Conversation 58057 - Etre tres psy en periode de niddah

Heureux
Samedi 2 juillet 2011 - 23:00

sujet résumé :
quelle ATTITUDE et PSYCHOLOGIE en période de NIDAH de la part du mari envers son épouse. Besoins de conseils.

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Bonjour,

Bravo pour votre action. Gratitude est un faible mot.
J'ai cherché par mot clé des réponses sur le site mais sauf erreur de ma part, je n'en trouve pas.

* Contexte *
Futur marié je me suis "cogné" toutes les halakhot de taharat hamichpa'ha. Ma future me dit alors que ce n'est pas l'essentiel pour un homme car il faut que je me concentre maintenant sur la HACHKAFA.
Je ne sais pas ce que cela recouvre comme enseignement mais j'ai cru comprendre que pour elle, je devrais être capable au travers de cette HACHKAFA de découvrir, comprendre et de préférence etre capable dans et pour notre couple de gerer les apsects psychologiques (douloureux si j'ai bien compris son message) de la séparation lors de la période de nidah.
Elle m'a expliqué que pour une femme la période de séparation peut etre source de stress, de perte d'estime de soi, de sentiment d'abandon, d'impression de rejet .... J'ai lu une question réponse ou une femme se plaint de se sentir objet.
Je ne suis pas tres finaud comme gars et la psychologie féminine et moi c'est pas du tout ça...
Je pressens que j'ai un gros travail à faire en ce sens car je ne soupçonnait meme pas cet aspect des choses. Et en meme temps je constate que les livres de taharat hamichpa'ha que j'ai lus et relus ne parlent pas de ce sujet.
Derniere précision : je n'ai pas de rav car je suis plutot du genre solitaire et un peu bourru ... et pas trop enclin à m'ouvrir. Et à vrai dire je n'ai jamais rencontré de rav qui soit accessible .... mais cela c'est avant tout mon probleme. D'où ma remarque entre parenthese car votre site est, à mon sens, tout à la fois le symptome et le remede ... Bon je m'égare.

* MA DEMANDE *
J'ai besoin d'informations et de conseils de la part de personnes expériementées (peut etre de préférence de la part d'une femme) pour COMPRENDRE et GERER l'aspect psychologique de la période de séparation. Le but est de pouvoir au pire ne pas commettre d'erreur dans mon attitude (je ne parle pas d'enfreindre la hala'ha car je commence à maitriser le sujet) mais au mieux d'etre un reconfort et un véritable pillier pour mon épouse en péirode de nida.

Bien evidement le tout conformément à la hala'ha (je précise cela car bcp de questions sont des demandes inconscientes de passe droit. Ce n'est pas ma demande)

Outre votre réponse si vous pouviez indiquer une bibliographie (livre et internet) pour moi meme et tout les futurs mariés (un peu paumés comme moi ?) ....

Merci d'avance pour le shalom bayit dont vous serez les heureux contributeurs et contributrices !

Emmanuel Bloch
Mardi 11 octobre 2011 - 21:56

Chalom,

Je vous demande pardon d’avoir mis si longtemps à vous répondre. Paradoxalement, c’est précisément parce que le sujet me tient à cœur que j’ai laissé votre question en attente – je ne pouvais y répondre en 4 lignes, et j’ai eu beaucoup de mal à « débloquer » les 2-3 heures nécessaires à la rédaction d’une longue réponse.

Ce qui suit représente le résultat de mes pensées personnelles et de mes discussions avec mon épouse, et doit être pris en tant que tel – ce n’est certainement pas une réponse halakhique, mais juste une réflexion personnelle, et encore : un début de réflexion, rien de définitif. Je ne connais pas de références bibliographiques sur le sujet; j’ai pu éventuellement passer à côté de certains articles ou ouvrages (merci aux Cheelanautes de compléter au besoin), mais il me semble évident qu’il existe un réel « vide », ou si vous préférez un manque d’informations sur le sujet.

C’est, bien entendu, extrêmement dommageable. Comme vous le soulignez justement, il s’agit pourtant du Chalom Bayit de nombre de jeunes couples qui est en jeu, et si certains trouvent naturellement leurs propres réponses et solutions, d’autres auraient bien besoin de profiter de bons conseils et de l’expérience accumulée des autres.

