Conversation 11822 - La mitsva de croire

Anonyme
Mardi 9 décembre 2003 - 23:00

Chalom Rav
Y a t-il une mitsva explicite de la Torah d'avoir la Emouna et de croire aux 13 principes évoqués par le Rambam? D'apres tous les commentateurs? (Rambam (sefer hamitsvot), 'Hinou'h, Ramban...?)
Je m'explique: Il est écris: "Ano'hi Achem Eloké'ha...", "Chema Israël.." ce qui laisse entendre qu'il y a effectivement une Mitsva d'après la Torah d'avoir la Emouna.
Mais, il existe un problème si l'on considére que la Emouma est une Mitsva de la Torah.
Tout d'abord, comment la torah peut elle ordonner à quelqu'un de croire ou de ne pas croire, la croyance dépendant du sentiment et de l'idéologie de chaque personne? (Certes, vous allez me dire qu'il y a bien la Mitsva d'aimer et de craindre D..., mais la Guemara dit qu'aimer D... signifie faire des actions pour que le Nom de D... soit aimé; c'est donc quelque chose de concret comme toutes les Mitsvots et non juste une idéologie).
D'autre part, j'ai entendu une autre question à ce sujet (Emouna) qui est la suivante: La croyance en D... est le fondement et le pilier du judaïsme c'est à dire que sans la Emouma, tout le reste de la Torah n'a plus aucun sens. Ainsi la Emouna est la base pour faire les Mitsvot.
Mais, si on considére que la Emouna, elle-même est une Mitsva de la Torah, alors également, il est impossible d'accomplir cette Mitsva si auparavant on n'a pas la base de toutes les Mitsvot(c'est a dire la Emouna) et ainsi de suite, Ad Ein Sof. C'est à dire en d'autre terme, que si la Emouna est une Mitsva, alors on ne peut pas avoir la Emouna (Mitsva) si auparavant on n'a pas déjà la Emouna (base de la Torah) car on ne peut pas faire une Mitsva si auparavant on n'a pas la Emouna.
Ainsi cela semble conduire à un contre sens.
Je sais que ma question est un peu ardue mais si vous pouvez m'éclairer sur ce sujet ce serait bien.
En vous souhaitant Chabbat Chalom et Kol Touv

Rav Elyakim Simsovic
Mercredi 10 décembre 2003 - 23:00

Non, la question n'est pas vraiment ardue. Elle appartient en réalité au domaine des fausses questions en ce sens qu'elle s'énonce à partir d'une hypothèse fausse, à savoir que la mitsva de la Emouna signifie "croire en Dieu", ce qui est faux.
Quand vous répondez Amen (même racine que Emouna) à une bénédiction ou au qaddish, selon le cas, cela signifie : "c'est vrai" ou "que cela soit". La Emouna se situe donc à l'intersection de ces deux déclarations. Elle consiste en un engagement à agir de telle sorte que ce qui est vrai soit reconnu comme tel et que ce qui n'est pas encore réalisé s'accomplisse.
Les "grammairiens" constateront que le verbe correspondant est "léhaamine" dont la horme est le hiphil, soit le factitif : non pas faire, mais faire faire, c'est à dire agir de telle sorte que la vérité s'affermisse.
Dans la pratique, cela signifie aussi être quelqu'un à qui on peut se fier. L'important n'est pas tellement de savoir en quoi vous croyez mais si on peut croire en vous.

