Conversation 2681 - Impact de la Kabbale sur le judaisme nord-africain
Hanukah Sameah'
J'aimerais poser une question tres generale a Mr le Rabbin.
J'ai remarque que les rites et coutumes des communautes d'Afrique-du-Nord ont garde une certaine authenticite: dans le sens que ces coomunautes sont restees attachees a leur patrimoine et n'ont change leur rites que ponctuellement.
Voici ma question: comment se fait-il que ces meme communautes ont accepte a certaines periodes de changer leur rites ? je fais allusion surtout a l'influence de la Kabbale du ARI HAKADOSH au XVIeme et XVIIeme siecles. Pourquoi ont-elles accepte certains rites kabbalistiques et ne se sont pas contentees des rites authentiques dont elles etaient porteuses ? Pourquoi, des lors, ne pas avoir tout change selon la Kabbale ? Pourquoi faire une difference et prendre qu'une partie ? Selon quel critere ont-elles fait le trie entre quoi accepter et quoi repousser ? Je parle tant des rites des fetes, du shabbath que des formulations de la priere ou l'impact de la Kabbale est visible.
Je tiens a feliciter le Rav pour son facicule sur la Kabbale d'Afrique du Nord. Cela ne vient que renforcer ma question: pourquoi ce changement de rites et coutumes alors que la Kabbale avait toujours existe dans ces regions ? il n'y avait en fait rien de nouveau.
Desole de la longueur de la question et merci pour votre patience.
Je suis pret a recevoir toute reference textuelle.
Shelomo
Votre question est en attente depuis déjà assez longtemps et l'une des raisons probables en est qu'elle n'est pas vraiment claire.
TOUTES les communautés d'Israël, et pas seulement les Séfaradim, ont conservé l'authenticité de leurs rites et de leurs coutumes spécifiques et en particulier leur sidour téfila.
A partir du Ari zal, le monde est entré dans une phase nouvelle de son histoire (olam hatiqoun) et c'est la raison pour laquelle certaines mouvances du judaïsme (les Hassidim, par exemple) ont adopté/adapté certains des rites du Ari (place de Baroukh Chéamar dans les louanges du matin, "véyatzma'h pourqané viyqarèv méchi'hé" dans le qadiche, pour ne citer que cela.
Ces rites étaient d'ailleurs déjà ceux des Séfaradim auparavant.
De plus, il faut savoir que d'une manière générale, lorsqu'il y a désaccord entre les Qabbalistes et les Pachtanim dans la halakha, celle-ci est fixée selon les Pachtanim dans tous les cas sauf dans le cas de la prière où elle est fixée d'après les Qabbalistes dont c'est d'ailleurs le domaine de compétence privilégié.
Si vous nous disiez à quelles modifications vous faites plus spécialement référence, nous pourrons peut-être répondre à votre question de manière plus précise.
au rav simsovik,
je ne suis pas d'accord avec votre reponse a Chalom concernant Kabbale et priere en particulier pour les Sefaradim d'Afrique du nord. je tiens entre les mains 3 livres qui demontrent le contraire, un du Rav Zini et deux du Rav Zermati (une kabbale de verite et Ykreou beemet) ou il demontre et insiste sur le fait que l'on ne peut dire ce que vous enoncerz a savoir que la kabbale remporte sur les Pachtanim en matiere de priere.
Avez vous lu ces ouvrages? peut etre la difference tient du fait qu'ils sont tous deux oiginaires de ces paus et tous deux des eleves ou amis du Rabbin leon Askenazi qui bien que Kabbaliste n'a rien change de la priere de ses Ayeux, a priori sans Kabbale du Ari?
Qu'en pensz vous sans vous vexer?
Je ne suis pas vexé. Notre but à tous est de clarifier autant que possible tous les sujets, même ceux qui prêtent à controverse.
Une remarque, avant d'entrer dans le vif du sujet : il n'y a pas là matière à penser. Ou je sais, ou je ne sais pas. Si je ne sais pas, je dis : je ne sais pas. Il est vrai que je peux me tromper. Si je me suis trompé, je dois reconnaître que je me suis trompé.
