Conversation 83876 - Un non-juif peut étudier la Torah ?!
Bonjour, je m’appelle Eva et je ne suis pas juive.
J’ai lu à plusieurs reprises qu’ils étaient interdit d’enseigner la Torah aux non juifs (sauf dans un contexte de conversion).
Je me suis renseigné et j’ai lu plusieurs choses :
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Contrairement à ce que certains pourraient croire, le Talmud autorise très clairement des non-juifs à lire et étudier la Torah, et à respecter ses commandements. Cela se voit dans le traité du Talmud Avodah zarah, 3a, tout au début de la page.
Mar, le fils de Rabina, dit : « Le fait qu’ils soient dispensés de ces mitzvot (ces commandements) veut seulement dire que même s’ils les observaient ils n’en seraient pas récompensés ».
Déjà l’on voit qu’il n’y a pas interdit de lire ni de faire, mais que puisqu’on n’y est pas obligé n’étant pas juif, on n’a pas à être récompensé comme si on le faisait par amour de l’Eternel.
Cependant, immédiatement après dans le texte du Talmud, ce propos est corrigé :
« Mais pourquoi ne le seraient-ils pas [récompensés] ? N’est-il pas enseigné : « Rabbi Meir disait : « D’où savons-nous que même un idolâtre qui étudie la Torah est égal à un Grand Prêtre ? A partir du verset suivant : « Tu vas garder mes statuts et mes ordonnances par lesquels, si un homme le fait, il vivra. »(Lév. 18,5). Il ne dit pas : « Si un Cohen, un Lévite, ou un Israélite le fait, il vivra par eux, mais « un homme » [האדם] [Cohen, Lévi, Israélite sont les trois catégories de Juifs, l’énumération est donc exhaustive, pour signifier qu’on doit inclure aussi ceux qui ne sont pas juifs, donc la totalité de l’humanité]. Par là, donc, tu peux apprendre que même un non-juif qui étudie la Torah est égal à un Grand Prêtre. »
On voit donc ici très clairement qu’un juif n’a pas à s’indigner qu’un non-juif étudie la Torah et s’attache à en respecter les commandements, et que l’on n’a pas non plus à mettre des obstacles pour empêcher le non-juif d’étudier.
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Voila j’ai donc lu ceci sur internet et je me demandais si c’était vrai (car si j’ai bien compris, ce que j’ai cité n’interdit pas à un non juif d’étudier la Torah, au contraire, disons que je lis tout et son contraire à ce sujet sur internet.. certains disent que c’est permis, d’autres non, d’autres non sauf à quelques exceptions comme la conversion) et qu’est ce que l’on entends par « enseigner » ou « étudier » ? J’ai aussi vu que certains rabbins parlais d’interdit d’étudier la Torah orale, d’autres parlais de Torah écrite, qu’est ce que cela signifie ? Quelle est la différence entre Torah orale et écrite ?
Si je souhaite lire (simplement lire) la Torah dans un but intellectuel et puis parce que le judaïsme est une religion qui m’intéresse énormément (et de plus en plus d’ailleurs) ai-je le droit ?
Jai même entendu un rabbin sur une vidéo sur internet qui répondais à une personne qui se posait à peu près les mêmes questions que moi et disais que étudier la Torah si on était pas juif était passible de mort (mort spirituelle j’imagine)... est ce que cela est vrai ? Ça me parait un peu « fort » ? Pouvez vous m’éclairer ?
J'ai aussi lu cette réponse par rapport à une questions du même style que moi :
Selon le Ramba"m [Lois des Rois chap.9 par.9-10] un non-juif ne doit pas étudier la torah si son intention est de l'utiliser pour sa propre foi [comme l'ont fait par exemple les chrétiens].
De là, il semble que s'il veut seulement étudier par curiosité, il serait permis de lui enseigner [voir Sridey Eish vol.2 res.55].
Qu’est ce que l’on entend par « l'utiliser pour sa propre foi [comme l'ont fait par exemple les chrétiens]. » ? Et qu’est ce que l’on entend par « par curiosité » ?
Merci beaucoup pour votre future réponse (si vous avez des informations en plus par rapport à cela je suis preneuse).
Shalom,
Tout ce que vous citez semble correct, mais demande à être re-contextualisé.
Le Peuple Juif a :
- une Loi Écrite - surtout le Pentateuque - que nous appelons les 5 Livres du H'oumash, mais également de manière plus large, les 24 Livres de la Bible ou ce que les chrétiens appellent le "premier testament".
- et une Loi Orale - transmise oralement de génération en génération depuis l'événement sinaïtique, c'est-à-dire le don de la Torah à Moïse (Moshé), jusqu'à sa rédaction sous forme de "midrash" (enseignements rabbiniques) qui ont été finalement mis en codex et c'est ce que l'on appelle la mishna, puis des discussions sur celle-ci qui s'appellent le talmud et qui ont pour but de nous donner la "bonne manière" d'interpréter le texte biblique dans un sens factuel, pragmatique pour qu'on puisse en retirer la loi juive, que l'on appelle halah'a.
Parmi les grands rédacteurs, que l'on appelle "décisionnaires", qui ont mis la halah'a sous forme de codex, nous trouvons le philosophe espagnol et égyptien, Maïmonide (1135-1204 après l'ère chrétienne, aussi connu sous son acronyme Rambam) auteur du Mishneh Torah et le rabbin Yossef Karo (1488-1575), auteur de l'ouvrage de référence en terme de loi juive : le Shoulh'an Arouh'.
Concernant ce paragraphe sur la Loi Orale, il existe de très nombreuses discussions et théories et on pourrait nuancer à peu près chaque mot que je viens d'écrire.
Toutefois, je crois que l'idée globale reste la même.
Je vous invite à lire ici, pour plus d'informations et sources sur le sujet :
https://cheela.org/index.php/conversation/72859/72859/Une-thora-pour-to…
Or si la Loi Écrite est accessible à tous et traduite dans quasiment toutes les langues de la Terre, la Loi Orale, quant à elle, constitue une "Alliance", réservée à ceux qui y sont astreints, c'est-à-dire le Peuple d'Israël, le Peuple Juif.
Toutefois, si l'étude provient d'un intérêt ou d'une curiosité sincères, il n'y a pas en cela de "brisure" de l'Alliance et ce n'est donc pas une "infraction" (*).
L'idée de "mort" comme punition à une infraction que vous notiez toucherait donc l'étude intéressée d'un non-juif qui voudrait utiliser ces connaissances pour remettre en cause l'Alliance existant entre Dieu et le Peuple Juif. Ainsi cette notion de "mort" semblerait effectivement être allusive et liée, selon les commentateurs au fait de s'immiscer dans une Alliance qui n'est pas nôtre, comme si quelqu'un débarquait dans la maison d'un jeune couple fraîchement marié sans prévenir ; ce n'est ni approprié, ni à sa place et d'une certaine manière cela peut correspondre, métaphoriquement, à un état de mort spirituelle, de perte de vitalité concrète.
J'espère que cette réponse vous aura aidé à faire de l'ordre dans tout ce que vous pouvez lire.
Bonne chance dans votre parcours !
Cordialement,
Note
(*) cf. Rambam, hil. Melah'im ouMilh'amoteihem 10,9 avec Yad Peshouta ad loc. en plus du resp. Sridei Esh cité dans la question ; Méïri et Maharsha sur Sanhédrin 58b; Rav Yossef Engel, Beit HaOtzar, s.v. Avot.