Chabbat chalom

Anonyme
Mercredi 10 décembre 2003 - 23:00

Chalom Rav
Suite à la question 11822.
Dans votre réponse, vous définissez ce qu'est effectivement la Emouna (agire de telle sorte que ce qui et vrai soit connu et cru par les autres).
Mais d'après cette définition, cela voudrait donc dire que celui qui ne croit pas du tout aux 13 principes de Emouna n'a rien à se reprocher et n'a transgressé aucune Mitsva, du moment que cette personne agit de telle sorte qu'elle soit crédible ou de telle sorte que les hommes croient en la vérité; vous dites effectivement que l'important ce n'est pas tant de croire... Or le Rambam dit dans Hil'hot Techouva que celui qui renit (et donc ne croit pas) un seul des principes de la Torah, c'est comme si qu'il reniait toute la Torah .
De même la Guemara dit bien que celui qui ne croit que T'hiyat Hamétim est dans la Torah ne se relévera pas avec les autres.
D'après cela, la Emouna en T'hiyat Hamétim (1 des 13 primcipes de Emouna) consiste bien à croire en T'hiyat Hamétim et non d'agire de telle sorte que l'on croit ou que l'on soit crédible.
D'autre part, dans votre réponse, je n'ai pas trouvé la source (dans la Torah) où l'on trouve que la Emouna est une Mitsva de la Torah.
Enfin même après votre réponse, il n'en reste pas moins de la Emouna est le fondement pour accomplir toutes les Mitsvot (voir entre autres le Pa'had David Parachat Béréchit) et que si la Emouna (même d'après votre définition) est une Mitsva, alors cela voudrait dire qu'on ne pourrait pas accomplir la Mitsva de la Emouna (en tant que Mitsva) si auparavant on n'a pas la Emouna (en tant que fondement pour accomplir toutes les Mitsvot) car toute la raison d'être des Mitsvot (et même de la Emouna) est la Emouna elle même et ainsi de suite jusqu'à l'infini.
J'espère que je suis assez claire.
C'était dans ce sens que je disais que ma question pouvait paraître ardue.
Kol Touv et Chabbat Chalom.

Rav Elyakim Simsovic
Samedi 13 décembre 2003 - 23:00

Maïmonide, que vous citez, commence son Michné Thora par les mots : Savoir qu'il existe un Être premier dont dépend l'existence de tout...
Pas croire, savoir.
Et on peut nier la vérité, pas seulement des croyances.
Ce que vous dites à propos des 13 articles dits "de foi" n'est pas exact, il y a obligation d'agir de telle sorte que ces vérités soient attestées ; cela s'appelle le témoignage. Il fut un temps où foi signifiait fidélité et c'est plutôt de cela qu'il s'agit que de croyance.

davmou
Jeudi 26 janvier 2006 - 23:00

11822 et 11843, concernant "la Mitsva de croire",
Chalom Rav,

Il y a très longtemps, je vous avez posez la question à savoir que s'il existe une Mitsva de Emouna (de croire en D.ieu), alors comment peut-on dire que la Emouna est la base pour accomplir toutes les Mitsvot car si croire est une Mitsva, alors pour accomplir cette même Mitsva, il faudrait tout d'abord qu'il y ait la base de cette Mitsva qui est également le fait de croire et donc on arrive dans un cercle vicieux...ce sur quoi, vous m'avez répondu que la base pour accomplir les Mitsvot est bien le fait de "croire en D.ieu (Emouna)" mais que la Mitsva de Emouna ne consiste pas tant à croire en D.ieu mais consiste en un engagement à agir de telle sorte que ce qui est vrai soit reconnu comme tel et que ce qui n'est pas encore réalisé s'accomplisse.
Sur cette réponse, j'ai une question: Le Rambam, dans le Sefer Hamitsvot, Mitsva positive N°1 dit la chose suivante: "Il s'agit de l'ordre qui nous incombe de croire en D.ieu, c.a.d que nous devons croire qu'il est à la fois l'origine et la cause de toute chose, celui qui fait exister les créatures, selon le verset: ''Je suis l'Eternel ton D.ieu..." etc...et il conclut en disant: "Nous pouvons donc constater que 'Je suis l'Eternel ton D.ieu fait partie des 613 commandements et c'est un commandement positif de croire en l'existence de D.ieu" (fin de citation).
Cela s'oppose totalement à la définition émise que la Mitsva de la Emouna consiste en une action de faire en sorte que la vérité soit reconnue par les autres!...pourquoi donc m'aviez vous dit que ma définition de la Mitsva de la Emouna découle d'une idée erronnée des gens, alors que c'est la même définition énoncée par le Rambam lui-même?? S'il en est ainsi, ma question initiale revient: A savoir: D'après la définition du Rambam de la Mitsva de la Emouna, comment la Emouna et le fait de croire en l'existence de D.ieu peut être considérée comme une Mitsva alors qu'elle correspond à la base et au fondement AVANT d'accomplir toutes les autres Mitsvot (et donc meme avt la Emouna?!). Comment donc une Mitsva peut etre à la fois avant et au moment de son accomplissement? Cela n'aurait aucun sens car selon la logique pure, cela est considéré comme un cercle vicieux?!

