Conversation 5056 - L'insomnie du Roi
Dans la Méguilat Esther, un Midrach rapporte sur le verset 1 du chapitre 6 ("vayehi nadéda chenat haméléch"), que ici le mot "hamélech" veut parler du BoréHolam, Hachem.
Pouvez-vous m’éclairer le Midrach qui à mes yeux n’est pas très clair ?
Merci d’avance et avec mon cordial shalom
Il y a plusieurs midrachim à ce sujet qui vont tous dans le même sens bien qu'avec des différences de contenu.
D'une part, c'est une tradition bien établie qu'à un certain niveau de lecture, chaque fois qu'il est dit "le Roi" dans la Méguila et non "le roi Assuérus", il s'agit en fait du Roi du monde. Et le midrach s'interroge : est-ce que le sommeil a cours là-haut ? Et n'a-t-il pas déjà été dit (Isaïe 5:27) : "il ne dort ni ne sommeille, le Gardien d'Israël ?"
Mais c'est pour t'enseigner que lorsqu'Israël faute, Il fait semblant de dormir.
Ce à quoi ce midrach, comme beaucoup d'autres textes, renvoit, c'est au fait que la situation dans laquelle se trouve le peuple juif au temps d'Assuérus est une conséquence du fait que lorsque Cyrus, roi de Perse, ayant conquis et détruit l'empire Babylonien, donne aux Judéens exilés dans son empire le droit de retourner à Jérusalem pour reconstruire le Temple, seule une poignée se joint à Zéroubabel pour entreprendre la restauration. Et ainsi, on passe d'un exil à l'autre alors que la Délivrance était à portée de main.
C'est pourquoi à cette époque commence cette période annoncée dans le Deutéronome (31:18) : alors Je voilerai même le fait que Ma Face est voilée (anokhi haster astir panaï). C'est pourquoi le Nom divin ne figure pas dans la Méguila d'Esther.
A noter qu'Esther étant son nom persan, alors que nous savons que son nom hébreu est Hadassa, pourquoi avoir préféré donner à la Méguila le nom étranger plutôt que le nom hébraïque. C'est parce que nous sommes entrés alors en un temps où le fait d'être en exil occulte l'identité hébraïque et c'est aussi par-là que le visage de la Providence est masqué.
Et nous vivons aujourd'hui un temps diamétralement opposé, où les Juifs retrouvent peu à peu leur identité hébraïque pour éviter de recommencer l'erreur du temps de Zéroubabel, puis d'Ezra et de Néhémie. Et comme dans la Méguila, dont toute l'histoire peut se lire comme une révolution de palais sans aucune intervention divine, mais dont nous savons que, quoique caché, ce fut un miracle véritable et d'autant plus grand, de même notre histoire contemporaine peut se lire comme si c'était une histoire purement humaine. Comme si Dieu sommeillait et que les hommes agissaient en son absence.
L'une des conséquences du "voilement de la Face", c'est que ce qui était auparavant donnée d'évidence semble être devenu objet de foi. Ce n'est en réalité le cas que de ceux qui se sont coupés de la tradition vivante qui a préservé pour nous, à la fois par la mémoire et par l'étude qui lui donne son sens, à la fois orientation et signification, la compréhension des événements qui affectent notre histoire.
Pourim Saméa'h.