Conversation 4034 - Religieux et politique en Israel

Anonyme
Dimanche 26 janvier 2003 - 23:00

Je sais que ma question est tres polemique mais bon je ne vise personne en particulier...
les religieux en israel s investissent de plus en plus dans la politique occupant de plus en plus de sieges a la knesset...
a priori cela est positif pour notre pays et cela permet de garder l identite juive de l etat d israel...
les elections sont demain et je vais vote surement pour un parti religieux mais je doute,je dout fortement...vous ne pourait pas me repondre avnt je le pense mais je voulais vous faire part de mon impression...
en effet je n ai pas trouve de parti religieux qui n utilise pas un moyen communautaire religieux detourne pour attirer des electeurs:
des tracts distribue dans les choules,des slogans inseres dans des cours de thora ,l utilisation de rabanims a des fins electoraux :"moi rav truc je te dis ecoute ton maitre et vote pour bidule",ainsi de suite...
Vous allez me dire que je generalise un peu trop je l admets mais ce devellopement permet d introduire ma question:
Nous qui voulions detourner la politique au profit de la religion n avons pas fait le contraire quelque part?
Si vous me repondez en me detaillant l importance des religieux en politique le fait que la fin ne justifie pas les moyens me pose probleme de plus je vois tres bien que le respect pour la thora en est profondement affecte chez les moins religieux par ces manoeuvres politiques...
alors que choisir? voter pour un parti religieux oui ou non?

Rav Elyakim Simsovic
Jeudi 6 mars 2003 - 23:00

Qui a jamais voulu détourner le politique au profit du religieux ?
Comprenez-vous que cela signifierait que le "politique" serait extérieur au fait religieux, c'est-à-dire plus exactement, absent de principe du domaine de la Thora ? Or, la Thora nous raconte que l'objectif de la sortie d'Egypte était d'établir en Eretz-Israel (et nulle part ailleurs) une société humaine avec ses chefs politiques et religieux, ses institutions, ses tribunaux et son armée, ses sages et ses justes, mais aussi ses voleurs et ses violeurs et ses assassins que la loi devra poursuivre et châtier, y compris des villes entières dont il aurait été prouvé au-delà de tout doute possible qu'elles se seraient dévoyées. Avec son économie et ses impôts, ses riches et ses pauvres, ses commerçants et artisans, ses intellectuels et ses ignorants. Cette société n'est pas conçue comme un simple moyen de gérer la vie commune aux termes d'un "contrat social" qui aurait possiblement comme modèle ce qu'un Hobbes, un Locke ou un Rousseau - fut-il Juif et croyant et pratiquant - pourrait en dire. Elle est le lieu même où se tente la réussite du projet du Créateur pour le monde qu'il a créé et, comme telle, elle fait non seulement partie du plan divin mais elle en est la finalité même.

Cela dit, "voter pour un parti religieux oui ou non ?" pose un tout autre ordre de problème. Bien évidemment, et quelles que soient par ailleurs l'avis qu'on pourrait avoir sur cette question et les arguments qu'on pourrait avancer pour le défendre, il est évident que le comportement de ses chefs devrait être d'une absolue moralité, au-dessus de toute critique possible et que, s'il en est autrement, hé bien je n'hésiterais pas à dire qu'il y aurait là un 'hilloul Hachem, une profanation du Nom divin. Bien entendu, aucune personnalité publique n'est à l'abri de détracteurs et de calomniateurs. Il n'empêche que c'est précisément pour cela qu'il doit éviter tout comportement qui pourrait les alimenter. Je ne pense pas qu'il y ait désaccord sur ce point.

Resterait donc à définir ce que serait un "parti" et de plus "religieux". Si le rôle d'un parti est la défense des intérêts de ses électeurs (ce que certains semblent penser, religieux ou non et c'est un peu le modèle de ce qu'était en France la 4ème République, avec le corporatisme et, sur la fin, le poujadisme), cela signifierait que l'on admettrait que les "religieux" constituent un secteur sociologiquement démarqué de la société et dont les intérêts diffèreraient de ceux du reste de la population. Cela me paraît être en contradiction flagrante avec l'essence de la Thora. En effet, tous les domaines de la vie juive concernent la population juive tout entière de lanière indivise, même si telle tendance de la population y est indifférente et telle autre éventuellement opposée.
Il n'y aurait pas de justification valable à l'existence de partis religieux à l'échelle nationale, même si leur représentation peut-être souhaitable sur le plan local et municipal pour prendre soin des intérêts pratiques de tous les habitants de la localité en matière d'entretien des synagogues, des écoles, de l'alimentation cachère, de la Hevra Qaddicha etc, qui concernent tout le monde.
Il y a encore d'autres côtés de cet aspect de la question que je pourrais développer, mais on n'est plus en période électorale, donc j'abrège. Peut-être une autre fois, à l'occasion d'une autre question...

Si, au contraire, un part religieux se présente avec un programme concernant tous les aspects de la vie publique, économique, industrielle, culturelle, sociale, juridique, de politique intérieure, de la défense, de la politique étrangère, etc., c'est-à-dire ce qu'on pourrait appeler un vrai projet de société, son électorat potentiel serait alors la totalité de l'électorat israélien, au même titre que n'importe quel autre parti. Ce ne serait donc pas le fait d'être consommateur de services "religieux" qui conduirait tel électeur à votre pour ce parti, mais l'aquiescement au programme ou du moins un aquiescement sur un ensemble plus large des points du programme que par rapport à n'importe quel autre parti. Dès lors, par le jeu naturel du fonctionnement des partis, de l'émergence des élites et des dirigeants à partir de la "base", si la dimension religieuse - c'est-à-dire quelque chose que nous pourrions provisoirement appeler l'esprit de la Thora - n'imprègne pas spécifiquement tous les aspects du programme, le caractère "religieux" de ce parti s'estompera de lui-même au bout d'un temps plus ou moins long. Cet "esprit de la Thora" ne consiste pas à saupoudrer la vie publique de cérémonies liturgiques, ni d'aménager des cantines cachères dans les entreprises qui n'en auraient pas, ni même d'imposer l'observance stricte de telle mitzva de la Thora qu'on estimerait devoir privilégier par rapport à telle autre pour des raisons pragmatiques ou idéologiques (Chabbat, par exemple...) tandis qu'on ferait preuve de laxisme dans d'autres domaines
Autrement dit, cela ne consisterait pas purement et simplement à proposer à la limite le Choulhane Aroukh comme constitution de l'Etat.
Cela consisterait à pouvoir formuler en termes sociopolitiques, socioéconomiques, juridiques, etc. cohérents ce que cette société devrait-être et les moyens qui devraient être mis en oeuvre pour la réaliser de manière progressive et non coercitive - en d'autres termes : démocratiquement.

J'aurais tendance à dire qu'arrivés là, cela signifierait que nous aurons non seulement mis fin à l'exil géographique du peuple juif, mais que nous aurons commencé à reconquérir notre identité hébraïque parce que nous aurons su donner, à l'échelle de la société tout entière - et non plus seulement en termes de morale privée - un sens concret et opérationnel à ces deux dires de la Michna : le monde tient sur trois choses : la Thora (identité culturelle), le culte (fonction religieuse) et la générosité (fonction sociale), et se maintient par trois choses : par la justice, par la vérité et par la paix.