Conversation 12211 - Cheela attribue le prix Goncourowich 2004

Anonyme
Lundi 22 décembre 2003 - 23:00

Shalom MM les Rabbanims,

J'aimerais comprendre la position du judaïsme rapport à la littérature profane. J'ai cherché avec le moteur du site mais les rares questions/réponses ne me sont pas claires. Si plusieurs rabbanims voulaient bien me livrer leurs avis, cela m'aiderait beaucoup. En vous remerciant d'avance.

1° Chaïm Potok (qui a écrit "L'élu") est rabbin et certains d'entres-vous, je crois, ont fait des études littéraires. Je comprends donc mal les différentes réponses données à propos de la littérature. Car si l'on ne peut lire des oeuvres "impures et impudiques" à l'instar du fait de regarder la télévision, comment connaître un contenu avant de l'avoir lu? Est-ce que cela sous-entend que le judaïsme implique une certaine censure concernant les lectures profanes (toute la littérature)?

2° Pour exemples pris au hasard : l'on ne pourrait pas lire "Mme Bovary" (Flaubert) ou "Le Procès" (Kafka), Elias Canetti, Proust ? Que dire des "Liaisons dangereuses" de Laclos ?

3° Rav Zermati, vous avez écrit à un cheelanaute (1051):

"L'artiste tel Betsalel n'est qu'à, comme l'expliquent les kabbalistes et ceci je l'entendis de la bouche du vrai Mékoubal le Rav Ginsbourg, l'image de son créateur et en cela ne dit pas "bétsalel" mais bien plus "bétselem" , à l'image de son créateur; ainsi en un mot, toute création artistique doit entrer dans le cadre de la volonté Divine. Ceci n'est que le début de cette compréhension dans le cadre de ce site."

4° Pourriez-vous donner quelques références livresques pour comprendre mieux votre pensée sur la question (je suppose que cela existe).
5° Comment pourrais-je connaître Sa Volonté sur le point de vue de la création artistique? Je ne suis pas dans Ses visées, alors...

6° Puis-je penser que si le comportement de l'artiste est conforme à la Halacha dans sa vie, cela suffit parce que ses oeuvres seront imprégnées du mental de la personne respectueuse des mitsvoths? Ou quelque chose m'échappe?

Hag Sameah lé Hanoukah!

Rav Elyakim Simsovic
Mercredi 2 juin 2004 - 23:00

Je ne peux pas répondre à la place de rav Zermati.
Par ailleurs, je crois avoir déjà donné sur le sujet plusieurs réponses qui devraient suffire pour la plupart des sujets abordés dans la question.
Je voudrais donc m'en tenir ici à la question 6 pour répondre clairement et catégoriquement : non.
Le "mental", comme vous dites, n'a rien à voir dans ce sujet. Je m'explique : sauf pour les oeuvres mineures, ce n'est pas la conscience de l'artiste qui fait le chef-d'oeuvre mais une force intérieure, une "intuition" dont je ne suis pas en mesure de dire vraiment en quoi elle consiste (c'est aussi une des raisons pour lesquelles les vrais artistes parlent mal de leur art et s'en tiennent souvent à leur technique, ce qui est autre chose. Et quand ils parlent bien de leur art, ce qu'ils en disent est aussi mystérieux que l'art lui-même). L'intelligence, le talent, le savoir-faire interviendront ensuite pour la mise en oeuvre, mais ce sont seulement les instruments de l'habileté.

Je crains d'ailleurs beaucoup que sauf en de rares exceptions l'artiste soit, s'il y pense, plutôt endigué et comme "stérilisé" par la halakha. Dans ces cas-là, son art s'exprimera avec talent sur des sujets juifs, mais ce ne sera pas de l'art juif, de même qu'un penseur parlant de sujets liés au judaïsme n'est pas encore pour autant un penseur de pensée juive.
Dans cet ordre d'idée, je crois que Kafka ou Paul Celan sont bien plus "juifs" précisément parce qu'ils n'ont pas l'intention de l'être. Ce n'est que lorsque l'art atteint à l'universel qu'il est vraiment authentique. Mais universel ne signifie pas anonyme : l'universel lui-même à plusieurs visages.
L'artiste, comme le savant, doit suivre son chemin sans permettre à la halakha d'interférer avec sa créativité - tout en respectant les mitsvoth aussi scrupuleusement que quiconque.
Sera-t-il un artiste juif ou seulement un juif artiste ? C'est son art qui le dira.