Merci pour votre précision et Chabbat Chalom

Rav Elyakim Simsovic
Lundi 6 février 2006 - 14:37

Votre question illustre parfaitement l'impossibilité radicale de raisonner sur la base de traductions.
Vous croyez citer Maïmonide, mais ce n'est pas du tout ce que Maïmonide dit.
Le problème tient à la manière de comprendre une notion, en l'occurrence la "emouna". Si on projette sur elle la conception de la foi telle qu'elle est comprise dans la culture religieuse occidentale, on se sert pour traduire le terme hébraïque de "emouna" du mot d'origine latine "foi" et on la renvoie à la notion de "croyance".
Or Maïmonide dit : "hamitsva harichona hi hatsivouy acher tsivanou behaamanat haelahout vehou chenaamin cheyesh cham ‘ila vesiba... etc."
Comment traduire "behaamanat haelahout" ?
Il faut constater d'abord que la forme verbale du substantif "haamana" (qui figure ici à l'état construit, d'où le suffixe "t") est dérivée du hif‘il, c'est-à-dire ce qu'on appelle le factitif. Cette forme signifie non pas le "faire" mais le "faire faire".
Il s'agit donc de rendre "amîn". Que signifie "amîn" ? Comme je l'avais expliqué précédemment, cela signife "fiable", "ferme", "solide", à la limite "crédible". La mitsva consiste donc dans l'obligation de rendre fiable, crédible, affermie" etc. le fait qu'il y a un Créateur, et non de croire qu'il y en a un.
Il m'incombe donc, par la manière dont je vis, non seulement de témoigner de cette vérité, mais de la rendre réelle, concrète, etc.
Et par conséquent, votre objection tombe d'elle-même.

davmou
Dimanche 5 février 2006 - 23:00

28585
Chalom Rav,

Pourtant le Rambam, dans sa définition de la Mitsva de la Emouna dit: "nous devons "léaamin" qu'il est à la fois l'origine et la cause de toute chose, celui qui fait exister les créatures" (ce qui correspond bien au niveau de la signification, à une connaissance et une croyance) ou lorsqu'il dit "Mitsva...est de savoir qu'il y a la bas un D.ieu", il s'agit bien de quelque chose liée à la croyance mais que le rajout qu'il y a dans la connaissance consiste à en prendre pleinement conscience et l'intégrer en y réfléchissant. Il n'a jamais parlé du fait de rendre Amin cela et d'ailleurs on n'a jamais entendu ou vu cette explication quelque part. Quand le Rambam dit "Leaamin Bachem" ou "Bemetsiouto" on dit bien le "bé" qui signifie "en" et donc comment interpréter ce "en" si on dit qu'il s'agit du fait de rendre crédible et fiable? On aurait du dire "Léaamin Hachem" ou Léaamin Métsiouto" (rendre fiable l'existence de D.ieu) et non "Bachem"! D'autant que le terme de "Léda" ne laisse absoluement pas entendre le fait de rendre fiable sa connaissance puisque la connaissance et le savoir est singulier à chacun d'entre nous?! On aurait du plutot dire "Léodia" selon vous! De meme, le verset à l'appui est "Ano'hi Hachem Elokeha" (Je suis l'éternel TON D.ieu). D'où voit-on de ce verset un sujet de rendre fiable et Emet quelque chose? Au contraire dans ce verset D.ieu s'adresse à chacun d'entre nous au singulier et nous dit qu'Il est notre D.ieu et qu'il faut en prendre conscience et d'apres ce verset, absoluement rien ne laisse entendre le fait qu'il faille rendre fiable et crédible son existence! Car en effet, il est dit "Ton D.ieu" ce qui est propre à chacun et il faut donc le savoir qu'Il est notre D.ieu!

