Conversation 19703 - Critique envers la critique
Me rendant dans ma librairie juive, j'y trouve un volumineux bouquin sur l'ancestralité égyptienne des Hébreux (je ne me souviens pas du titre, qui n'a pas une grande importance, d'ailleurs). J'en avais eu par ailleurs des notions en faisant des recherches sur la circoncision.
Ah bon?Après le deutéronomisme, ça? Maintenant, on ne cherche plus à attaquer l'unité du Tanakh, mais à en détourner (voire en retourner)l'origine?
Est-ce une théorie ancienne ou récente? En savez-vous quelque chose (cette question s'adresse aussi aux historiologues et historiosophes parmi les cheelanautes)? Comment cette théorie se balaie-t-elle en deux temps trois mouvements?
Kol touv
En jetant le bouquin aux orties et en changeant de librairie (oui, je sais, bon, soyez plus sélectif)
Le nombre d'insanités qui ont été écrites sur n'importe quel sujet est tellement vaste qu'on ne peut pas perdre son temps à les réfuter toutes.
Pour nous, les Hébreux descendent de Shem alors que les Egyptiens descendent de Ham, comme la Thora l'exprime clairement. A partir de là, toutes les stratégies antisémites qui tentent de vider la Thora de sa substance en s'attaquant soit à elle directement soit au peuple d'Israël qui en est porteur doivent être clairement dites pour ce qu'elles sont : les substances puantes que décharge le corps de l'homme.
suite à la 19703
Si je puis me permettre, je souhaite rassurer le cheelanaute sur ce livre (ce livre ecrit par les frères sebbah) n' a pas été confirmé par un seul egyptologue digne de ce nom (j'ai travaillé pendant un an a coté d'eux au Collège de France)... leur théorie sont au mieux amusante... pour vous donner une idée du niveau, je fais faire un parallèle à peine exagérer... imaginez qu'il y ait un typhon au Japon, et qu'au même moment sorte un film sur les coléptères en France... quel est l'imbécile qui ira conclure qu'un typhon au Japon entraine la sortie d'un film sur les coleoptères en France?.... voilà le genre d'analogie que nous donne ce livre...
Le livre se réfère a Akhenathon qui aurait était l'ancêtre du monothéisme des hebreux... totalement idiot d'un point de vue historique, car tout d'abord, Akhenathon était hénotheiste et non monotheiste, et ensuite car le phénomène de gestation du monothéisme dans les deux cas est radicalement différent: les concepts religieux hebraiques se fondent strictement dans une mentalité sémitique plus générale (pour s'en convaincre, un simple coup d'oeil aux textes anciens cunéiformes suffit pour s'en rendre compte, en particulier le code d'Hammurabi, ou le Mythe de la Creation babylonien et autres légendes d'Ugarit et de Gilgamesh). Le cheminement du monothéisme hébraique rentre plutot en corrélation avec le phénomène de monisme qui interviendra à Babylone au cours du 1er millénaire avt EC: je m'explique, il s'agit du phénomène faisant passer le panthéon babylonien de plusieurs divinités distinctes au point où toutes les divinités ne deviennent les différentes facettes d'une seule divinité principale... plus tout a fait le polythéisme et pas encore le monothéisme.... je résiste pas à vous montrer ce petit texte trouver sur un forum d'alliancefr:
L'origine égyptienne des hébreux?
Le Figaro du 19 septembre titre ainsi la présentation d'un livre également dénommé "les secrets de l'exode" de Roger et Messod Sabbah.
L'article de JM Tasset parle d'une découverte extraordinaire, "si elle est avérée". C'est dire la confiance qu'il apporte à ce travail, dont les auteurs sont présentés si sommairement. Les auteurs sont effectivement présentés comme deux chercheurs hébraïsants, sans référence à leurs compétences et à leur valeur, sans introduction par un égyptologue connu.
Le message essentiel en est "l'origine égyptienne des hébreux". Avec pour base de départ le "monothéisme" du Pharaon Akhénaton, l'exil de ses suivants en terre de Canaan.
Or le monothéisme de Akhénaton se résumait à croire en une divinité unique, le soleil! On est loin de l'enseignement d'Abraham (reconnu pour être "le serviteur du D.ieu qui règne sur le ciel et sur la terre" et de Moïse qui annonce au nom de D.ieu quelques 448 ans plus tard "tu n'auras pas d'autre dieu de ce qui se trouve sur la terre ou dans le ciel".
Voyons quelques autres des arguments cités par l'article.
Le peuple hébreu dont on n'a retrouvé aucune trace dans l'Egypte ancienne.