Anonyme
Dimanche 18 janvier 2004 - 23:00

Très chers Rabbanim, puis-je vous soumettre mon impatience à une vieille question qui me tient à coeur? (12211 Cheela attribue le prix Goncourowich 2004 "). Avec tout mon respect et mes remerciements pour votre formidable travail. Presque un an que je vous lis chaque jour. Merci du coeur.

Rav Elyakim Simsovic
Dimanche 18 janvier 2004 - 23:00

Elle me tient à coeur aussi, tellement à coeur que je ne peux plus la lâcher ! Mais je vous promets que ça va venir.

Nati
Mercredi 5 mai 2004 - 23:00

Shalom Rav Simsovic, juste un petit sourire de rappel au cas où ma question serait finalement tombée dans un tiroir informatique. Je sais que vous êtes tous très occupés, pas de presse mais c'était une vraie question. La littérature profane est-elle censurable ou à évuter, autrement dit, le judaisme souhaite-t-il, ou ordonne-t-il d'éviter la culture (j'ai bien parlé de culture, et non du tapage médiatique qui se veut tel). merci encore à vous, je prie que Hasham veille sur vous et votre famille. Amen.

13048
Nati
1901 Très chers Rabbanim, puis-je vous soumettre mon impatience à une vieille question qui me tient à coeur? (12211 Cheela attribue le prix Goncourowich 2004 "). Avec tout mon respect et mes remerciements pour votre formidable travail. Presque un an que je vous lis chaque jour. Merci du coeur.

Rav Elyakim Simsovic Elle me tient à coeur aussi, tellement à coeur que je ne peux plus la lâcher ! Mais je vous promets que ça va venir.

Rav Elyakim Simsovic
Mercredi 5 mai 2004 - 23:00

Amen veAmen.

Je suis un peu triste parce que j'ai rédigé un début de réponse qui me satisfaisait assez et un incident de fonctionnement du site l'a effacé... J'ai essayé de reconstituer, mais c'est un peu comme raccommoder un vase brisé...

Rabbi Yéhouda Halévy a écrit des poèmes d'amour, rabbi Moshé Hayyim Luzzato a écrit des pièces de théâtre, le Talmud enseigne : "si on te dit qu'il y a de la sagesse chez les nations, crois-le" et Maïmonide écrit : "accepte la vérité de qui l'a dite, même s'il n'est pas Juif".
Pour être membre du Sanhédrin il fallait maîtriser une langue étrangère, c'est-à-dire être capable de se relier à une civilisation et à sa culture de sorte qu'elle soit en quelque sorte "représentée" à la plus haue assemblée législative d'Israël (mon père alav hashalom disait: "on est autant de fois homme qu'on parle de langue").
Les auteurs du Midrach (qui sont les rabbins du Talmud) connaissaient les fables d'Esope et les utilisaient. Une étude récente sur les bibliothèques juives en Italie au temps de l'Inquisition y prouve, à partir des inventaires établis ou recueillis pas les déléqgués des Inquisiteurs, la présence de nombreux ouvrages "classiques", romans et autres.
Judah Abravanel, connu sous le nom de Léon l'Hébreu, fils du célèbre Isaac Abravanel est l'auteur justement fameux des Dialoghi d'Amore.

Tout cela pour établir, non pas la réponse, mais l'atmosphère générale de la mentalité hébraïque traditionnelle préalable à l'analyse de la question.

