Conversation 50314 - La jeune fille violée et la Tora
bonjour, Ma fille qui est en kita youd, etudie toushba, (tora be al pe) Sa mora, leur apprend d apres les cours bien sur, que la loi dit comme ca : Si un homme viole une jeune fille, il a le droit de la demander en mariage. Bein sur ces dires , ma fille de 15 ans a ete tres choquee dentendre cela et sest revoltee contre ts ces cours. Pouvez vous me dire si vraiment elle a bien compri?? Si oui pouvez vous m expliquez cette loi. Merci
Rambam/Maïmonide indique de la façon la plus explicite que « si la jeune fille violée ne veut pas épouser son agresseur, ou si son père ne veut pas la lui donner pour épouse, ils ont le droit de refuser le mariage » (Hilkhoth na‘ara bethoula 1, 3)
La sanction que prononce la Tora est destinée à protéger contre la honte la jeune fille violée et sa famille. Il va de soi, par conséquent, qu’elle ne peut pas se retourner contre celles-ci.
A signaler le commentaire suivant du Maharal (Gour Aryé sur Chemoth 19, 17) : « Lorsque le Saint béni soit-Il a donné la Tora à Israël, Il l’y a forcé (en le menaçant, s’il la refusait, de l’écraser sous la montagne). Les enfants d’Israël se sont ainsi trouvés dans la même situation que la jeune fille violée : “Elle sera sa femme, et il ne pourra jamais la renvoyer” (Devarim 22, 29). C’est ainsi que, d’une certaine manière, le Saint béni soit-Il les a “violés”, de sorte qu’ils seront Siens à tout jamais sans qu’Il puisse les renvoyer. »
Chalom !
A propos de la question 50314.
N'est-ce pas à l'agresseur d'avoir honte ?
J'ai l'impression que la Torah énonce des peines de mort pour bien moins que ça.
Un homme viole une fille et la seule sanction est qu'il a le droit de la demander en mariage ?
Cordial chalom !
1. La honte est celle de la jeune fille. C’est du remords que doit avoir l’agresseur.
2. L’agresseur a le devoir de demander la jeune fille en mariage, mais la jeune fille a le droit de repousser sa demande.
merci pour lesplication a ma question 50314, je la traduirai a mafille, en esperant qu elle comprenne mieux .
Je vous remercie de votre appréciation.
Chalom !
Suite à votre réponse à la question 50319. Heureusement la jeune fille peut refuser. Mais la question que je pose : existe t-il dans la Torah une sanction contre cet agresseur ? ( traduction devant le sanhédrin par exemple) ?
Il viole la jeune fille. Cette dernière refuse de se marier. L'affaire s'arrête t-elle là ?
Merci
Cordial Chalom
טב למיתב טן דו מלמיתב ארמלו (« Mieux vaut [pour une femme] d’être mariée que de rester veuve [ou célibataire] »).
Ce principe talmudique (Voir notamment Qiddouchin 7a), heurte certes la sensibilité des hommes du XXIè siècle, mais il explique le sort que réserve la Tora à la jeune fille violée.
L’obligation pour l’agresseur d’épouser celle-ci ne constitue évidemment pas une « prime » au viol.
Il ne peut être traduit en justice que si l’acte, contre lequel il a auparavant été mis en garde, a été observé par deux témoins, ce qui est peu envisageable en cette matière.
Il est tenu d’indemniser la jeune fille de son préjudice, ce qui inclut une réparation pécuniaire, et un dédommagement de sa honte, de son atteinte physique et de sa douleur.
C’est à la victime, et à elle seule, qu’il revient de dispenser son agresseur, si elle le souhaite, de l’obligation de la prendre pour épouse légitime, et de l’interdiction que lui fait la Tora de la répudier.
Bonjour,
Je voudrais reagir a la reponse de M. Jacques Kohn sur la jeune fille violee dans la Torah.
Une de mes meilleures amies s'est faite violer il y a quelques annees. Je peux vous assurer que sa vie a ete completement detruite. Elle est suivie par un psychologue et un psychiatre, sous anti-depresseurs, elle a peur de ne jamais reussir a avoir une relation stable avec un homme et panique a l`idee d'avoir un jour des relations sexuelles, elle est prise de crises d'angoisses soudaines, etc. A tous points de vue, l'homme qui a viole mon amie l'a tuee. Il l'a tuee psychiquement, meme si son corps continue de fonctionner.
Voila, alors je vous avoue que j`ai du mal a comprendre que la Torah recommande que la victime se marie avec son violeur. Ca revient a reactiver son traumatisme 24h sur 24! Et si la femme ne veut pas se marier avec son agresseur, si je comprends bien, il n'y a contre ce dernier que de simples sanctions pecuniaires ? Il doit juste "rembourser le degat" comme s'il avait embouti une voiture ?
A part ca, je trouve moralement dangereux le commentaire du maharal selon lequel Dieu aurait "viole" le peuple juif pour ne jamais pouvoir le repudier.. Elle suggere qu'un homme pourrait faire la meme chose a la femme qu'il aime - "cherie, je t'aime tellement que je te viole, comme cela nous serons toujours maries ensemble". On nous dit que nous devons imiter Dieu, essayons alors de ne pas trop dire de betises sur Lui...
