Conversation 90914 - Mode Ani ou Shiviti?

Bonjour a tous les rabbanim,
J’ai entendu qu’il y avait un usage de dire le passouk "שִׁוִּיתִי ה' לְנֶגְדִּי תָּמִיד" avant meme de prononcer "מודה אני" en se levant le matin. Je voudrais savoir : y a-t-il un ordre strict fixé par la Halakha ? Si l’on a l’habitude de commencer par un autre verset avant « מודה אני », est-ce problématique ?
Merci.

Chalom,
Tout d'abord, il faut savoir que l’usage de dire « מודה אני » au réveil n’apparaît ni dans le Talmud ni chez les Richonim, mais fut introduit bien plus tard. La première source explicite se trouve dans le Séfer Seder Hayom (1), rédigé à Safed au XVIᵉ siècle par Rabbi Moché ben Makhir, qui rapporte pour la première fois le texte complet :
"...מודה אני לפניך מלך חי וקיים"
Le Michna Beroura (2) recommande de s’habituer à dire "מודה אני" dès le réveil, et le Kaf Ha’haïm (3) rapporte également cette coutume et l’encourage.
Quant au verset "שויתי ה׳ לנגדי תמיד" (Téhilim 16:8), il figure dès le début de l’Ora’h ‘Haïm dans les écrits du Rama (4), qui ouvre le Choul’han Aroukh en soulignant que ce verset est la base de toute la conduite religieuse. Dire "שויתי ה׳ לנגדי תמיד" avant "מודה אני" s’inscrit donc dans une démarche de conscience de la présence divine dès le réveil, ce qui correspond pleinement à l’esprit du texte du Rama.
En me renseignant, j’ai trouvé qu’il existe effectivement un minhag consistant à réciter ce verset "שויתי" avant "מודה אני". Il est même imprimé dans le siddour עוד אבינו חי du Rav Raka’h, selon le rite tripolitain :
Il est donc certain que cette pratique existait aussi dans d’autres communautés, même si elle n’a pas été imprimée dans tous les siddourim, car de nombreuses traditions orales n’ont été transmises que localement et n’ont pas toujours été consignées par écrit.
Concernant la difficulté halakhique de dire des versets avant d’avoir récité les birkot haTorah, il existe effectivement une discussion entre les Richonim rapportée dans le Beth Yossef (5), dans le cas où ils sont prononcés comme prière et supplication, et non dans le cadre de l’étude. Maran, dans le Choul’han Aroukh, écrit qu’il vaut mieux s’en abstenir, tandis que le Rama rapporte que la coutume est de permettre (6), et plusieurs A’haronim confirment cette position.
Dans le cas précis du verset "שויתי ה׳ לנגדי תמיד", puisqu’il s’agit d’un verset de yir’at chamayim servant de préparation à la prière et cité par le Rama lui-même, il n’y a aucune objection à le réciter avant "מודה אני".
Ainsi, dire "שויתי ה׳ לנגדי תמיד" avant "מודה אני" est une pratique connue et justifiée, conforme à plusieurs sources reconnues, et tout à fait acceptable selon la Halakha.
Bivrakha.
(1) Séfer Seder Hayom, ordre du lever du matin.
(2) Michna Beroura, Ora’h ‘Haïm 1:8.
(3) Kaf Ha’haïm, Ora’h ‘Haïm 1:4.
(4) Rama, Ora’h ‘Haïm 1:1 : « שויתי ה׳ לנגדי תמיד הוא כלל גדול בתורה ».
(5) Ora’h ‘Haïm 46:16
(5) Ora’h ‘Haïm 46:9.

Bonjour Rav
Le passouk nest-il pas simplement ecrit pour l'avoir devant les yeux et non pour etre recité?
Le texte en hébreu confirme cette idée "on dira immédiatement modé ani avant meme netila" mais pas "on dira shiviti".
A part ce sidour (qui semble plutôt contredire le fait de dire shiviti avant modé ani) vous indiquez avoir trouvé une source mais, sauf erreur, elle ne figure pas dans vos notes en fin de réponse.
Je vous demande par avance mehila, le but de ma question nest pas de contredire mais de comprendre.
J'apprécie le temps que vous prenez et le soin que vous mettez dans vos réponses et le fait que vous rapportez souvent des minhagim sefarades.
Avec mon respect

Chalom,
Merci pour votre message et pour la précision de vos remarques.
Tout d'abord. rien dans la page du siddour que j’ai apportée ci-dessus ne laisse entendre qu’il serait interdit de dire « שִׁוִּיתִי ה’ לְנֶגְדִּי תָמִיד » avant « מודה אני ». Le descriptif en hébreu se contente de reprendre les formulations classiques des décisionnaires (comme l’indique le terme « וכו’ »), sans donner d’instruction spécifique sur l’ordre exact.
Je n’ai pas apporté de preuve positive de ce minhag, et il est vrai qu’il n’est pas mentionné explicitement dans la majorité des siddourim. Cependant, cela ne remet pas en cause son existence. De nombreux usages ont été transmis oralement dans certaines communautés sans avoir été consignés par écrit. Le fait qu’un minhag ne figure pas dans les sidourim imprimés ne prouve donc pas qu’il n’existait pas, d’autant que la diversité liturgique est ancienne et attestée.
J’ai simplement montré que ce minhag, consistant à dire « שִׁוִּיתִי ה’ לְנֶגְדִּי תָמִיד » avant « מודה אני », ne contredit aucune source halakhique ni aucun principe talmudique ou rishonique. Sur le plan des textes, il ne s’oppose à rien de ce qui est enseigné dans le Talmud ou chez les Richonim ; au contraire, il s’inscrit naturellement dans l’idée d’ouvrir la journée par la conscience de la Présence divine, avant même l’expression de la reconnaissance.
Bivrakha.