A partir de là, la question qui se pose est la suivante : dans quelle mesure et de quelle façon est-il légitime de consacrer du temps à la culture ? Ou pour le dire autrement, le temps consacré à "se cultiver" est-il du temps perdu ? Appartient-il à ce qu'on désigne habituellement pas "bitoul zmane" ou "bitoul Thora" ?

Il s'ensuit que la réponse sans équivoque serait que ce qu'on appelle la "culture de loisir", ce culte épicurien de la noble oisiveté ne pourrait être que radicalement condamné. Car la culture de loisir n'est rien d'autre que ce que Pascal appelait la "distraction", c'est-à-dire la tentative désespérée de l'homme d'échapper à l'ennui. Quel homme ? Celui qui se révèle incapable de donner un sens à la durée de sa présence sur terre et qui ne peut que chercher à "passer le temps" ou pire à "tuer le temps", le crime spirituellement et moralement le plus abominable qu'on puisse commettre contre soi-même.

Bitoul zmane ou bitoul Thora, c'est prétendre aménager dans l'espace-temps de notre monde un "non-lieu" de Thora, vider ce point-là du monde de toute signification, nier que la durée ait un sens dans l'histoire de notre vie, c'est faire de la vie une insouciante agonie.

Musique, littérature, arts plastiques, toutes ces choses qu'on déguste et qui nous font oublier les difficultés du monde réel ou qui nous font vivre ces difficultés comme par procuration,
les arts et lettres qui ne nous rendent pas meilleurs mais seulement plus vieux ou plus savants, qui remplacent la préoccupation éthique par la préoccupation esthétique, ne sauraient trouver justification aux yeux de notre tradition.

Mais la culture se réduit-elle à cela ?

J'ai seulement voulu indiquer ici quelques-uns des attendus de la problématique que votre question soulève. Vous comprendrez peut-être pourquoi la réponse tarde un peu à venir. Et peut-être, peut-être, accepterez-vous même de voir dans ces quelques lignes un début sinon de réponse du moins d'orientation et percevrez-vous ceci que c'est précisément à cause de la très haute idée que nous avons de la culture que nous ne pouvons pas accepter de donner ce nom à n'importe quoi.

lyora1
Mercredi 5 mai 2004 - 23:00

13048
suite a cette question, je me lance moi meme..
mes parents etant tres cultives, ayant grandie ds les livres, la musique, l art... j ai beaucoup de mal, aujourd hui, alors que j ai fait techouva, a me detacher de tout cela. Vous me direz que justement la thora est censee m avoir ouvert les yeux sur les vanites de ces choses, mais chez moi ca ne marche pas comme ca. Je continue a voir ds la culture, non pas quelque chose de "magnifique", mais tout simplemet qq chose qui me procure du plaisir, et qui enrichie ma thora (il me semble). d ailleurs j ai toujours eu beaucoup de mal a entendre certains rabbanims en erets israel, (genre rav ***, vs pouvez effacer le nom sur le cite, c etait juste pr vs donner une idee), qui denigrent la culture en general, alors que leur discours s adresse a des gens, si je peux me permettre, qui n y connaissent strictement rien de rien.
bref ma question est: comment concilier les deux? ou bihlal peut on concilier les deux"? le pire, c est la musique... j ai l impression que je serai malheureuse si je devais arreter d en ecouter (je ne parle evidemment pas de la musique hassidique ;-)). Que faire?

Rav Elyakim Simsovic
Jeudi 6 mai 2004 - 23:00

J'espère que ce que j'ai écrit jusqu'à présent en avant-propos à la réponse à venir vous permet de pressentir qu'il ne saurait y avoir une condamnation univoque et sans appel de la culture en tant qu'elle est une expression authentique de l'âme humaine, de quelque horizon qu'on vienne.
Mais en même temps, il ne saurait y avoir une légitimation univoque de toute production humaine sous le fallacieux prétexte de la culture.
Rien ne s'oppose à ce que vous continuiez à écouter de la belle musique, peut-être pas n'importe laquelle.