Je souhaiterais obtenir svp d'autres reponses sur le sujet, par exemple de Nathalie Lowenberg (j`imagine que les femmes comprennent un peu mieux ce genre de choses) de Mickael Benadmon et d'Emmanuel Bloch. Merci!
Chalom,
En premier lieu, je tiens à vous assurer que j’ai été désolé de lire le récit du drame vécu par votre amie. J’espère qu’avec des soins appropriés et attentionnés elle retrouvera très bientôt son équilibre.
Votre question porte sur un sujet réellement complexe. Heureusement, Cheela est un site pluraliste, ce qui me permet d’exprimer des idées quelque peu différentes.
1. Le viol dans la Torah – situation de nos jours.
Je ne connais strictement aucun rabbin, d’aucun segment de l’orthodoxie, qui appliquerait aujourd’hui telle quelle la halakha offrant à une jeune fille violée la possibilité de se marier avec son agresseur. A ce que je peux voir, cette loi est de nos jours complètement tombée en désuétude.
Le viol est un crime, et parmi les plus odieux qui soient. Dès lors, la victime d’un viol ne devrait jamais devoir ressentir un sentiment de honte, pas plus d’ailleurs, à titre de comparaison, que la victime d’un cambriolage ou d’une fraude.
En cas de viol, il y a deux réactions à avoir : la première par rapport à la victime, et l’autre par rapport à son assaillant. La victime doit être aidée par tous les moyens possibles et imaginables, par exemple via un soutien médical et psychologique, par l’entourage chaleureux des parents et amis, etc. Le violeur doit quant à lui être remis aux autorités, jugé et puni pour son crime.
Il est intéressant de noter que ces deux aspects se développent de plus en plus au sein de l’orthodoxie :
- S’agissant du soutien aux victimes, je vous renvoie par exemple au site israélien de soutien aux femmes religieuses victimes d’abus sexuels : http://ccrw.1202.org.il/template/default.asp?siteId=8.
Ce site, comme son nom l’indique, vise un public de femmes religieuses. Il bénéficie de l’approbation de rabbins reconnus.
- S’agissant de la punition des violeurs, pour être tout à fait honnête, la situation n’est pas encore parfaite. Trop souvent, c’est la loi du silence qui est appliquée, on se tait par peur du scandale qui éclabousserait la communauté religieuse. Et les victimes ont trop souvent peur de parler. Mais cette situation a été battue en brèche, au cours des dernières années, par plusieurs déclarations d’autorités rabbiniques prestigieuses.
C’est ainsi par exemple que le grand décisionnaire des cercles ashkénazes - lithuaniens, le rav Elyachiv, a publié une techouva indiquant qu’un danger de viol est équivalent à un danger de mort (Pikoua’h Nefech), et permet de dénoncer le violeur aux autorités étatiques. Selon le rav Elyachiv, il s’agit de sauver une vie humaine, celle de la femme violée, qui est en danger, ainsi que de « réparer le monde » (Tikoun ‘Olam). Il faut toutefois qu’il y ait certitude du viol, et non de simples suspicions.
Aux Etats-Unis, des tribunaux rabbiniques spéciaux ont été constitués dans certaines villes, comme Los Angeles et Baltimore, pour examiner les plaintes d’abus sexuels. Voyez également la lettre ouverte des rabbins de Baltimore sur le site suivant :
http://www.theawarenesscenter.org/legal.html#Letter
Enfin, je suis d’accord avec vous que le commentaire du Maharal ne doit pas être compris de manière littérale. La Torah nous demande d’imiter Dieu dans une certaine mesure, mais certainement pas dans ce cas.
2. Pourquoi ne plus appliquer des versets de la Torah ?
Les versets de la Torah permettant à une femme violée d’épouser son agresseur (Devarim 22:28-29) concernaient une société bien différente de la notre. Dans le monde de l’époque, une femme violée risquait fort de ne jamais trouver à se marier. Ce faisant, elle courrait le risque de se retrouver dans une situation financière très précaire, pour ainsi dire dramatique, ce que la Torah voulait éviter. Il s’agissait donc de protéger la femme et de la réintégrer dans la société. Peut-être y avait-il également un facteur de prévention : il s`agissait de décourager les violeurs potentiels de sévir, sachant que leur acte les lierait pour toute la vie à une femme qu`ils n`avaient pas choisie comme épouse.
De nos jours, une femme peut heureusement être indépendante financièrement, elle ne dépend plus exclusivement, pour sa subsistance, de son père et de son mari. Le monde est heureusement devenu un meilleur endroit à vivre - les femmes n`ont plus besoin de se réduire à épouser un violeur pour assurer leur subsistance. En fait, l`épouser reviendrait à leur causer des dégâts psychologiques encore plus importants.
Voilà, il y aurait encore bien plus à dire, mais je voulais rester bref.