Conversation 26322 - Rigoureusement liberal...

Bondy007
Mercredi 19 octobre 2005 - 23:00

Erev tov ve'hag samea'h,

Je me sens juif depuis plus de cinq ans. J'avais alors entamé un premier parcours de conversion rapidement abandonné : j'étais trop jeune, pas assez mature pour pratiquer, j'avais une approche trop intellectuelle, pas assez pratique du judaïsme. Et puis je vivais encore chez ma mère, pas facile de concilier le respect de son foyer et mon désir de pratique. Je m'étais quand même fait circoncire à l'hôpital.

Il y a près d'un an et demi, j'ai commencé à fréquenter une synagogue libérale, j'ai repris un parcours de conversion et, bezrat hachem, je pense que le jour où je serai "officiellement" (car dans mon coeur je le suis depuis cinq ans) juif n'est pas si loin.

Mais depuis quelques semaines, quelque chose assombrit ma joie : l'idée, pas nouvelle mais réactivée par la proximité de mon beth-din (mais oui, il y a des batté-din aussi chez les libéraux !), qu'un jour quelqu'un me dise : "non, tu n'es pas juif puisque ta conversion n'est pas reconnue par le Consistoire". Je pense que cela me ferait très mal si j'entendais cela.

C'est pourquoi j'aimerais vous poser ces questions :
- Si quelqu'un qui s'est converti dans un mouvement libéral se présente au Consistoire pour que sa judéité soit reconnue, devra-t-il subir le même parcours que n'importe quel non-Juif, ou sera-t-il pris en compte comme un "Juif en devenir", voire comme un Juif tout court ?
- Pourra-t-il continuer à fréquenter sa communauté libérale (par exemple, vendredi soir et samedi matin dans sa syna libérale, mais Min'ha, séouda chlichit et arbit dans la syna consistoriale - c'est d'aileurs ce que je fais depuis neuf mois) ou devra-t-il fréquenter exclusivement la syna consistoriale ?
- Peut-il demander à passer l'examen des 280 questions rapidement, ou lui faudra-t-il attendre un, deux ans voire plus ?
- Devra-t-il passer par une Dam berit et un mikve ou bien pourra-t-il en être exempté puisqu'il est déjà passé par ces étapes avec sa syna libérale ?
- Enfin, pensez-vous qu'un jour prochain viendra où le Consistoire reconnaîtra les conversions libérales ?

Je précise - et cela rétablit d'ailleurs la vérité sur les libéraux - que, si je suis libéral, je n'en suis pas moins pratiquant : je respecte le shabbath de façon rigoureuse (libérale, mais rigoureuse), toutes les fêtes, tous les jeûnes, j'ai lu la Torah et cette année je m'attaque au commentaire de Rachi sur le Pentateuque.

Enfin, une petite anecdote : il y a quelques mois, comme tous les samedis après-midis, je me rends dans une syna consistoriale avec un ami. Lorsque celui-ci, en réponse à une question posée, dit qu'il fréquente une syna libérale, nous assistons, médusés, à une séance de Lechon hara sur nous, le rabbin disant notamment "Nous n'avons rien en commun !". Mais ce n'est pas la fin de l'histoire : cela faisait deux semaines que l'Omer avait commencé : naturellement, je m'étais laissé pousser la barbe. Mais, dans cette syna traditionaliste qui n'avait "rien en commun" avec nous, la moitié des hommes étaient rasés de près...

Rav Elie Kahn z''l
Mercredi 26 octobre 2005 - 23:00

Chalom,

Les conversions libérales ne sont pas reconnues et vous devrez effectivement faire une hatafa.
Je ne sais pas quelle est le politique consistoriale pour ce genre de conversions. Je suppose que cela doit dépendre de la position de la personne concernant la Halakha, est -elle prête a respecter la Halakha dans tous ses détails, ouseulement selon les critères libéraux.
Une reconnaissance des conversions libérales sera possible quand ce courant respectera la Halakha dans tous ses détails.

Si vous même respectez la Halakha, pourquoi vous faites vous appeler libéral, en quoi êtes vous libéral? En quoi votre Chabat est-il différent?