Nati
Mercredi 19 mai 2004 - 23:00

Cher rav Simsovic, merci de votre réponse à la question de la culture (15932 Cheela attribue le prix Goncourowich)

vous écrivez : "peut-être, accepterez-vous même de voir dans ces quelques lignes un début sinon de réponse du moins d'orientation et percevrez-vous ceci que c'est précisément à cause de la très haute idée que nous avons de la culture que nous ne pouvons pas accepter de donner ce nom à n'importe quoi."

oui , c'est bien dans ce sens-là que je vous ai partagé mes interrogations. Je suis moi-même artiste, donc je me pose cette question tous les jours et me sens très concernée.

Je comprends très bien que tout jugement en la matière relève d'un fil d'équilibriste et ne pourrait être manichéenne. Alors je précise plus trivialement : est-ce qu'il pourrait arriver qu'un rabbin déconseille et condamne la lecture d'un écrivain profane sous prétexte que ce n'est pas de la Torah? ou la lecture d'un artiste appartenant à une autre religion ? Par exemple, pour que l'on se comprenne bien, des écrivains "religieux" même non monothéiste comme les contes hindouistes et chinois, orientaux, ou les Pensées de Pascal justement! ou les philosophes Grecs, ou "les contes des mille et une nuits". Ou encore proprement littéraire comme Shakespeare, Dostoievski, Rilke, Paul Auster, ect...

Merci infiniment!

Rav Elyakim Simsovic
Vendredi 21 mai 2004 - 23:00

Vous demandez : "est-ce qu'il pourrait arriver qu'un rabbin déconseille et condamne la lecture d'un écrivain profane... "
Oui, bien sûr cela pourrait arriver et c'est même certainement arrivé. Ce même rabbin déconseillerait pour ne pas dire interdirait assez probablement la lecture des écrits de tel autre rabbin jugé trop ceci ou pas assez cela.

Le problème qui se pose à mon sens est en réalité le suivant : est-ce que je me fabrique de bric et de broc et alors ma judéité n'est qu'une composante de mon identité parmi d'autres, ou bien est-ce en Juif que je lis ces auteurs, Juifs ou non, croyants ou athées...

Vous comprenez qu'on ne saurait mettre sur le même plan ce que la Thora nous propose pour l'aventure de l'homme en ce monde - c'est-à-dire sur le sens de sa destinée, et ce que peut en dire un homme en quête désespérée du sens de sa présence ou qui aurait trouvé ce sens ailleurs et nous parlerait de son expérience.

Il s'agit donc de former d'abord une identité forte et consciente d'elle-même et celle-ci pourra alors aller à la rencontre d'autrui, car en vérité, on ne peut dialoguer avec personne si on n'est pas d'abord soi-même.

Nati
Samedi 22 mai 2004 - 23:00

Merci beaucoup Rav Simsovic pour vos réponses. (à propos de 16368)

Puis-je comprendre que si mon identité Juive est forte et très proche de la Torah, je pourrais me permettre de tout lire, y compris le Coran et les Evangiles, par pur intérêt intellectuel, précisément parce que je sais où se situe la Torah dans ce Babel?

Prenez grand soin de vous tous, chers rabbanim!

Rav Elyakim Simsovic
Samedi 29 mai 2004 - 23:00

Je ne sais pas si un tel intérêt intellectuel peut être qualifié de "pur".
Il existe une interdiction de la Thora de s'intéresser aux cultes étrangers.
En même temps, il y a obligation pour les membres du Sanhédrin (et donc pour les étudiants) de connaître le détail des cultes idolâtres.
S'il y a donc, je dirais, utilité ou nécessité pédagogique, c'est une chose, si c'est de la curiosité intellectuelle, c'en est une autre.
Autre manière de le dire :
Il y a ce que je dois connaître parce que cela m'enrichit.
Il y a ce que je dois connaître pour savoir comment m'en préserver.