Kol touv

Rav Elyakim Simsovic
Lundi 13 février 2006 - 15:17

Je n'invente pas la langue hébraïque. léhaamin est un factitif, pas un indicatif. Par le simple fait de dire léhaamin ou béhaamanat il dit, en hébreu, rendre amîn.
Le point focal du texte du Rambam est davantage sur le fait qu'Il est Créateur, pas tellement sur le fait qu'il existe. Voyez à ce propos ce que dit le Gaon de Vilna dans les liqoutim à la fin de son commentaire sur le Sifra Ditsniouta.
Prenez bien garde au fait que la Thora commence par nous dire qu'Il est Créateur. Elle s'adresse, par définition, à ceux pour qui Son existence n'est pas mise en cause. De même, jamais les prophètes n'ont évoqué cette éventualité. Ils ont toujours insisté sur Son unité et sur Son unicité.
De plus, le Michné Thora, écrit directement en hébreu par Maïmonide (alors que le séfer hamitsvoth a été traduit de l'arabe par rabbi Moshe Ibn Tibon, commence par les mots : Le fondement des fondements et le pilier des sagesses est de SAVOIR qu'il y a (il n'est pas nécessaire de dire là-bas, c'est impliqué en français dans le "y") un existant premier qui fait exister tout existant. Savoir, pas croire. "Leyda" (לידע) en hébreu. C'est ce mot - et pas léhaamîn - que vous pouvez considérer comme impliquent à la fois connaissance, prise de conscience de ce que cela implique et signifie, etc.
Dans le premier verset des Dix Commandements, l'insistance est sur le fait qu'Il nous a fait sortir d'Egypte. Il faudrait traduire : "C'est bien Moi, Hachem ton Dieu, qui t'ai fait sortir du pays d'Egypte..." et cela se comprend clairement à la lumière des innombrables fois où les Hébreux "accusent" Moïse de les avoir fait sortie.
Il ne s'agit d'aiileurs pas de rendre fiable son existence mais Sa Providence.
Abraham croyait en Dieu - dès l'âge de 3 ans, nous dit le midrach, il avait reconnu son créateur. Or, lorsque Dieu lui annonce la naissance prochaine d'Isaac, le texte dit "véhéémin bachem" (Béréchit XV, 6). Quoi d'extraordinaire pour Abraham de croire ce que Dieu lui dit !? Mais c'est qu'en réalité, pour quelqu'un qui - comme Abraham - connaît Dieu en tant que Créateur et comme tel gardien des lois immuables de la nature, il fallait un courage et un engagement extraordinaire pour oser croire dans la Providence (Hachem) qui en quelque sorte contredit le Créateur (Eloqim), et en même temps affirmer qu'Il est Un et que c'est Hachem (Lui-même, malgré les apparences, qui est Eloqim).
Je sais bien que c'est très bref et très condensé, mais c'est de cela qu'il s'agit. Et c'est même tellement important et difficile que nous devons affirmer que nous l'assumons soir et matin en témoignant : Ecoute - sache et comprend - Israël, [c'est parce que et en tant que] Hachem est notre Elohim [que] Hachem est Un.
Et l'implication de cette "profession de foi" n'est pas la reconnaissance de Son existence mais l'acceptation du "joug de Son règne" (qabbalat ol malkhout shamayim) qui correspond assez exactement à l'engagement d'agir pour faire en sorte que ce règne devienne manifeste et reconnaissable par tous.
L'mage du joug est en ce sens très claire : c'est par lui que nous sommes attelés à la charrue qui creuse les sillons où pourra lever la récolte semée.

