Conversation 41809 - Conversions libérales ou « massorties »

Bondy007
Lundi 28 avril 2008 - 23:00

Shalom,

Il y a de ça deux ans, j'avais réagi à une réponse du Rav Elkouby (à la question 29504) où il expliquait qu'un prosélyte converti dans un mouvement libéral ou massorti était (je cite) "un goy à 100 %".

Le Rav Elkouby n'avait jamais répondu à ma remarque et ma question a apparemment disparu (et apparemment le Rav Elkouby ne fait plus partie de cheela ? je ne vois pas son nom dans la liste).

Quoiqu'il en soit, je réagis à nouveau :
il est fort choquant de lire cette affirmation sous la plume d'un Rav. Tous les individus ont un parcours qui leur est propre, qui ne saurait être réduit à une affaire de paperasses (car c'est bien de cela qu'il s'agit). Je connais un prosélyte que le Grand Rabbin de sa région lui-même avait, en réponse à sa première lettre et sans même le recevoir, dirigé vers les Massortis (quelle hypocrisie ensuite de ne pas reconnaître sa conversion !). J'en connais une autre qui a écrit je ne sais combien de lettres sans jamais recevoir de réponses. Que vous ne reconnaissiez pas certaines conversions qui sont pourtant (pour la plupart) conformes à la Halakha, c'est déjà malheureux. Mais qu'en plus vous rejetiez certains guerim tzadikim en les considérant comme non-Juifs, en allant jusqu'à leur refuser un enterrement juif (la seule chose où ils ne sont plus là pour se défendre...), je trouve ça inacceptable, tellement anti-juif. Je crois que vous ne vous rendez pas compte que l'immense majorité des prosélytes non-orthodoxes sont des gens fortement imprégnés de judaïsme, de mitsvot, qui ont souvent fait d'énormes efforts pour arriver où ils en sont, et qui souhaitent progresser encore et encore. Bien sûr, il y a des brebis galeuses. Bien sûr, il y a des gens qui se convertissent et qui lâchent tout après (mais cela arrive aussi parmi les prosélytes consistoriaux !), bien sûr, il y a quelques mouvements ultra-libéraux aux Etats-Unis qui, par exemple, ne requièrent pas la circoncision ou convertissent en un week-end. Mais pour quelques cas minoritaires, vous mettez tout le monde dans le même sac ?! Dans l'ensemble, les programmes de conversion non-orthodoxes, en France en tout cas, sont sérieux.

Bref, j'arrête mon roman, mais j'aimerais que les rabbins orthodoxes que vous êtes fassiez preuve d'un peu plus de bienveillance. Seul D. sonde les reins et les coeurs, seul D. est à même de juger de la sincérité d'un individu.

Jacques Kohn z''l
Mardi 29 avril 2008 - 12:48

Sans vouloir poursuivre la polémique acrimonieuse que vous avez engagée à propos des conversions auxquelles procèdent les rabbins non orthodoxes, j’insisterai sur certaines des conséquences pratiques qui résultent des différences entre les divers courants au sein du judaïsme :

1. Le judaïsme orthodoxe ne tient pas pour valables au regard de la loi juive les conversions auxquelles procèdent les rabbins libéraux et « massortis », alors que la réciproque n’est pas vraie : Les rabbins libéraux et « massortis » ne rejettent pas les conversions qui ont été réalisées sous l’autorité des rabbins orthodoxes.

2. Les conversions auxquelles procèdent les rabbins libéraux et « massortis » sont le plus généralement empreintes d’un laxisme qui décourage les candidats les plus exigeants dans leur recherche d’une identité juive authentique.

3. Il arrive fréquemment que des personnes qui ont été converties par des rabbins libéraux ou « massortis » évoluent dans le sens d’une plus grande rigueur dans leur adhésion au judaïsme, et il n’est pas rare qu’elles se sentent alors obligées d’entreprendre une nouvelle démarche en vue d’une conversion qui convienne véritablement à leurs exigences spirituelles.

Ces remarques, qui échappent à toute considération d’ordre théologique, idéologique ou doctrinal, expliquent au moins partiellement l’attitude de certains rabbins orthodoxes lorsqu’ils réprouvent les conversions opérées dans un autre bord que le leur.