Malgré mes critiques vis à vis des libéraux, je pense que dire qu'il n'y a rien de commun est largement exagéré.

Bondy007
Dimanche 30 octobre 2005 - 23:00

Suite de la 26322

Toda rav Elie Kahn pour votre réponse. Je réponds à mon tour à vos questions.

"Si vous même respectez la Halakha, pourquoi vous faites vous appeler libéral, en quoi êtes vous libéral?"

Je ne me fais pas spécifiquement appeler "libéral". Je suis juif (enfin, pas encore mais bezrat hachem dans quelques semaines), et il se trouve que je fréquente une synagogue libérale, que mes prises de position halakhiques sont libérales (ou en tout cas, plus libérales que les orthodoxes, car je me sens plus proche des conservative...). Mais en aucun cas je ne fais passer mon libéralisme avant ma judéité, contrairement à certains orthodoxes qui, en rejettant les libéraux, font passer leur orthodoxie avant leur judéité... Je fréquente sans problème des synagogues orthodoxes (j'ai même assisté à la lecture de la meguilla d'Esther chez les loubavitch, sans aucune gêne).

Je suis libéral car je reconnais la notion d'exception : une de mes amies s'est mariée un samedi après-midi, je suis allé à son mariage et j'ai donc dû, pour cela, prendre le métro, ne pas assister à Min'ha etc... ; dans le sens où j'accorde plus d'importance aux paroles de la Torah qu'aux interprétations rabbiniques, car pour les libéraux - c'est là une différence fondamentale - la loi orale n'a pas été donnée à Moshé par D., mais est le fruit d'interprétations rabbiniques, ce qui relativise son autorité (qui reste quand même très importante, car sans interprétations rabbiniques, sans Talmud, point de judaïsme !) par rapport au texte de la Torah. Parce que je ne vois pas pourquoi je devrais me passer de manger dans des restaurants non-cachers si j'opte pour un repas végétarien ou de poisson autorisé. Dans le sens où je souhaite qu'une femme puisse prier à égalité avec moi, mettre tallith et teffilin, monter à la Torah si tel est son choix (je fais confiance à sa responsabilité de ne pas monter si elle est nidda). Aussi parce que je trouve chez les libéraux une certaine ouverture d'esprit, un certain souffle progressiste qui fait (hélas...) souvent défaut dans les synagogues orthodoxes (et notamment par rapport à l'accueil du candidat à la conversion).

"En quoi votre Chabat est-il différent?"

Outre le fait que je reconnais la notion d'exception (voire plus haut), voici ce qui distingue mon shabbath de celui des orthodoxes :
- j'utilise les commutateurs électriques
- je fais fonctionner mes plaques électriques (pour réchauffer ou faire mon café par exemple)
- j'appuie sur le bouton du réveil pour l'éteindre lorsqu'il sonne le samedi matin (et aussi quand je fais une sieste avant Min'ha)
- même si cela, vous vous en doutez, me déplaît fortement, j'admets qu'il y ait des situations professionnelles (surtout vu mon jeune âge et le fait que je débute dans la vie active) où je sois obligé, sous peine de ne pas être embauché ou de perdre mon emploi, d'accepter de violer le shabbath. J'essaie évidemment de réduire le plus possible ces situations, et même lorsqu'elles surviennent, je pratique au plus possible (exemple, il y a quelques mois j'ai travaillé une nuit du vendredi au samedi, eh bien je suis allé à la synagogue le vendredi soir, ai fait la première et la deuxième séouda avec Kiddoush, Motsi et Birkat).

"Malgré mes critiques vis à vis des libéraux, je pense que dire qu'il n'y a rien de commun est largement exagéré."

Je suis sincèrement très heureux de lire cela.