Cela dit, puisque vous l'avez invité dans ce débat, mon maître le rav Askénazi (Manitou), zékher tsaddiq livrakha, devait avoir ses raisons lorsqu'il m'a personnellement confié, peu de temps avant sa mort, la tâche de mettre par écrit son enseignement (en hébreux) sur le Chaaré Ora de rabbi Yossef Giqatillia (1248-1325), un des grands maîtres de la Qabbala espagnole, livre tout entier consacré aux dimensions qabbalistes de la prière, (environ 150 heures de cours) travail que je poursuis depuis plusieurs années (entre autres travaux consacrés à l'édition de ses écrits en hébreu et en français et à la transcription de ses cours - pour mémoire : deux volumes dans la collection Ki Mitzion consacrés à la Paracha et aux Moadim et plusieurs brochures de la série Mayanot : Mythe et Midrash, Qohélet, la Qabbala aujourd'hui, Langage et Sainteté et d'autres en préparation, son commentaire en hébreu sur la première souggia de Bérakhot, intitulé Réshit Hatérouma, en phase finale d'édition... et le grand-oeuvre, l'enseignement sur les Toladot.)
D'ailleurs, ai-je jamais prétendu qu'on avait le droit de changer quoique ce soit à la prière de ses aïeux ? J'ai dit exactement le contraire, qu'on n'avait rien le droit de changer. Mais aussi que toute la téfila est fondée sur la Qabbala et que c'est déjà le cas du nossa'h séfarade avant même l'enseignement du Ari zal, de manière bien plus explicite que le sidour achkénaze (et encore faut-il, pour comprendre ce dernier, se référer à l'école de rabbi Yéhouda le Pieux et d'Eléazar de Worms au 13ème siècle).
Quant aux "positions" de rav Askénazi sur la question, voici un extrait d'un cours donné en 1987 à Jérusalem :
"Aucune des communautés juives, que ce soit dans le monde ashkénaze, dans le monde séfarade ou dans les autres rites, aucune des communautés n’a jamais construit le monde de sa prière autour des données des théologiens, mais toute la structure du monde de la prière est autour de l’enseignement des Qabbalistes."
Et aussi :
"Et là, il y a un moment très important qui montre d’autre part que cette période de la Qabbala séfaradite ne s’achève pas... Je veux dire que ces Qabbalistes (de l'école du Ari) eux-mêmes ne viennent pas se substituer à la période précédente, mais ils viennent en développement... Et là, le Ari a renouvelé, a ressuscité ce que j’ai appelé la Qabbala séfaradite."
Et dans le premier cous sur le Chaaré Ora : "l'essence de la Qabbala, c'est la science de la prière"
Il suffit de voir aussi, par exemple, les références au Zohar dans la psiqa du Beth Yossef.
Il y a aussi, significativement, cette réponse de rabbi Chnéour Zalman de Lyadi, le Baal Hatania : à quelqu'un qui lui demandait comment il fallait trancher dans une controverse entre les Posqim et les Méqoubalim, il a dit : d'après les Méqoubalim. Et comme on lui faisait observer que dans son Choulhane Aroukh il disait qu'i fallait aller selon les Posqim, il a dit : ça, c'est ce qu'écrivent les Posqim ; mais les Méqoubalim écrivent qu'il faut aller d'après les Méqoubalim, contre les Posqim (Shaar Hakollel, I, 1).
Le Hatam Soffer écrit au 18ème siècle : "et la halakha n'est pas comme le Zohar ... mais dans nos pays, le minhag fondé sur le Zohar déracine la halakha" (chéélot outéchouvot, Ora'h 'Hayyim 36).
Faut-il mentionner encore l'école des élèves de rabbi Chlomo ben Adéreth, le Rachba, disciple de Nahmanide, et parmi eux rabbi Yitz'haq Abouhab et rabbi Yossef ibn Tsaddiq ?
Ou le Récanati ?
