Conversation 47885 - Le silence de Hachem pendant la Shoah

GUITL
Lundi 6 juillet 2009 - 23:00

Chalom à tous les Rabbanim

Je viens d'écouter une conférence rabbinique sur le site
http://souvenez-vous.skynetblogs.be/category/1550981/1/O%F9+%E9tait+Die…
si je comprends bien ce rabbin, qui le prouve par les écrits, Hitler n'a fait qu'appliquer les punitions divines qui nous étaient promises, suffit de lire la Thora pour s'en persuader.
Hitler main de D'ieu? de là à prétendre qu'on ne peut que complimenter la "main divine", il n'y a qu'un pas que je ne saurai franchir.
Quelle est la position du rabbinat israélien à ce sujet?
Merci de votre réponse.

Kol tov

Jacques Kohn z''l
Mardi 7 juillet 2009 - 06:05

On s’est beaucoup interrogé, au cours des soixante dernières années, sur la signification de la Shoah.

Chez certains, cette réflexion a contribué à leur faire perdre la foi, tandis que chez d’autres leur fidélité à Hachem s’en est trouvée renforcée.

Certains, dans les milieux chrétiens, ont vu dans la Shoah une punition du peuple juif pour n’avoir pas accepté Jésus. D’autres ont considéré, et ce parmi les Juifs, et même parmi des rabbins renommés, qu’elle était une punition infligée par Hachem pour n’avoir pas obéi à la Tora.

Cette seconde explication me paraît tout aussi inacceptable, et même plus scandaleuse, que la première. Elle revient en effet, d’une part, à vouloir lever un coin de voile sur ce qui demeure un mystère de la volonté divine, et à se substituer à cette volonté, fondamentalement inexplicable. Elle aboutit, d’autre part, à nous culpabiliser et à nous imputer une part de responsabilité dans ce génocide unique à travers l’histoire.

Hachem reste « caché » et ne Se révèle pas. Cette condition est voulue par la psychologie de l’homme tout autant que par le projet même de Dieu dans la création : Il ne se montre qu’à ceux dont la foi est si grande que Sa révélation ne changera rien à leur croyance.

Car s’il y a eu dans la Shoah « silence de Dieu », il y a eu tout autant silence des hommes, et c’est là peut-être la seule explication un tant soit peu rationnelle que l’on puisse lui donner.

Une des spécificités de la Shoah réside dans le fait que les Nazis ont continué de déporter et de massacrer les Juifs alors même qu’ils étaient sur le point de perdre la guerre, alors même que les déportations compromettaient leurs efforts du point de vue militaire. Rappelons-nous que les trains vers Auschwitz ont continué de rouler malgré la précarité criante de leurs voies de communications et de leurs moyens de transport.

C’est dire que la Shoah a consisté à massacrer les Juifs non pas en tant qu’ennemis de l’Allemagne, mais en tant que Juifs, interdits à ce titre de continuer de vivre.

Je voudrais, pour conclure, citer deux sources d’inspiration très différente, mais très congruentes à notre sujet :

1. « Un jour, à Brooklyn, raconte Elie Wiesel, j’ai demandé au célèbre Rabbi Mena‘hem Mendel Schneersohn de Lubavitch : “Comment peut-on croire en Dieu après Auschwitz ?” Et lui de me répondre : “Après Auschwitz, comment ne pas croire en Dieu ?” Au premier abord, la remarque m’a paru fondée : Puisque tout le reste a échoué – civilisation, culture, éducation, humanisme – comment ne pas se tourner vers le ciel ? Et puis je me suis ressaisi : “Si vos paroles constituent une question, je l’accepte volontiers ; si elles se veulent une réponse, je la récuse.” »

2. « L’un des plus grands maîtres juifs de notre génération, le Rabbi de Klausenbourg (Klausenburger Rebbe), a perdu sa femme, ses enfants et sa famille dans les camps nazis et il a lui-même passé deux ans dans l’enfer d’Auschwitz. Il en a pourtant émergé pour ramener au judaïsme toute une génération de rescapés, pour fonder une communauté à New York, puis une autre en Israël.

J’ai souvent entendu cette éminente personnalité évoquer les camps de la mort et ceux qui y ont péri. J’ai trouvé dans ses propos des larmes et de la tristesse, mais jamais une mise en question. Car c’est bien d’un tsaddiq qu’il s’agit, dont l’esprit pénétrant voit bien au-delà de l’immédiat. Lorsque l’on considère ce qui forme l’Ultime, alors vraiment il n’y a pas d’interrogations.

