.
Il y a encore de nombreuses autres explications: le prof. Sternberg, rapporté par le Rav Elh'anan Samet, soutient qu'ils n'avaient pas d'autre solution pour sortir leur sœur de là, sinon elle serait restée coincée là-bas (cette hypothèse fut, bien avant lui, rapportée par le Midrash Seh'el Tov, le Targoum Yonathan, le Alshih', le Malbim et d'autres...). Cependant, ce n'est pas évident. S'il en était ainsi, il n'y aurait pas de raison que Yaakov soit en colère contre eux et les réprimande... En outre, il n'est pas évident de tuer "toute" la ville pour autant. Le Rav Samet explique que selon lui il ne s'agirait pas de la ville Sheh'em, mais de la ville Shalem, dont les dirigeants étaient Sheh'em et son père H'amor (il suivrait en cela le Rashbam). Cette petite ville serait plutôt un village peuplé de quelques personnes liées familialement.
Le Rav Samet propose une autre explication. Yaakov propose la "mila" car il pensait qu'ils n'allaient pas le faire et allait pouvoir ainsi récupérer Dina. Cependant, après qu'ils acceptent - cela se complique il a le choix entre deux possibilités : accepter le mariage de Dina à Sheh'em ou tuer tout le monde pour la sortir de là. Ses fils l'ayant devancé ont choisi pour la seconde option. Il leur en veut terriblement pour cela et les réprimande. Quoi qu'il en soit leur acte fut légitime, selon cette lecture.
Le Maharal de Prague (Gour Aryeh, ad loc.) écrit qu'il s'agissait d'une guerre entre deux peuples, dans ce cas, affirme-t-il, on a le droit de tuer même les innocents. Le viol était à ses yeux une déclaration de guerre. Yaakov leur en voulait car la "mila" était un signe de paix...
Dans Masseh'et Sofrim (15,10) il est écrit, de manière similaire, au nom de Rabbi Shimon bar Yoh'ai qu'en temps de guerre on a le droit de tuer même des innocents, s'ils sont idolâtres ("hatov shebe'ovdei koh'avim") (ces mêmes termes apparaissent aussi dans la Meh'ilta, Beshalah', Masseh'et deVayehi - cf. encore Rabbeinou Bah'yei sur Shemot 14:7).
Cependant le Rav Samson Raphaël Hirsh n'accepte aucunement ces propos. Pour lui, cet acte fut illégitime et il faut le condamner. Il critique avec virulence Shimon et Lévi et explique que c'est pour cela que leur père leur en veut, c'était, selon lui, une terrible faute, qui ne peut nullement être légitimée. Pour lui, toute tentative de légitimation est une faute morale grave ! Punir Sheh'em, un individu ayant commis un acte terrible - oui, une population entière - non.
Le Rav Shlomo Goren (resp. Meshiv Milh'ama t.I, p. 14) écrit qu'il est interdit, même en temps de guerre, de tuer des innocents ou des gens qui ne se battent pas, surtout s'il s'agit de femmes et d'enfants. Le Rav Shaoul Israéli (resp. Amoud HaYemini, siman 16, p. 205) écrit qu'a priori, c'est effectivement interdit, mais a posteriori, dans des cas de guerre, il ne peut jamais vraiment ne pas y avoir de dommages collatéraux - et une société encourageant le terrorisme a également sa part de responsabilité - ainsi, s'il y a des morts innocents collatéraux, ce n'est pas un crime, du point de vue de la halah'a. Comme dit, le Rav Goren, qui fut grand rabbin d'Israël et rabbin de l'armée (tzahal) pendant plusieurs années n'était pas de cet avis.
3) Je n'arrive pas à lire le verset que vous avez écrit - il apparaît en points d'interrogation: ??????
Essayez de nous renvoyer la question en indiquant le numéro du verset et du chap., ainsi que de la difficulté de compréhension à laquelle vous vous confrontez.
Cordialement,
Bonjour,
au sujet de la 72593, vous écrivez que le Rav Israeli fait une distinction à posteriori, et vous poursuivez en concluant que d'après cet avis les dommages collatéraux ne seraient donc pas un crime. Je souhaitais juste avoir confirmation, ce dernier point est donc valide lorsqu'on observe à posteriori, mais selon ce même avis, à priori c'est donc un crime ?
Shalom,
Oui, vous avez raison. Il dit clairement qu'a priori, il est formellement interdit d'attaquer des innocents ou de faire volontairement des dommages dits collatéraux. Je crois que cet avis, dans un cas a priori, fait aujourd'hui le consensus: tout le monde est d'accord que même en cas de guerre, selon la halah'a, il est interdit d'attaquer des innocents qui ne sont pas en guerre contre nous, sans raison.
Je ne sais pas si le terme de "crime" est ici adéquat, mais il s'agit, du point de vue de la loi juive, d'un grave pêché. En effet, le terme "crime" souligne un aspect éthique qui n'est pas forcément lié à la loi (c'est un grand débat que je préfère ne pas ouvrir ici) et même si la chose avait été permise (ce qui ne pourra jamais être le cas, puisque notre loi se veut morale), cela aurait été un crime.
Cordialement,