davmou
Lundi 13 février 2006 - 23:00

28864
Chalom Rav,

Au fond, le problème subsiste toujours etant donné que le Rambam, dans sa définition de la Mitsva de la Emouna, dit que cela consiste à "savoir qu'il y a un D.ieu" ce qui ne correspond absoluement pas au fait de rendre fiable! D'autre part, comment peut on affirmer que la Mitsva de la Emouna correspond à (je cite): <Et l'implication de cette "profession de foi" n'est pas la reconnaissance de Son existence mais l'acceptation du "joug de Son règne" (qabbalat ol malkhout shamayim) qui correspond assez exactement à l'engagement d'agir pour faire en sorte que ce règne devienne manifeste et reconnaissable par tous.>> ?? Ceci parait tres etonnant de dire que la Mitsva de la Emouna correspond à la Kabalat Ol Malhout chamaim exprimé par le Chema alors que le Rambam lui meme dans le sefer hamitsvot a classifié la Mitsva de Kabbalat Ol Malhout Chamaim (en citant la phrase du chema israel hachem elokenou...), non pas comme etant la Mitsva de la Emouna mais comme etant la Mitsva concernant l'unicité de D.ieu (Mitsva positive N°2) en le separant de la Mitsva de la Emouna en D.ieu puisque celle ci est deja comprise dans le verset "Ano'hi Hachem..." ?!
Enfin, concernant le terme de Leaamin. Si cela correspond au fait de rendre fiable (amin) son existence, quelle est alors la signification du verset "Vayaaminou Bachem Ouvmoché Avdo"? Dans ce verset, les juifs n'avaient rien à rendre fiable car ce serait aux yeux de qui? Il n'y avait qu'eux dans la mer (les egyptiens etant deja noyé) et donc à qui ont ils rendu fiable l'existence de D.ieu (puisque ce terme est au passé, il faudrait donc qu'ils aient déjà rendu fiable Moché et d'où le voit-on ?) ? Et de même dans "vayaaminou...ouvmoché...", quel est donc l'engagement des bné israel à agir pour rendre fiable Moché et rendre fiable le fait que ce soit bien lui qui soit choisi?! Et de meme, quand il est dit "Vayéamen Aam" lorsque Moché a fait les 3 miracles aux bné israel, dans ce verset, qu'est ce que les juifs ont rendu de fiable?! Et bien plus, quand Moché dit: "Lo Yaaminou Bi", dans ce verset, où voit on l'engagement inverse des bné israel a ne pas rendre fiable Moché?! Mais plutot, il semblerait qu'il s'agisse d'un manque de confiance et de croyance en Moché car de quel engagement à agir s'agit-il?

Kol Touv

Rav Elyakim Simsovic
Mercredi 22 février 2006 - 12:39

Il ne faut pas confondre les registres.
Lorsque Maïmonide dit que le fondement des fondements ... est de savoir, il ne parle pas de emouna et on ne demande donc pas que "savoir" puisse signifier "afffermir".
Le rav Raphael Moshè Louria (Beyt Guinzaï, Guéoulat Mitsraïm, p. 238) le formule de la manière suivante : ... I efshar shetavo hayéshoua shel haguéoula ela yedé haemouna, shebazeh mamshi‘him ett haguéoula, vé-émouna yesh bah gam mashma‘out mélashone "vayéhi omane" shehou lashone hamsha‘ha véhagdala.
"le salut de la délivrance ne peut venir que par la émouna grâce à laquelle on fait épanouir, (on étend, on fait descendre de haut en bas) la guéoula, et le mot émouna implique aussi le sens de l'expression "il prenait soin de (au sens d'assurer l'éducation)" qui exprime l'idée d'épanouissement et de développement.

Je vous renvoie donc vos questions : comment conciliez-vous votre sens du mot emouna et du verbe léhaamin comme foi ou croyance avec le fait qu'il s'agit d'un factitif dont le sens est "rendre amîn", et je vous laisse aussi le soin de traduire amîn.

Par ailleurs, je n'ai pas prétendu épuiser en quelques lignes toute la richesse de contenu de la notion de emouna. J'ai voulu indiquer
1. que la notion première et fondamentale n'est pas la croyance en l'existence de Dieu mais dans sa Providence. Et je maintiens et j'affirme que la question de la cryance en Dieu n'est pas une problématique hébraïque et juive, problématique à laquelle nos maîtres du Moyen-âge ont été amenés à la suite des controverses avec les non-Juifs et lorsqu'il leur a été demandé, sous l'influence des cultures environnantes, d'apporter les réponses juives à ces questions. Ce qui ne signifie pas du tout importer les contenus de ces préoccupations dans la vie spirituelle juive.
2. que le sens du mot et du verbe n'était pas premièrement "croire en" mais d'une part "faire confiance à" et d'autre part que cette confiance impliquait non une attitude passive mais appelait à une action de ma part, comme l'implique le factitif, action à la fois sur moi-même et sur mon entourage.
3. il y a une différence entre "léhaamin be" - et "lehaamin le". Voyez à ce sujet Malbim, sefer Hacarmel, p. 35 et son commentaire sur Shemot 14,31), le premier énonçant une attitude devenue elle-même durable tandis que le second est plus ponctuel, lié à une situation particulière.