Voilà quelques-unes de mes sources.
On peut aussi consulter avec profit le volumineux ouvrage du Pr Hallamish (en hébreu) HaQabbala batéfila, bahalakha ouvaminhag, éditions de l'Université Bar Ilan, Ramat Gan, 2000.
Mr le Rabbin
Je comprends que, malheureusement, le Rav Zermati a quitte le site, lui qui faisait parti des fondateurs.
Je vais essayer d'etre plus clair en ce qui concerne ma question 2681.
Comme le rapporte le Rav Zermati dans son facicule sur la Kabbale en Afrique-du-Nord, la kabbale etait belle et bien presente dans cette partie du monde tout en restant "cachee". Connaissant la position kabbalistique, eux meme ne se sont pas permis de changer le nosah de la tefila. Et cela, depuis le devoilement de la kabbale par le Ari Hakadosh ZAL jusqu'au XXeme siecle.
Cependant, ces dernieres decennies, nous voyons un mouvement qui se pretent vouloir changer le nosah de la tefila et de l'adapter a la kabbale. Je parle de changements comme l'ordre des tahanunim de lundi et jeudi, dire "hokhma bina vada'ath" au lieu de "de'a uvina vehaskel", certaines formulation differentes dans la ketoreth, etc...
J'ai du mal a comprendre comment peut-on venir et changer le nosah, alors que nos ailleux eux-meme etaient au courant de ces positions kabbalistiques mais n'osaient pas changer un yota de ce qu'ils avaient recu de leurs peres.
Je tiens a comprendre aussi de quoi parlez-vous quand vous dites que pour la tefila on va selon les opinions kabbalistiques. J'ai lu un livre qui rapportait les dires du Ari Hakadosh ZAL selon lesquels, chaque tribut avait une voie "vers hashem" pour faire ses prieres et donc qu'il fallait que chacun garde sa facon de prier vu que le moindre changement pouvait entrainer la deviation du chemin vers hashem.
Je tiens a rajouter qu'a mon humble avis, quelqu'un ne peut prier selon les ordonnances kabbalistiques que si cette meme personne "sait" de quoi il s'agit, sinon il vaut mieux rester dans le "nigleh".
Est-ce que j'ai mal compris ? ou peut-etre que je me trompe ? pouvez-vous m'eclaircir ?
Merci d'avance Mr le Rabbin
Je vous remercie des précisions que vous apportez à votre question.
Vous voudrez bien me dire si ce qui suit répond suffisamment à vos préoccupations.
Vous écrivez :
"Connaissant la position kabbalistique, eux meme ne se sont pas permis de changer le nosah de la tefila. Et cela, depuis le devoilement de la kabbale par le Ari Hakadosh ZAL jusqu'au XXeme siecle."
C'est que le nossa'h de la téfila chez les Séfaradim était depuis l'origine plus directement en harmonie avec l'enseignement plus tard dévoilé par le Ari. Tous ces mots sont maladroits car les rigidités positivistes de la langue française ne se prêtent pas volontiers à la finesse et aux nuances délicates de ce sujet.
"Cependant, ces dernieres decennies, nous voyons un mouvement qui se pretent vouloir changer le nosah de la tefila et de l'adapter a la kabbale."
Je ne sais pas à quel "mouvement" vous faites allusion "ces dernières décennies". Il n'est pas nécessaire d'adapter le nossa'h de la téfila séfarade à la Qabbala, il y adhère déjà de toute ses fibres.
Nul n'a aujourd'hui le droit d'apporter la moindre modification au texte ni à l'ordonnancement de la prière telle que nos pères nous l'ont léguée, chaque communauté selon son rite (1).
L'un des problèmes qui se pose est celui des communautés mélangées, où les proportions d'originaires de communautés diverses, tous attachés à leurs traditions, se trouvent à peu près à égalité (ce n'est pas un Tunisien de Djerba isolé dans une communauté de Meknès, ou un Polonais en Algérie). Il faut alors la décision d'un Hakham pour dire quelle prière sera faite selon quel rite.