Shalom rav

Rav Elie Kahn z''l
Vendredi 4 novembre 2005 - 23:00

Chalom,

Je comprends mieux maintenant pourquoi vous vous faites appeler libéral. C'est que votre compréhension de la Halakha est bien différente de la miene, et quand vous dites que vous respectez la Halakha, vous n'entendez pas par cette phrase ce que j'entends.
Mais malgré toutes les critiques que j'ai envers les théories que vous exposez (je ne connais de lois d'exception qu'en cas de danger de mort, une partie des interprétations rabbiniques est d'origine sinaïtique, un restaurant qui n'est pas surveillé peut même s'il est végétarien servir des plats qui ne sont pas cachers, et votre application des lois de Chabat est aux yeux de la Halakha telle que je la conçois plus que problématique), je persiste à dire qu'il est exagéré d'affirmer que nous n'avons rien de commun.

Votre message me conforte aussi dans la non reconnaissance des conversions libérales, dans la mesure où une conversion n'est valable que si la personne qui se convertit accepte toutes les clauses de la Halakha, ce qui ne semble pas être votre cas.

NathanninNathan
Samedi 5 novembre 2005 - 23:00

Shalom, Rav,

comment se fait-il qu'il y ait une telle foison de "variantes" du judaïsme, dit rabbinique (bien que certains ne reconnaissent qu'une autorité relative aux Haza"l, ainsi qu'on l'a fait remarquer dans 26548), aux Etats Unis et non en Europe (du moins en France)

Que sont les conservatives, les reconstructionnistes, les modern orthodoxes etc. aux yeux du judaïsme (orthodoxe) européen ?

Shavoua Tov

Rav Elie Kahn z''l
Mardi 22 novembre 2005 - 23:00

Chalom,

Je ne crois pas que nous ayons le temps de traiter d'une si vaste question en détail sur le site comme elle aurait mérité de l'être, mais essayons.
Il y a toujours eu au sein du Peuple Juif différentes approches de la Tora en général et de la Halakha en particulier. Certaines positions furent, malgré leurs différences considérées comme légitimes (par exemple Beth Chamaï et Beth Hillel) alors que d'autres ne le furent pas (par exemple les Saduccéens).
Les critères de légitimité sont assez difficiles à définir.
Le foisonnement de différents courants n'a donc rien de nouveau, pas plus que le fait que la légitimité de certains d'entre eux soit elle aussi, comme ce le fut par le passé, sujette à polémique.

Si vous voulez savoir ce que pense chacun des courants que vous citez, le mieux serait quand même de leur rendre visite sur la toile.
Cheela quant à lui se situe dans la mouvance orthodoxe... ce qui n'empêche pas d'avoir l'esprit ouvert.

NathanninNathan
Dimanche 27 novembre 2005 - 23:00

Shalom, Rav

suite à 26662, j'ai un peu cherché, et j'avoue être perplexe en ce qui concerne les Conservative (Massortim) : d'un côté, je lis "entre réformé et orthodoxe, mais les conversions massortites ne sont pas considérées comme valables", de l'autre, le rabbin fondateur du courant ne s'était pas détaché du judaïsme orthodoxe, ensuite Haïm Potok (z"l) qui a écrit de très beaux livres sur les Juifs "Orthodoxes modernes" était un rabbin Massorti, et enfin "on trouve toute les tendances chez les orthodoxes modernes, certains flirtant avec le libéralisme, d'autres avec l'orthopraxie la plus rigoureuse"

Bref, quelle est la différence entre "Massorti" et "Orthodoxe moderne"?

Shavoua Tov

Rav Elie Kahn z''l
Lundi 5 décembre 2005 - 23:00

Chalom,

Je ne peux parler qu'en mon nom propre et ne suis représentant d'aucun mouvement, orthodoxe moderne ou pas.
Disons que les préoccupations sont parfois les mêmes, mais que les solutions qui y sont apportées sont différentes.
L'orthodoxie, qu'elle soit appelée moderne ou pas, ne changera aucun principe de base de la Tora, qu'il s'agisse de loi écrit ou orale. Si la Halakha doit être adaptée ci ou là, elle ne le sera que selon les critères que j'ai brièvement évoqués, me semble-t-il dans une réponse intitulée, "la loi peut elle évoluer?" (sur le site et dans mon livre).
Il nous arrivera de dire qu'il nous semble qu'il serait juste d'adapter la Halakha ici ou là, mais que nous ne pouvons pas le faire en l'absence des institutions nécessaires légalement pour le faire (le Sanhédrin en l'occurence, veuillez consulter une autre réponse que j'ai écrite sur le site et dans mon livre à ce sujet).
Il me semble en avoir donné un exemple en écrivant sur le site une réponse concernant l'invalidation des témoignages féminins.
J'espère que cette réponse plus que succinte vous apportera un élément de réponse.

