Conversation 25792 - Les fautes qu'on ne regrette pas

arthuro21
Vendredi 23 septembre 2005 - 23:00

En cette période d'introspection je me pose plusieurs questions.
-A-t-on vraiment besoin d'une religion pour être un homme bien.
-Comment ressentir quelque chose pour des préceptes auquels on n'adhère pas?
-Doit-on se repentir de fautes à kippour alors qu'on ne les regrette pas et qu'on va certainement les refaire. En d'autres mots, l'aspect formel des fêtes de tichri, le repentir fait en hébreu (qu'on ne comprend pas vraiment) ne peut-il pas être percu comme une forme d'hypocrisie face à D-ieu.
Merci de votre réponse et bonnes fêtes

Nathan Schwob
Jeudi 2 février 2006 - 16:06

Bien que Tichri et Kippour soient passés votre question reste d'actualité. En effet Rabbi Eliezer enseignait qu'il faut se repentir de ses fautes un jour avant sa mort. Sur ce, ses élèves lui répliquèrent que c'était impossible puisqu'on ne sait pas quand on va mourir. Et Rabbi Eliezer concluait que c'était bien là le sens de sa parole: il faut chaque toujours être prêt à rendre des comptes à D. sur sa conduite, comme si c'était le dernier jour de sa vie, car la Techouva est un affaire de chaque jour. (1)

Il ressort de votre question que vous recherchez à être cohérent, honnête avec vous-même et vis-à-vis de D.
Tout le livre de Berèchit nous enseigne que ce sentiment est bien fondé. Il provient de la nature même de l'homme créé par D. et portant en lui le souffle divin. Grâce à cette âme, Noé a put être juste et droit, et de manière générale tout homme qui respecte les 7 lois Noah'ides (2) est considéré comme un homme de bien, même sans religion. Tout cela pour quelqu'un qui n'est pas juif. À partir d'Avraham, l'histoire de l'humanité va changer. Le peuple d'Israël va naître pour servir à l'humanité d'exemple et de directeur de conscience. Si tout homme peut être "un homme de bien" le Peuple d'Israël sera un peuple "d'hommes du mieux, d'hommes de D.". Car cette humanité pleine de bonnes intentions, continue à être en échec permanent devant D. Pourquoi? Tout simplement parce que cette humanité s'imagine qu'on doit connaître et aimer D. dans son cœur et refuse d'en accepter les implications morales pratiques dans la vie sociale et individuelle.

Mais l'honnêteté doit être jusqu'au bout. Le Peuple juif est censé montrer aux autres hommes comment toutes les bonnes intentions doivent se concrétiser à travers nos actions jusqu'à devenir réalité. Car le judaïsme n'est pas une religion au sens général du terme. Il est un mode de vie qui introduit dans chaque pensée, dans chaque parole et dans chaque geste la conscience du bien: pour les autres, pour soi même et pour répondre, à l'appel constant de D., à la manière d'Avraham "Hinéni = toujours prêt".

Alors comment ressentir quelque chose pour des préceptes auxquels on n'adhère pas? Tout simplement en y adhérant. Car la question de fond est là: ces préceptes servent à concrétiser ce que le cœur contient et si la Mitsva ne véhicule que du vide et que le cœur ne ressent rien, alors il faut le réveiller par l'accomplissement des commandements. Comment, en effet, servir D. honnêtement sans répondre à son appel, sans accomplir ses commandements et en s'imaginant qu'il n'y a pas de fausse note?

Doit-on donc se repentir de fautes à Kippour alors qu'on ne les regrette pas et qu'on va certainement les refaire?
Bien sûr que non, car se repentir sans le regretter ne s'appelle pas repentir mais hypocrisie (3), mais ne pas se repentir par soucis d'honnêteté est une hypocrisie supplémentaire. Car le fond même de la Techouva de Yom Kippour est de reconstruire le lien brisé avec D. et de comprendre pourquoi on n'a pas adhéré à son appel au moment où il le fallait.
Une des demandes de pardon de Yom Kippour concerne la demande de pardon elle-même: על חטא שחטאנו לפניך בוידוי פה. On demande pardon d'avoir demandé pardon pas suffisamment honnêtement au point de réveiller les coeurs endormis, dans le but d'inciter les cœurs à regretter vraiment et à se repentir vraiment.

L'aspect formel des fêtes n'est donc que d'apparence superficielle, car pour ne pas être hypocrite dans sa prière il suffit d'avoir un livre de prière avec traduction, voir même de prier dans sa langue.
Les Hassidim rajouteront qu'il suffit même de lire tout simplement en hébreu tout en disant à D. : "Tu sais bien que je n'y comprend rien mais Tu sais aussi lire dans mes pensées quelles sont mes véritables intensions, de toujours accomplir Ta Volonté avant la mienne".

(1) Talmud Chabbat 152b, Maimonide Lois de la Techouva Ch.2 Par.6 .
(2) Maimonide Lois sur les rois Ch.9.
(3) Maimonide Lois de la Techouva Ch.1 Par.1 et Ch.2 Par.1-2.