Conversation 90800 - QUESTIONS PARACHAT BAMIDBAR

Bonjour!!
En revenant sur mon étude de la parachat Bamidbar, des questions me sont venues à l'esprit...La génération qui a vécu à cette époque est réputée être la plus privilégiée de notre peuple, et pour cause elle est la seule à avoir pu rencontrer Hashem directement lors du don de la Thora et de la consécration du Am Israël par la même occasion dans son identité à la fois ethnique et spirituelle !!!...On notera au passage la particularité de cette dualité indissociable que ne semblent pas connaître les autres nations, à moins qu'il n'existe d'autres exemples que je ne connais pas ?!!...
Ne note-t-on pas ici au travers du recensement ordonné par Hashem une sorte de mise en place de la conscription(qui est donc élevée au rang d’obligation divine) alors qu'elle est contestée dans notre société actuellement par certains groupes haredi ?
Quelles étaient les bannières des 12 tribus et leurs symbolismes ? Constituaient-elles le reflet réel de leur mode de vie, leur organisation sociale et spirituelle au sein du Am Israël ?
Hashem ne donne jamais d’ordres sans que çà n’ait un sens très précis :que signifiaient donc les positionnements des tribus, et pourquoi les avoir départager en groupement de 3 tribus ? Ces regroupements n’étaient-ils pas liés à une certaine proximité de ces tribus dans leurs conceptions spirituelles de la vie ?
Je vous remercie par avance de vos précieux éclaircissements!!...
Cordial chalom
Yaniv T

Chalom,
Effectivement, la génération du désert a connu un niveau de révélation absolument unique, à commencer par le don de la Torah au Sinaï où chaque membre du peuple a entendu la voix divine directement. Cela en fait la seule génération dans l’histoire juive à avoir été témoin d’une telle proximité divine collective. Cette génération a aussi vécu sous la conduite constante de la Chekhina, avec la manne, les nuées de gloire et le puits de Myriam.
Quant à la dualité identitaire du peuple juif – ethnique et spirituelle – elle est effectivement spécifique et centrale. D'autres peuples ont pu revendiquer une identité spirituelle ou religieuse, ou une conscience nationale, mais la conjonction de ces deux dimensions comme constitutive d’un seul peuple est extrêmement rare, voire unique. On pourrait évoquer certains peuples anciens où religion et nation étaient liés, comme les anciens Égyptiens ou Romains, mais il s’agissait souvent de systèmes païens, sans l’universalité morale et spirituelle de la Torah. Chez Israël, c’est une alliance divine qui fonde cette double identité.
Le recensement ordonné dans la parachat Bamidbar est effectivement perçu comme une sorte de conscription : les hommes de 20 à 60 ans sont comptés pour le service militaire, mais également pour l’organisation du campement et la préparation à la conquête de la terre. On comprend de là que le service militaire n’était pas une option mais une composante intégrante de l’identité nationale. Ce point est au cœur de débats contemporains en Israël, notamment autour de la participation des haredim à l’armée. Il est important de noter cependant que dans la Torah, il existe aussi des exemptions liées à des situations particulières (Deutéronome 20), et qu’il y avait un rôle spirituel distinct attribué à la tribu de Lévi. Néanmoins, l’idée que l’implication dans la défense nationale est un commandement divin ressort clairement de ce passage, et il est intéressant de noter que la conception de certains groupes haredim actuels qui refusent toute participation militaire va donc, a priori, à l’encontre de l’esprit de la Torah sur ce point. Sur ce sujet, ils sont en position de faiblesse, car la Torah elle-même présente la participation à la défense du peuple comme une obligation nationale et spirituelle.
Concernant les bannières des tribus : selon les midrashim, chaque tribu possédait un drapeau avec une couleur et un symbole, souvent lié à la bénédiction que Yaakov ou Moshé lui avait donnée. Par exemple, le drapeau de Yehouda était de couleur azur avec le symbole du lion, Issakhar avait un soleil ou une étoile (car il s’adonnait à l’étude des saisons et du calendrier), Zevouloun avait un navire (étant commerçant en mer), etc. Ces symboles reflètent les vocations, les traits spirituels et les rôles sociaux des tribus. Le Midrash Rabba (Bamidbar Rabba 2:7) développe ces détails avec beaucoup de richesse.
Le positionnement des tribus autour du Mishkan, par groupes de trois, ne relève pas d’un simple ordre logistique mais d’une structure profondément symbolique et spirituelle. Chaque groupe de trois formait un « camp » avec une direction géographique (Est, Sud, Ouest, Nord) et était dirigé par une tribu principale. Yehouda dirigeait l’Est, Réouven le Sud, Ephraïm l’Ouest et Dan le Nord. Certains commentateurs, comme le Ramban, expliquent que ces groupements reflètent des affinités spirituelles, des héritages communs ou des complémentarités dans leur rôle collectif. Par exemple, Yehouda, Yissakhar et Zevouloun unissent la royauté, la Torah et le commerce — un triptyque très puissant dans la société juive.
Derrière cette organisation se profile une vision très profonde : Israël ne campe pas n’importe comment, mais autour de la présence divine, en formation sacrée, avec des symboles, des structures, des rôles bien définis. C’est l’archétype de l’ordre sacré, que ce soit dans le désert ou dans la vie spirituelle.
Enfin, ces bannières et positionnements nous rappellent que chaque groupe dans le peuple a sa place unique, son rôle spécifique à jouer, mais que tous forment ensemble un seul peuple unifié autour de la Chekhina. La richesse du Klal Israël réside dans cette diversité unifiée.
Bivrakha.