NathanninNathan
Dimanche 23 mai 2004 - 23:00

Suite à 13048 (mais en fait par rapport au bitoul latorah)
Un roubayat d'Omar Khayam dit:"...Lire tous les livres.Et après?..."
D'autre part, même si nous vivons à l'aune de nos mérites, je connais un Rav (Que D' le préserve) qui ayant subi une intervention cardiaque, ne vivra sans doute pas jusqu'à 120 ans.
Ma question est donc la suivante : si la musique nous permet d'aiguiser nos facultés de réflexion par la détente, si la peinture évoque en nous des images qui nous conduiront à de nouveaux raisonnements, en quoi est-ce bitoul latorah, puisque même l'étudiant le plus chevronné ne peut pas passer TOUT son temps à lire (et que par ailleurs, comme il n'étudie que ça, son raisonnement, même moins contaminé par des idées épicurisantes,sera aussi moins riche)?

Une autre question : pourquoi,dès qu'untel archéologue/professeur/historien envisage de développer un sujet sur un personnage biblique,se sent-on obligé de le faire en contredisant la Torah?

Rav Elyakim Simsovic
Samedi 29 mai 2004 - 23:00

Pas d'objection, en vérité. Je pense avoir été assez clair à ce sujet. J'avoue être moyennement attiré par l'idée que les pensées épicurisantes nous enrichissent. Par contre, je suis sûr qu'on ne peut pas lutter contre quelque chose qu'on ignore et qu'on ne peut pas réparer quelque chose qui nous est étranger.

Quant à la question des questions, c'est sans doute parce qu'il est plus facile de détruire que de bâtir et que certains croient trouver des lettres de noblesse à contribuer au "désaliènement" des masses en les aliénant à autre chose que leur tradition et leur identité. Ils sont à mon avis fort à plaindre.

sams
Lundi 24 mai 2004 - 23:00

au sujet de la reponse à la question 16368:

1) Peut on deduire de votre reponse que l'apprentissage des langues etrangeres n'est pas considérée comme une distraction ?

2) Un livre comme "les fourmis" de Bernard Weber correspond t-il ,dans le prinicpe ,à l'effort que nous devons fournir devant une science profane et en quelques sortes à un regard juif sur les choses?
cad trouver une interpretation sociologique ou philosophique à l'observation de la nature.
ou autre exemple:J'apprends dans le kodech qu'à la fin de la création Dieu dit :Dai ;j'apprends en medecine qu'à la fin d'une grossesse ,il y a un phenomene etrange qui fait stopper l'evolution du foetus.
Je fais le parallele et je suis content??

Il s'agit de 2 exemples portant sur un registre different ,mais je les pose dans l'espoir d'eclaircir ma perception des choses.

merciii

Rav Elyakim Simsovic
Samedi 29 mai 2004 - 23:00

1) Ce n'est sans doute pas tant la matière que celui qui l'étudie qui est en cause. On peut même étudier la Thora comme si c'était une distraction.

2) Je ne connais pas les Fourmis de Bernard Weber, (N'est-ce pas Werber, d'ailleurs ?)
Je relève par contre cette phrase dans l'Encyclopédie du savoir absolu et relatif :
"Dieu, par définition, est omniprésent et omnipotent. S'il existe, il est donc partout et peut tout faire. Mais s'il peut tout faire, est-il aussi capable de générer un monde d'où il est absent et où il ne peut rien faire?" qui est un "remake" de l'un des plus anciens sophismes qui soient. Si Dieu ne peut pas se suicider c'est qu'il n'est pas tout-puissant et s'il peut se suicider il n'est pas l'être absolu qui n'est pas susceptible de non-être. Rien de bien Juif dans tous cela, et rien de bien nouveau. Les Fourmis sont-elles plus intéressantes ?

Il ne s'agit pas de trouver une explication à l'observation de la nature. Pour simplifier, il s'agit d'explorer le monde de l'être avec en tête l'idée que c'est le même Dieu qui crée le monde du déterminisme naturel et de la liberté humaine. Et par conséquent, au-delà de la fracture dualiste de cette opposition irréductible, il y a un principe fondamental d'unité et que c'est la réalisation de cette unité dans notre monde qui est la clé de notre humaine destinée.