Voyez par ailleurs les remarques de Nahmanide sur le sefer hamitsvoth, commandements "négatifs" I : "La première mitsva qui nous a été ordonnée est l'acceptation de la souveraineté (qabbalat malkhout shamayim), c'est-à-dire (kélomar) shenaamin (que je ne traduis pas) qu'il y a Un Dieu qui fait exister tous les existants qu'il tire du néant..." Vous voyez donc que je ne suis pas en trop mauvaise compagnie dans l'explication succincte que j'ai donnée à propos du premier verset du Shema.
Par ailleurs, faites attention aux mots que vous utilisez. La mitsva dont vous parlez ne porte pas du tout sur l'unicité de Dieu, mais sur son unité. Il ne s'agit pas de l'affirmation qu'il n'y a qu'un seul Dieu (ça c'est l'affirmation monothéiste musulmane) mais de dire que ce Dieu unique est Un en Lui-même, d'une unité absolument simple et non composée. C'est précisément la signification des implications pour nous de cette unité, nous dont la personnalité est composée de tendances diverses qu'il nous appartient de rassembler, d'unifier et de soumettre ensemble à Sa souveraineté que j'ai essayé de mettre en évidence.

Vous avez un peu tendance à ne pas faire attention au sens des mots : il y a une différence entre la foi dans la Providence et la foi dans l'unité (foi étant utilisé au sens de "donner sa foi" qui signifie engagement à être digne de confiance, se mettre au service de) . Ce sont deux domaines distincts de la vie spirituelle et morale et il ya donc naturellement deux mitsvoth les concernant.

Il y a une explication du Malbim selon laquelle "emouna" dans les rapports entre l'homme et Dieu est équivalent à "mishpat" (le droit, au sens juridique du terme) dans les repports entre hommes (Yaïr Or, p. 17).

Je vous recommande par ailleurs l'étude attentive de "Mitsvath haamanat Elaqout" du Tsemah Tsedeq dans Derekh Mitsvotekha.

Et pour finir, même lorsque nous sommes obligés de traduire pour les besoins de la communication, la réflexion ne peut se faire que selon les catégories de l'hébreu et jamais d'après les formes du français. Le français ne comporte absolument pas la connotation du factitif présent en hébreu, que ce soit sous la forme substantive ou verbale, et par conséquent qu'on le veuille ou non, même si on traduit léhaamin par "croire", il y a en hébreu une implication factitive à cette croyance (que j'exprime par "rendre crédible") alors que cette nuance factitive a complètement disparu en français, ce qui fausse assez consiérablement le sens et le contenu de la notion de croyance elle-même entendue en hébreu.

Et donc non seulement le problème ne reste pas entier, il n'a en vérité jamais existé.