chana21
Dimanche 8 janvier 2006 - 23:00

bonsoir,
je vous ecris car je cherche un soutien.
Je vous explique, je m'appelle shana et je me suis convertie avec le mouvement libéral ( ne sachant pas que cela n'était pas reconnu). Ayant appris cela par la suite, je souhaite donc obtenir la reconnaissance du consistoire. Car pour moi, il s'agit d'une reconnaissance. Ce n'est pas parce que je suis passé par le mouvement libéral que je suis juive libéral, au contraire je cherche à me rapprocher du mouvement loubavitch.
je viens de lire le message numéro 26548, je suis outrée par ce que j'ai lu. Lorsque l'on est ou l'on devient juif, il faut respecter la Halakha et ne pas l'adapter à sa convenance.
J'ai beaucoup de peine, car je me sens rejetée par les juifs lorsqu'ils apprennent que je suis passée par le mouvement libéral. Ils pensent que ce sont tous les mêmes, qu'ils font n'importe quoi. Seulement moi, je ne suis pas à mettre dans "le même sac" que les autres. En effet, je suis shomeret shabbat, réellement... ( pas comme la réponse numéro 26548), je ne voyage donc pas le shabbat, respecte les 39 travaux interdits. Je ne mange pas dans les restaurants pas cacher pour la simple et unique raison qu'ils ne sont pas cacher car ne possède pas la plaque du beth din.
Je ne porte que des tenues tsnioutes. Je respecte la Halakha et comme je suis consciente que la thora est une veritable source de richesse, je prends des cours de Hassidout, Dinim, loi juive et Tanya.
Enfin je prenais car hier je me suis fait "gentillement" dire que je ne pouvais plus assister au cours car étant juive issue d'un mouvement libéral, donc à leur yeux une goy.
j'ai et j'ai eu beaucoup de peine, que l'on me considère comme telle.
je trouve cela honteux que l'on me refuse le droit d'apprendre. Je "veux bien" qu'en France l'on n'encourage pas les conversions mais aller jusqu'à me refuser le droit d'apprendre...
Moi je me considère comme étant juive, je suis comme même passée devant un Beth Din, libéral, mais un Beth Din quand même avec 3 rabbins ( qui ont été à la "même"yéchiva que vous, non!). Ceux ci ont vu que ma démarche était sincère et que je voulais réellement devenir juive. Peût être que les connaissances attendues chez les libéraux étaient moindre qu'ailleurs mais la motivation attendue est la même pour les libéraux ou les loubavitch. Il y a au moins un point commun entre ceux-ci: la motivation du candidat. Les deux veulent que le candidat soit sincère dans sa démarche, qu'au fond de son coeur il sache que seul Hachem a crée le monde et qu'il l'aime, le craigne et est sur terre pour étudier la Thora et respecter les mitsvots. N'est-ce pas là le "principal"?
Voilà moi je suis juive et j'aimerais que l'on ne me juge pas de façon attive et obtenir la reconnaissance du consistoire et ne pas reprendre à "zéro".

Rav Elie Kahn z''l
Samedi 14 janvier 2006 - 23:00

Chalom,

Prenez contact avec le Rav Malka du Beth Din de Paris. Je pense que si vous êtes effectivement aussi sérieuse au niveau de la Halakha que vous l'écrivez, et que vous pouvez le prouver sur une période assez longue, il sera compréhensif et fera une conversion orthodoxe reconnue dans des brefs délais.
Je comprends tout à fait votre douleur, voire votre colère, mais reconnaître une conversion libérale est plus que problématique.
En cherchant bien grâce qu moteur, vous trouverez au moins ne réponse que j'ai écrite à ce sujet sur le site.