La remarque du Ari zal à laquelle vous faites allusion ne concerne pas exactement le texte des prières (2) mais la "fenêtre" à travers laquelle elle passe...
Dans la liturgie de la prière, en plus des mots, il y a les kavanoth et yi'houdim qui ne concernent bien évidemment que les méqoubalim qui font la même prière que nous (c'est d'ailleurs plutôt nous qui faisons la même prière qu'eux) mais avec des directions d'intention qu'eux connaissent et ce n'est pas ici le lieu d'en dire plus. Il y a dans les intentions de prière des Méqoubbalim une préoccupation d'unification des mondes sous la souveraineté divine qui requiert une intensité spirituelle dont nous n'avons aucune idée (3).
Ainsi lorsque nous disons Baroukh Ata Hachem, nous le disons dans le nigleh, mais lorsque le Méqoubal dit les mêmes mots, chez lui c'est dans le nistar. Les mots ont le même sens général, mais dans une précision de détail quant à leur portée véritable qui échappe à l'entendement de qui n'a pas été initié à cette sagesse.
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(1) Cela ne remet certes pas en cause la tentative du Nossa'h A'hid du rav Goren zatzal qui cherchait à résoudre précisément la difficulté de la prière commune d'originaires de communautés différentes et il lui était apparu que le nossa'h "sfard" ou "'hassid" représentait une base naturelle à cette tentative étant donné qu'il était déjà en partie intermédiaire entre les deux grandes répartitions achkénaze et séfarade. Cela illustre simplement la complexité du problème.
(2) Chacune des tribus d'Israël - et aujourd'hui ce sont les 'édoth qui en quoi que ce soit remplissent cette fonction - est le véhicule ou le support qui assure la Présence divine dans le monde. Nous disons que cette Présence se manifeste à travers Son Nom. Chaque tribu est ainsi "responsable" de l'une des manifestations du Nom divin dans le monde. [A titre illustratif (léham'hiche) nous disons que ce Nom étant composé des trois lettres yod - hé - vav, le hé étant redoublé, le déploiement du Nom dans le monde peut être représenté par une permutation de ses lettres. Chaque lettre pouvant occuper une parmi quatre positions et deux de ces lettres étant identiques, nous obtenons douze permutations {tzéroufim}possibles, chacune d'elle étant assumée par l'une des tribus].
(3) On pourrait, dans le langage du niglé, formuler cela de la manière suivante :
L’histoire de la constitution du peuple d’Israël dans son unité pose deux problèmes : celui des tribus d’Israël et celui de la direction du peuple.
Chaque tribu a la vocation, à elle seule, d’un Israël à part entière. C’est là le sens du maintien et de l’institutionnalisation de la séparation en tribus, chacune d’elle étant l’une des manières de réaliser l’identité d’Israël, de la rendre réelle dans le monde. Mais comme telle, chaque tribu entre en rivalité avec toutes les autres, d’où le risque de voir ce qui devrait être enrichissement réciproque devenir concrètement facteur de division contrecarrant la vocation d’unité.
D’autre part, le choix d’un chef autour de qui l’unité pourrait se réaliser implique une hitbatlout, un effacement de soi devant l’identité qu’il présente et une soumission à l’autorité qu’il manifeste. La tâche du souverain est à la fois de réaliser, entre les tendances, un équilibre fait de tension pour empêcher qu’elles ne s’avalent les unes les autres et de réorienter ces tendances de telle sorte que, sans disparaître, elles acceptent et même désirent se fondre en un tout dont le souverain est l’expression.
Il existe donc un principe qui vise à l’épanouissement de toutes les virtualités de chaque manière d’être Israël distinguée des autres et que la crainte doit empêcher d’empiéter sur le domaine des autres. Et il existe un principe visant à la réalisation de l’unité et où l’amour doit conduire chacun à vouloir ce que l’autre veut. Ce qui revient à dire que la division en tribus relève de la nécessité de vivre en ce monde-ci alors que le principe de l’unité relève de la volonté de mener au monde qui vient.