En effet, l'idée qu'un processus doive cesser sous peine de se "dépasser" soi-même et, devenu envahissant, détruire le véhicule qui lui sert de substrat et se détruire soi-même du même coup. Autrement dit, l'idée d'une maturation, d'un terme, d'un achèvement qui ouvre sur une nouvelle dimension, d'un aboutissement qui n'est pas une fin mais un commencement qui n'est pas un recommencement cyclique et pessimiste mais une progression et que celle-ci n'est pas infinie au sens qu'on n'aboutit jamais, pessimisme d'un autre genre, mais que chaque aboutissement ouvre une ère nouvelle et promet à des succès nouveaux, sans cesse eux-mêmes dépassés, comme si chaque stade était embryonnaire à l'égard du suivant.
Autrement dit encore, on ne risque pas de s'ennuyer lorsque ce monde-ci aura cédé la place au Monde qui vient...
Ils iront, dit le Talmud, méhayil el hayil, de prouesse en prouesse...

Nati
Samedi 29 mai 2004 - 23:00

(16428) : Bonjour,

Merci pour votre réponse, tout devient très clair. Pour être certaine d'avoir bien compris, quand vous dites : "Il y a ce que je dois connaître parce que cela m'enrichit.Il y a ce que je dois connaître pour savoir comment m'en préserver."

En résumé cela implique d'équilibrer son temps d'étude et de réflexion, entre la Torah et les domaines d"études profanes. Un étudiant en fac doit passer du temps sur ses études, tout comme un artiste, écrivain, du temps sur ce qu'il fait, en incluant ou plutôt sans oublier ce regard Juif, où l'enseignement qu'apporte la Torah est au coeur et éclaire tout le reste, quand bien même on y passe plus de temps en pratique (létudiant par exemple ou la travailleur). Et c'est la pratique des mistvotes qui nous rappele sans cesse de ne pas nous oublier ou tomber dans l'arrogance de l'intellectualisation. C'est ça?

Merci encore, vos réponses sont vraiment précieuses. Shavouah tov

Rav Elyakim Simsovic
Jeudi 10 juin 2004 - 23:00

Dans l'ensemble, c'est cela...

NathanninNathan
Jeudi 3 juin 2004 - 23:00

Suite à votre réponse à 16486,Rav,
je ne conteste pas que le sieur Werber soit spécialiste ès sophismes douteux,mais dans cette même ESRA,la dernière fois que je l'ai lue sur Internet(ça date un peu),les articles qu'il rajoutait montrent que s'il critique aussi sinueusement la tradition, Bernard Werber reste très attaché au peuple juif,et je trouve qu'il mériterait donc une réponse à sa question:"Bien sûr qu'Il Peut,et Il l'a peut-être fait,ne dit-on pas qu'avant de Créer notre monde,D' en avait créé d'autres? Sans Sa Présence,un monde s'effondrerait sur lui-même au moment même de sa création,il n'aurait même pas le temps d'exister.Or nous existons.Donc c'est qu'Il Est là, car Il Sait ce que nous mettons une vie à comprendre,à savoir qu'un enfant,quel que soit son âge ne peut jamais se passer de son père"

Rav Elyakim Simsovic
Samedi 5 juin 2004 - 23:00

Non, ce genre de question ne mérite pas réponse parce que ce n'est pas une question mais tout au plus une boutade (effectivement douteuse) ou une prétension démesurée à se montrer plus intelligent que le plus sage des sages puisqu'on sait poser une question paradoxale. Nous n'avons pas pour habitude de polémiquer avec des vaniteux, même lorsqu'ils sont attachés à leur peuple, ce qui est très bien, certes, mais quand même un peu normal et il ne faut pas présenter cela comme un grand achievement.
Le fait que le contraire soit scandaleux ne fait pas de la normalité un héroïsme digne de tous les éloges.