Le plus important est de nous rappeler que Dieu est le Bien ultime et que, par conséquent, même le pire sera un jour transformé en bien (Rabbi Moché ‘Hayyim Luzatto, Kela‘h pit‘hei ‘hokhma, 2). L’homme peut faire le mal, mais ce mal qu’il fait sera lui aussi racheté par Dieu pour être transformé en bien. Le Talmud nous enseigne que nous devons dans ce monde bénir Dieu tant pour le bien que pour le mal, mais que, dans le monde à venir, nous nous rendrons compte qu’il n’existe rien d’autre que le Bien (Pessa‘him 50a). » (Rabbin Aryeh KAPLAN, Si vous étiez Dieu, Editions EMOUNAH).

lidol
Lundi 6 juillet 2009 - 23:00

ref question 47885
Cher Rabanim
J'ai lu attentivement votre reponse dans laquelle vous citez le Rav Rabbi de Klausenbourg . On ne peut regretablement citer nos pauvres morts mais je ne sais vraiment pas si les temoignages de nos quelques survivants peuvent veritablement representer l'opinion de nos 6'000'000 de disparus.
Certains comprennent que lorsque Yaakov pleura a rencontrant Esav , il voyait les persecutions qui nous etaient infligees...jusqu'a la Shoah alors que Esav pleurait parcequ'il voyait ce que representait la perte du "Olam Aba".
Le fait est que Devarim qui resume les 4 premiers livres nous rapporte la vie de nos ancetres telle qu'elle s'est effectivement deroulee.
Tout cela est troublant et genant !
Lorsque vous dites "Il ne se montre qu’à ceux dont la foi est si grande que Sa révélation ne changera rien à leur croyance. " ne doit-on pas comprendre que toute verite n'est pas bonne a dire ?
Merci
Lidol

Jacques Kohn z''l
Mardi 7 juillet 2009 - 13:18

Je vous remercie de vos remarques, lesquelles n’appellent pas de réponse de ma part.

anna2
Lundi 13 juillet 2009 - 23:00

suite à la question 47885 et à votre réponse...

D.ieu ne s'est-il pas manifesté dans une multitude de gestes lors de la Shoa ? Les actions des justes, le courage et l'espoir des juifs, leur solidarité, leur lien à D.ieu, à leur peuple malgré une barbarie sans nom ? Et encore aujourd'hui, quand un survivant de la Shoa rend témoignage de ce qui est arrivé, de ce qu'il a vécu et qu'il invite les jeunes et les moins jeunes à vivre dans la Paix, la tolérance, le respect de l'Autre...n'est-ce pas une manifestation de D.ieu à travers le peuple juif ?

La Shoa est l'oeuvre du Mal et le silence a été le silence des hommes. Ce n'est certainement pas D.ieu qui a voulu cette barbarie ! Si D.ieu est UN, il fait partie de nous, nous avons donc une énorme responsabilité, tous autant que nous sommes, pour lui permettre d'émerger dans toute sa force et cette force, c'est la VIE et non pas cet élan de destruction de l'autre que propose les adeptes de la suprématie d'une race, d'une religion, d'une nation sur une autre... au nom de D.ieu ou de je ne sais quoi...

Voir dans la Shoa la punition de D.ieu me semble un message antisémite. Est-ce que j'ai tout faux ? Personnellement, je vois dans la création de l'État d'Israël et dans Tsahal, la réponse de D.ieu et Son appel à faire vivre le judaïsme dans le coeur de tous les juifs. Je suis non juive et je ressens les choses comme cela. Aidez-moi à poursuivre ma réflexion si vous le voulez bien . Merci infiniment pour toute vos réponses et pour votre présence.

Jacques Kohn z''l
Mardi 14 juillet 2009 - 06:45

Je pense comme vous que voir dans la Shoah une punition infligée par Hachem est un message antisémite.

Je citerai à ce sujet ce qu’aurait écrit Daniel-Rops (1901-1965), un écrivain catholique :

« Les Juifs avaient crié : Que son sang retombe sur nous et sur nos enfants ! Dans sa justice Dieu les a exaucés ! Les persécutions des Juifs ne feront jamais oublier leur manque de compassion pour le Crucifié. »