davmou
Jeudi 16 février 2006 - 23:00

29056
Chalom Rav,

J'ai bien lu votre réponse et je comprends tout à fait que la manière meme dont est fomé le terme léaamin signifie précisément ce que vous m'aviez dit. D'après ce que vous m'avez dit, il en ressort que la Emouna ne correspond pas au fait de "savoir que D.ieu existe" mais de lui faire confiance, ou de prendre conscience de sa providence. Et donc, d'apres ce qui ressort de tout cela, la Emouna est quelque chose d'actif et non seulement d'intellectuel. D'autre part, vous me citez le Dere'h Mitsvote'ha du Tsemah Tsedek, pourriez vous me donner la référence exacte? Ce qui semble étonnant, c'est que dans les notes de Rabbi Yossef Its'hak Shnerson (le Hayom Yom) qui est aussi un Rabbi de Loubavitch, comme le Tsema'h Tsedek, il donne une définition de la Emouna qui correspond plus avec quelque chose d'intellectuel, lié à la compréhension et non quelque chose en rapport avec l'action.
Voici ce qu'il dit précisément dans le Hayom Yom:
"La première Injonction de la Torah, selon les termes du Rambam, est «de savoir qu'il est une Existence première, à l'origine de toutes les créatures». Le savoir est un Commandement positif, ainsi qu'il est dit "Je suis l'Eternel ton D.ieu"».
Cette Mitsva est mise en pratique par le cerveau et l'intellect. Ainsi, bien que chaque Juif croit en D.ieu d'une foi pure, bien que son coeur Lui soit entièrement consacré, il a une obligation intellectuelle d'exprimer cette croyance dans les termes de la compréhension et de la connaissance. C'est le sens de "savoir qu'il est une Existence première".
La Mitsva consiste à savoir et à comprendre, ainsi qu'il est dit: «Connais le D.ieu de ton père et sers-Le d'un coeur entier». Il est dit également «Tu sauras en ce jour». " (fin de citation). Que faire de tout cela? Cela s'oppose t-il à l'opinion du Tsema'h Tsedek qui est le 3ème Rabbi de Loubavitch?!

Chabbat Chalom et Kol Touv!

Rav Elyakim Simsovic
Mercredi 22 février 2006 - 12:30

Mitsvat Haamanat Elaqout est un chapitre de Derekh Mitsvotekha du Tsemah Tsedeq.
Je n'ai pas le Hayom Yom et j'ai une certaine réticence à me prononcer sans le texte original. J'aurais toutefois tendance à penser que la connaissance aussi implique une action, et en particulier celle qui découle comme conséquence d'un savoir.

P.S. : je suis passé hier au Beit Habad de Herzlya et j'ai commandé le Hayom Yom (dans l'original yiddish...) J'en ai aussi profité pour jeter un coupd'oeil dans le 'Hitat (Houmash-Tehilim-Tanya, pour les novices) et j'y ai lu cette pensée du rabbi Yossef Yits'aq :
"L'intellect (sekhel) et l'émotion (hitpa'alout) sont deux mondes à part. Un monde froid et tranquille et un monde bouillant et confus ; et c'est en cela que consiste l'effort de l'homme ('avodat haadam) : les relier afin de les unifier. Alors la confusion devient aspiration et l'intellect devient le guide d'une vie d'effort ('avoda) et d'action."

Il me semble que cela éclaire bien le sujet de notre discussion, et le sens à donner à ce que le Hayom Yom lui-même a écrit sur la mitsva intellectuelle de la connaissance.

zeldou
Dimanche 19 février 2006 - 23:00

chalom et bravo a ce merveilleux site! Si cela peut aider DAVMOU (ref:29130) je souhaiterai avec votre permission lui faire savoire que cette question est largement discutée dans la philosophie hassidique (HABAD), oui dans le dere'h mitsvoteha mais également dans le TANIA .En quelques mots ,le tania affirme que chaque juif possède en lui un héritage précieux transmis par nos patriarches AVRAHAM, ITSHAK, et YAAKOV qui sont l'amour et la crainte de D...ET CELA EST ENCRE DANS NOTRE NATURE!!!C'est ainsi que l'on peut répondre a une autre question:sur le verset KI KAROV EILEIHA HADAVAR:comment la tora peut elle affirmer qu'aimer D... est facile pour quelqu'un qui ne le ressent pas?????répônse : CE QUE L'ON DEMANDE A L'HOMME EST "UNIQUEMENT"DE REVEILLER ET ENFLAMMER UN SENTIMENT ENFOUI PRONFONDEMMENT DANS SA NATURE.Et cela il peut le faire en méditant sur la grandeur de D... etc... etc... c'est une réponse trop résumée je le reconnait mais qui vous donnera surement l'envie d'approndir le sujet .

Rav Elie Kahn z''l
Mardi 21 février 2006 - 19:12

Merci