Ylane
Dimanche 13 juin 2004 - 23:00

suite a 16592,
le tanya affirme clairement qu'il y a une interdiction d'etudier les sciences profanes pour le plaisir,il est seulement permi de faire des etudes si c'est dans le but de gagner de l'argent pour mieux servir Hashem.
De plus,Rabbi Nahman de breslev dans Sihot Haran insiste longuement sur le fait qu'etudier la philosophie est une trés grave avera.
Se cultiver,oui,mais pas dans nimporte quel but et surtout pas de philo :p

Rav Elyakim Simsovic
Dimanche 13 juin 2004 - 23:00

Et Maïmonide est bien entendu un criminel dangereux. De même que Juda Halévy, Hasday Crescas, Saadia Gaon, le Maharal de Prague, le rav Soloveitchik et bien sûr le Tanya et rabbi Nahman eux-mêmes car pour interdire il faut connaître sinon on ne sait pas ce qu'on interdit, ni pourquoi.
Quelqu'un a posé sur le site une question concernant les dangers du moussar : en voilà un exemple. C'est de finir par devenir ce qu'on appelle hassid choté que je ne peux traduire autrement que "pieux imbécile".
Les enseignements de nos sages doivent être pris au sérieux, étudiés et compris avec bon sens et intelligence.
Beli Neder, je reviendrais prochainement sur les passages incriminés du Tanya et des Sihot Haran. Et si j'oublie, je suis sûr qu'il se trouvera quelqu'un pour me le rappeler.

pinhas22
Samedi 3 septembre 2005 - 23:00

suite 17085

avez vous trouvez pour Le Tania, et SIhot HAran??

Rav Elyakim Simsovic
Jeudi 22 septembre 2005 - 23:00

En ce qui concerne Liqûté Moharan, en fait le terme "philosophie" n'y figure pas. Il se réfère au terme traditionnel de "hokhmot hitsoniyot" qu'on pourrait traduire par sciences ou sagesses externes. Il ne s'agit pas du tout des sciences dites profanes nécessaires au fonctionnement d'une société en fonction de chaque époque. Ou du moins, il ne s'agirait d'elles que dans la mesure où on voudrait les substituer à la Thora.
C'est par exemple ce qui fut tenté du vivant de rabbi Nahman en Russie lorsque l'enseignement juif fut confié par le gouvernement à des Juifs soit convertis au christianisme soit dévoués à la Haskala. Ils fondèrent des écoles où on enseignait toutes les matières profanes et aucune matière juive. Pour amener les parents à confier leurs enfants à ce système scolaire, ces derniers étaient dispensés du service militaire. En parallèle, les écoles traditionnelles furent fermées.
Il est bien évident que dans ce contexte, les notions de sciences profanes prennent un tout autre sens.
Le judaïsme ne fut jamais obscurantiste prohibant l'accès aux connaissances "modernes" de chaque époque. On cultivait les sciences comme les mathématiques, l'astronomie, la médecine bien sûr, et d'autres et des traités ont été publiés en hébreu sur ces sujets par de nombreux maîtres. La philosophie, c'est-à-dire surtout la logique et la métaphysique n'étaiet pas de reste ; mais toutes ces sciences étaient considérées comme les servantes, la maîtresse de maison était et reste toujours la Thora.
Alors il faut se garder de vaines et surtout fausses querelles.

danielhazaqen
Samedi 24 septembre 2005 - 23:00

suite a la question 25343 (et les autres du meme groupe...)
Kevod HaRav Simsovic !