Bondy007
Samedi 3 mai 2008 - 23:00

(41809 suite)

Shalom M. Kohn,

Il ne me semble pas que j'ai polémiqué de façon acrimonieuse. J'essayais de vous expliquer combien choquante est l'affirmation qu'un prosélyte (d'un mouvement non-orthodoxe) est un "goy à 100 %". Combien choquante elle est dans l'absolu, mais surtout combien violente, vexante, dégradante, pour une personne appartenant à cette catégorie qui la lit sous la plume d'un rabbin...
Qui est polémique : le rabbin libéral ou massorti qui, comme vous l'avez rappelé, reconnaît les conversions orthodoxes ou le rabbin orthodoxe qui non seulement ne reconnaît pas les conversions non-orthodoxes mais en plus traite de non-Juif un Juif (ou disons, pour aller dans votre sens, un individu qui se définit lui-même comme juif et se sent profondément juif) sous prétexte qu'il n'a pas le bon papier ?

Je ne sais pas ce que vous entendez par "laxiste". Voici le programme de conversion du MJLF, un des principaux mouvements libéraux français :
- 18 mois de cours de judaïsme hebdomadaires et d'apprentissage de l'hébreu
- assistance régulière aux offices de shabbath et de fête
- entretiens formels avec le rabbin (un tous les trois mois environ)
- exposé oral d'une vingtaine de minutes devant le rabbin et les autres candidats à la conversion, suivi de questions par le rabbin
- examen écrit d'une cinquantaine de questions, plus deux questions ouvertes à développer
- texte écrit à remettre au beth-din sur pourquoi la personne souhaite se convertir au judaïsme, ce que signifie être juif à ses yeux etc...
- beth-din oral devant trois rabbins
- naturellement, circoncision et mikvé

Il ne me semble pas que cela soit particulièrement laxiste...et contrairement à une idée reçue, tous les candidats qui envoient une demande de conversion ne sont pas convertis.

Mais si certains candidats sont plus exigeants, comme vous dites, encore faudrait-il que le rabbinat orthodoxe ne leur ferme pas la porte au nez (voir mon mail précédent).

Pourquoi y a-t-il, d'après vous, de plus en plus de candidats à la conversion qui passent par des mouvements non-orthodoxes ? C'est parce qu'il y a eu une radicalisation, une crispation du rabbinat orthodoxe sur la question de la conversion. Il y a une trentaine d'années, on demandait au Consistoire ce qu'on demande aujourd'hui dans les mouvements progressistes ; les conversions non-orthodoxes étaient alors très rares. Mais aujourd'hui, se convertir orthodoxe est devenu d'une telle difficulté, d'une telle dureté que la plupart préfèrent passer par un canal qui leur apportera plus de sérénité.

Jacques Kohn z''l
Dimanche 4 mai 2008 - 12:48

Je me contenterai de vous suggérer, pour « nourrir » votre réflexion à ce sujet, de lire un ouvrage intitulé LE BERCEAU DE BAMBOU, par Abraham SCHWARTZBAUM (Editions MAROME – 1990).

Ce livre, qui relate une histoire réelle, a été écrit par celui qui en a été le personnage principal.

Abraham SCHWARTZBAUM et sa femme, un couple d’universitaires juifs américains, ont passé plusieurs années à Taïwan, pays dans lequel ils ont recueilli et adopté une fillette chinoise, abandonnée comme bébé sur le quai d’une gare.

Alors très éloignés de la tradition juive, ils ont néanmoins voulu convertir l’enfant. Abraham SCHWARTZBAUM raconte dans son livre sa première rencontre avec un rabbin, d’obédience libérale.

« C'est tout à fait stupéfiant, dit-il, je me suis toujours intéressé à l'histoire de la Chine […] Concernant sa conversion, je peux vous préparer immédiatement les formulaires de conversion. »

Barbara, la femme du Pr. Schwarzbaum, se montra déconcertée : « Le processus de conversion n'inclut-il pas le passage obligé par le miqwé (l'obligation de s'immerger dans un bain rituel est un des passages obligés de toute conversion) ? »

« Si cela est votre souhait, nous pouvons organiser cette cérémonie à la piscine du centre communautaire juif, répondit le rabbin. »

« Devons-nous comprendre que la conversion de notre fille est une simple affaire de formulaires que vous devez remplir ? »

« Absolument » répondit le rabbin avant de conclure cet entretien en leur demandant de fournir les noms respectifs de leur père, mère, grands-pères et grands-mères.

Déçus par la facilité qu’on leur proposait pour la conversion de leur enfant, Abraham et Barbara SCHWARTZBAUM se sont adressés à un rabbin « orthodoxe » qui l’a fait entrer comme il se doit dans le judaïsme, et la suite du livre nous fait assister aux conséquences que cette conversion a produites sur eux-mêmes, à savoir un retour progressif vers le judaïsme authentique.