La Bible nous apprend que les hébreux étaient des esclaves, affectés au travail de confection des mortiers et briques ou aux travaux des champs. Avraham notre ancêtre séjourna quelques jours, voire quelques semaines en Egypte. 250 ans plus tard, les enfants de Jacob y vécurent 210 ans, dont 116 seulement en état d'esclavage. Ils vécurent à Gochen, Que tous s'accordent à situer en basse Egypte et non à Memphis dans la vallée du Nil d'où les Sabbah font sortir leurs exilés, là où sont situées les capitales successives de l'empire égyptien.
Ayant visité personnellement la vallée du Nil, j'ai le souvenir que nombres de monuments ont vu leur cartouches effacées et réécrites par leurs successeurs.
Combien de fois un événement peu honorable pour l'Empire, s'il fut mentionné, aurait eu le temps d'être effacé depuis –1312, lorsque les Hébreux sortent d'Egypte et la fin des dynasties pharaoniques? Rien d'étonnant donc à ce silence!
Que l'on me montre une place Trafalgar à Paris ou un pont d'Austerlitz à Londres, voire une Allée des Vedettes à Cherbourg!
D'ailleurs comment croire que les pyramides ont pu être construites par des humains? Il aurait fallu des centaines de milliers d'esclaves durant plusieurs années et nul n'en a trouvé la trace: ni sépulture, ni mention écrite, ni reste de campement…
Peut on vraiment dire que nos ancêtres n'ont laissé aucune trace en Egypte?
3300 ans après, on a noirci en hypothèse plus de papier que la Bible n'en consacre à ce sujet. Preuve que des générations d'égyptologues ont bossé le sujet, et cherché à identifier la ville Ramsès biblique, le pharaon contemporain de la sortie d'Egypte (Ramsès II, Mineptah, …?)
Notons toutefois que des spécialistes ont trouvé un Yakub à une époque concordant avec la présence de nos ancêtres en Egypte.
D'autres, cités par G. Goyon ("Les travaux de Chou … d'après le naos 2248 d'Ismailia", Revue de Philologie et d'archéologie égyptiennes et coptes, VI, 1936) voient dans la mention Pi Kharoti d'un naos égyptien découvert à El Arich le Pi ha 'Hirot biblique. Il y est écrit sur du granit qu'un certain pharaon aurait été englouti dans un tourbillon après un cataclysme qui avait plongé l'Egypte dans l'obscurité…
Que dire des tablettes d'El Amarna ("Elles révèlent l'alarme des chefs locaux cananéens devant l'envahissement du pays par des hommes fortement organisés et qui sont désignés dans certaines tablettes par les termes de Habiri ou Habirou.", cité par Neher), de la stèle de Ménephta ("Israël est anéanti"…), et des hypothèses après les fouilles de Tanis, Jéricho, Aï, 'Hatsor qui amènet à dater leur destruction proche de la date envisagée pour la sortie d'Egypte. Même si ces hypothèses sont parfois contradictoires, elles reflètent une certaine réalité dont on doit tenir compte.
N'a-t-on pas trouvé un document qui atteste de calamités ressemblant étrangement aux plaies d'Egypte?
Pas les Hébreux mais les Yahoud:
Parmi les douze fils de Jacob, l'un s'appelait Yéhouda. Ils n'en étaient pas moins des Hébreux, au sens où Abraham est appelé l'Hébreu dans la Genèse. Ce n'est qu'en –700 (ou –750) qu'apparaît le Royaume de Yéhouda, après le schisme des héritiers de Salomon. Il faut encore quelques siècles pour que les Juifs soient appelés "Yéhoudim", lors de l'exil de Babel (Livre d'Esther, -322).
Lettres hébraïques et hiéroglyphes:
Les hyéroglyphes sont au nombre de plusieurs milliers. Sans aucun doute, une recherche minutieuse permettra d'y retrouver des éléments ressemblant à des lettres de l'hébreu, du grec, du latin, voire des pictogrammes de la sécurité routière et des antennes de télé. Pour ma pâret j'ai réussi à y trouver un téléphone portable, posé à côté d'une bouche, un individu à Péoth, des écouteurs de walkman, une pipe, un pommeau de douche.
Une subtile comparaison de l'auteur juxtapose un Hé hébreu avec un hyéroglyphe de même forme supposé désigner "le grand dieu". On notera simplement que la "simplification" du nom de D.ieu par le "hé" est relativement récente dans la littérature rabbinique, et que le daleth composant le "Hé" que les auteurs désignent comme le "hyéroglyphe de D.ieu " n'est jamais utilisé pour désigner D.ieu dans nos écrits. D'ailleurs pour que le "daleth" désigne D.ieu, il aurait fallu que nos ancêtres s'expriment en français, les grecs devant se contenter du "Teth" de théos.