Merci pour vos explications sur le sujet des sciences profanes. Si vous permettez j'aimerais y ajouter un enseignement de mon rav (que vous connaissez tres bien) :

Contrairement aux chretiens, nous ne partageons pas le monde en Qodesh (le saint) et Tame (l'impur) ; nous partageons le monde en trois phenomenes qui sont Qadosh, 'Hol (le profane) et Tame.
Il en resulte tout d'abord qu'il y a un domaine dans ce monde qui n'est ni saint ni impur. Le Qodesh renferme en lui de la lumiere divine, mais le 'Hol aussi, sauf que la lumiere du 'Hol est plus "cachee" et par consequent plus difficile a "extraire".

Mais rappelons nous que c'est Shir HaShirim (le cantique des cantiques) qui est appele Qodesh HaQodashim (le saint des saints), alors que ce livre du Thanakh est un melange de saint et de profane. Cela veut dire que le degre de saintete le plus eleve est justement l'union du saint avec le profane et non pas l'exclusion du profane, ou si on veut : la saintete la plus elevee consiste a elever le profane au niveau de saintete. De maniere plus generale, nous pouvons dire que toute chose qui n'est pas entierement impure peut etre sainte, profane ou impure selon les modalites, par exemple la viande d'animal est impure si elle n'est pas casher ou si elle sert de l'idolatrie, elle est profane si elle est casher en servant comme nourriture simple, elle est sainte si elle sert de sacrifice au Temple. Il en est de meme avec la nature, c'est-a-dire avec ce monde que D'ieu a cree pour Sa gloire. Nous sommes ici dans ce monde pour l'elever et non pas pour l'ignorer. Je pense qu'il ne s'agit pas du plus grand Qidush HaShem possible que de se renfermer dans un Beth Midrash et de n'en sortir jamais de sa vie. Il faut connaitre le monde que le Createur a cree avec une immense sagesse. On peut reconnaitre la sagesse divine presque partout ou on va (j'exclue les lieux impurs dans lesquels la lumiere divine est trop cachee pour que nous puissions la decouvrir). Ce qu'un scientifique juif croyant peut apporter au monde c'est la decouverture du Divin qui est dans le 'Hol ("Or Ganuz"), cela est un grand Qidush HaShem dont seulement des goyim tres exceptionnels sont capabales, comme par exemple le mathematicien et physicien anglais Isaac Newton qui s'est clairement distingue du christianisme et a commence a etudier les textes juifs, ce qui a d'ailleurs emmene ces contemporains a le disqualifier de "fou".

C'est la signification de l'enseigenement de 'Hazal : Un non-juif qui etudie la Thorah est comme le Kohen Gadol. Etant donne qu'il est interdit au non-juif d'etudier la Thorah, la Gemara explique qu'il s'agit de la "thorah" qui lui appartient, donc les sciences, la philosophie, l'art etc.
Pour finir je precise qu'il n'est certainement pas question d'attribuer a toutes les creations d'art ou a toute les oeuvres scientifiques et philosophiques le statut potentiel de saintete (comme la viande non casher ne pourra jamais s'elever au niveau de saintete), et il s'agit encore moins de remplacer ('has veshalom) la Thorah par le profane. Ce que je voulais dire est qu'il existe un domaine en dehors de la Thorah qui peut s'elever grace a la Thorah au niveau de saintete, chose que certaines tendances du Judaisme nient vehement.

L'element crucial dans cet elevement du 'Hol est l'intention de la personne qui s'y adonne : le but doit etre LeShem Shamayim c'est-a-dire pour connaitre le Createur et non pas pour ganger son pain ou pour recevoir des prix internationnaux. Si la connaissance de D'ieu est recherchee a la fois dans le Saint et dans le profane, alors c'est le degre le plus eleve de connaissance !! Mais il est, par contre, certain qu'on n'attribue pas a l'elevation du profane si on etudie la science seulement pour gagner son pain quotidien, cela n'est pas impure non plus, voyons bien, mais cela ne change tout simplement rien au statut de ce savoir : ce qui etait profane continue de l'etre, il n'y a pas de mal, mais le seul profit est l'argent.

Rav Elyakim Simsovic
Dimanche 25 septembre 2005 - 23:00

Merci pour ce complément auquel je n'ai bien sûr rien à redire.