Bonjour,
Je souhaite ici poursuivre mon étude sur la Parachat Bamidbar que j'avais entamée avec la question référencée sur votre site 90 800.
Hashem procède à un nouveau recensement des bne Israël dans le désert:
1-Je note un détail :il se fait par le côté paternel, alors que la filliation de nos jours dans le peuple juif est plutôt matriarcale. Est-ce à dire qu’à cette époque on était juif de père ?
2-Je ne sais plus où j’avais lu que lorsque Hashem s’adressait à Moshe, sa Voie était assez forte et distincte pour ce dernier et d’un silence assourdissant pour le reste du peuple !!...Est-ce le cas dans la 1ére Alyia de la parachia ?
3-Pour ce qui est du commentaire de Rachi sur le Verset 3, on évoque « l’âge de pleine responsabilité » :la bar-mitsva avait-elle été instaurée à cette époque ? Jusqu’aujourd’hui, cet âge se compte-t-il dès 13 ans ou bien plus tard comme je l’ai lu autrepart à partir de la vingtaine ?
Dans l'impatiente attente de vos instructives réponses,
Cordial chalom

Chalom,
1. Concernant la filiation paternelle dans la Paracha, il est vrai que le recensement se faisait « le-mispeḥotam le-vet avotam », selon les familles et les maisons paternelles. Cela ne signifie pas que l’appartenance au peuple juif dépendait du père, mais simplement que l’organisation tribale, les héritages fonciers et l’inscription dans le camp se faisaient par la tribu du père. Déjà à cette époque, l’identité juive dépendait de la mère (comme le montrent plusieurs passages talmudiques, par exemple Yevamot 23a), mais l’affiliation tribale et les droits pratiques passaient par le père.
J’ai toutefois entendu de l’un de mes maîtres, le Rav Moché Botshko, une explication selon laquelle, en réalité, le judaïsme se transmet bien par le père. Cependant, lorsqu’une femme juive se marie avec un non-juif, les kidouchin lo tofsin (c’est-à-dire que le mariage n’a aucune validité halakhique), et l’enfant est alors considéré comme de « père inconnu » au regard de la halakha. Dans ce cas, il ne reste que la mère pour définir l’identité du nouvel enfant, et c’est donc elle qui transmet le judaïsme. Déjà à cette époque, l’affiliation tribale et les droits pratiques passaient par le père, mais dans les cas où le père n’avait pas de statut halakhique valable, l’identité juive ne pouvait venir que de la mère.
2. Sur la Voix d’Hachem, nos Sages expliquent en effet que Moché recevait la parole divine de manière unique. Le verset (Bamidbar 7, 89) décrit que Moché entendait la voix sortir du Kodech HaKodachim, et pourtant personne d’autre ne l’entendait. Ce n’était pas un silence au sens acoustique, mais une transmission exclusivement destinée à Moché, inaccessible aux autres. Dans la première aliyah de Bamidbar, c’est bien ce mode de communication qui est en jeu.
3. Enfin, à propos de « l’âge de responsabilité » mentionné par Rachi, il s’agit de 20 ans dans ce passage car c’était l’âge requis pour être enrôlé dans l’armée d’Israël. En revanche, l’âge de la Bar Mitsva, à 13 ans, est une halakha indépendante, déjà connue dans la tradition orale (cf. Pirké Avot 5:21 « ben shelosh esreh le-mitsvot »). À 13 ans, le jeune est pleinement astreint aux mitsvot, même si certaines fonctions nationales comme le service militaire ou les responsabilités publiques étaient réservées à un âge plus avancé.
Bivrakha.