Sans plus rentrer dans l'examen du livre, j'ai également consulté divers ouvrages ou personnes compétentes en égyptologie, qui concluent à un non lieu, tout comme les égyptologues en chaire consultés par Science et Vie de Décembre. Ainsi Mr Serge Rosmorduc m'écrit:
" Ce livre n'est pas sérieux. Très rapidement : a) l'origine de l'alphabet hébreux, comme celle de tous les alphabets du proche orient (et la plupart des autres !) remonte à l'alphabet phénicient. Les traces de l'évolution sont claires et bien attestées. L'alphabet phénicien, lui, descend des alphabets proto-sinaïtiques qui s'inspirent librement des hiéroglyphes, mais sont antérieurs à Akhenaton de plusieurs siècles (2000av j.c.). Donc l'alphabet hébreux descend, très indirectement des hiéroglyphes. L'alphabet latin aussi, d'ailleurs. Les romains ne sont pas des égyptiens pour autant.
(Pour reprendre la dernière filiation, qui peut sembler incroyable, on a: alphabet phénicien => alphabet grec => alphabet latin)
b) Des liens ont effectivement été fait entre Akhenaton et Moïse, dès la fin de l'antiquité, mais il s'agit d'une réinterprétation à l'époque grecque, mélangeant la bible, et deux épisodes de l'histoire de l'égypte : la défaite des hyksos au début de l'ancien empire, et l'épisode Amarnien.
c) L'image romantique et hollywoodienne des fidèles d'Akhenaton persécutés pour leur religion est anachronique.
Pour autant que l'on sache, Akhenaton est mort de sa belle mort (en tout cas, il a régné 17 ans, ce qui n'est pas spécialement court), et la plupart des dignitaires Amarniens se sont reconvertis sans problème. De plus, Aton a peu à voir avec le dieu des Hébreux. C'est un dieu soleil extrêmenent abstrait, dont la volonté se confond intimement avec celle de son fils et image terrestre, Akhenaton.
Quand aux équivalences à la fin, elles font montre d'une imagination débordante"
Le livre offre en quatrième de couverture deux cartouches dont la forme ronde du sommet devrait "préfigurer" les deux tables de la Loi. Or le Talmud témoigne de leur forme cubique, et les tables de la Loi ne sont arrondies en haut que depuis qu'elles ont été dessinées par des artistes occidentaux des siècles passés.
Le sujet est d'autant plus grave à traiter que cet article fallacieux pourrait servir de base à des prétentions territoriales israéliennes sur la région du delta du Nil, dont vous pouvez comprendre les conséquences
(Clo, je ne sais pas quel est le truc que vous dessinez pour dire qu'il faut sourire ici, mais les lecteurs sontdes grands,ils souriront quand même. Sauf PB peut être)
Il est à noter que nous possédons un document fort ancien, attestant de la présence des hébreux en Egypte et leur exode, soumis et approuvé par toutes les autorités de l'époque, c'est le texte de la Septante: la traduction grecque de la bible par 70 Rabbins, en -250. Deux siècles après qu'Hérodote ait écrit son histoire de l'Antiquité, cette fidèle traduction n'aurait pu faire avaler aux Ptolémées une histoire de l'Egypte qui ne fut pas vraisemblable.
Par ailleurs le parallélisme entre la Bible et l'histoire égyptienne semble très divergent: à la différence du Pharaon, Moïse n'a pas été enfanté par un dieu mais par père et mère. Ses enfants nous sont connus, et il n'est pas père de Josué dont la filiation est bien établie.
Hé ben grand merci d'avoir pris la peine de partager tout ceci avec nous.
Suite à la 19793. Merci tout d'abord à Joavan pour ces précisions. Je tenais à signaler que j'ai vu récemment ce méchant livre en vitrine de la tristement connue "Libraire roumaine", centre névralgique du négationnisme et de l'antisémitisme français. Il y a des signes qui ne trompent pas...
Sans commentaire
19793 (ce n'est pas une question non plus)
Ami cheelanaute, je vous remercie grandement. Je tiens juste à vous rassurer sur le fait que je n'avais pas besoin d'être rassuré quant à la validité scientifique de ces inepties, mais par rapport aux réponses que j'aurais à fournir un jour (on n'imagine pas les formes subtiles que peut prendre un certain antijudaïsme, j'emploie le terme pour souligner qu'il s'agit de gens pas forcément racistes, xénophobes ni même antisémites, encore que, qui prennent un malin plaisir à casser des croyances. Au moins les apikoros, s'ils remettent certaines croyances en doute, ne remettent pas en question la légitimité de notre vécu historique)
Cela dit, je rejoins le Rav Simsovic pour vous remercier de la somme de travail que cette réponse a dû vous prendre, et vous m'avez beaucoup appris! Encore un grand merci!
Cordial shalom!
Remerciements transmis