Nous autres juifs orthodoxes faisons preuve de sagesse, je crois, à préparer systématiquement les futurs jeunes mariés à la vie conjugale. Mais une bonne préparation devrait inclure, à mon sens, 3 aspects différents et complémentaires : 1) l’apprentissage des lois de la pureté familiale, 2) une introduction aux relations sexuelles à proprement parler (ce qui est permis, ce qui est interdit, et quelques conseils techniques de base), 3) la « psychologie » de la vie conjugale.

Or, en pratique, que constate-t-on ? Kallah et ‘Hatan se verront surtout enseigner le premier aspect (combien de jours compter, comment faire la toilette avant le mikveh, quand demander l’avis expert d’un rabbin ou d’une conseillère de Nichmat, etc.) ; pour ceux qui veulent apprendre ou réviser, il existe d’ailleurs aujourd’hui nombre d’ouvrages accessibles visant à populariser les complexes lois de la taharat hamichpa’ha, y compris en français.

Votre question le met bien en exergue : le deuxième domaine est déjà beaucoup plus méconnu du grand public; aussi surprenant que cela puisse être, rares sont les enseignants qui l’aborderont avec les jeunes fiancés (et il y aurait beaucoup à améliorer sur la manière dont le sujet est abordé, lorsqu’il l’est, mais ceci est un sujet pour une autre réponse sur Cheela) ; pour ceux qui voudraient étudier de manière indépendante, je ne connais guère, en français, que le fichier rédigé par le rav David Zenou (qui répond sur Cheela depuis le début du site), et que nous tenons à disposition de toute personne mariée ou sur le point de l’être.

Quant au dernier aspect, la préparation psychologique, très franchement, elle est bien souvent aux abonnés absents.

N’est-ce pas une situation paradoxale ? Nous formons les futurs mariés à être de vrais techniciens des jours et des couleurs, mais nous ne leur apprenons pas comment prendre en compte la personne avec laquelle ils vont passer les 50 prochaines années !

Ce qu’il faut réaliser, il me semble, c’est qu’il n’existe pas de « recette » absolue pour réussir sa vie de couple. Chaque couple est unique ; chaque relation a sa propre dynamique. A cet égard, le monde religieux devrait enfin prendre en compte que véhiculer une image trop stéréotypée de la « nature de la femme » ou de la « nature de l’homme » est non seulement faux, mais également nuisible. Les choses sont bien plus complexes dans les faits. Il faut apprendre à connaitre son conjoint tel qu’il est réellement, et non à travers le prisme de vieux clichés (cela dit en passant, le poncif des femmes-plus-émotionnelles-que-les-hommes est contredit in fine par certaines sources juives ; je pense en particulier à la Michna dans les Pirkei Avot 4:21, R. Eliezer HaKapa’h).

Les personnalités des êtres humains (femmes comme hommes) étant très diversifiées, chaque relation de couple, mettant en rapport deux exemplaires de cette humanité si contrastée, doit ainsi être examinée en tant que telle. De plus, de nombreux éléments extérieurs (circonstances fortuites, naissance, période de l’année ou de la vie, …) affectent constamment la dynamique de couple. J’ai donc tendance à voir une vie de couple réussie comme une succession d’équilibres instables, ou comme une quête infiniment recommencée d’adaptation à de nouvelles réalités.

C’est dire l’importance fondamentale du dialogue dans la réussite du couple. Et, bien entendu, ce dialogue doit aller dans les deux sens : chaque conjoint doit faire un effort d’introspection, d’analyse de ses propres sentiments et besoins, et de verbalisation à l’attention de son partenaire ; en face, l’autre conjoint doit faire l’effort parallèle de compréhension et de réaction appropriée, en fonction du message reçu. Et vice-versa…

Revenons maintenant à votre question initiale : comment un mari doit-il se comporter pour éviter que sa femme se sente rejetée pendant les périodes de séparation ? Remarquez que votre femme a déjà fait l’effort de vous communiquer son état émotionnel, et que vous l’avez parfaitement bien saisi et recherchez la réaction la plus appropriée – 2 étapes essentielles, qui ne sont pas nécessairement évidentes de prime abord. Ce que vous avez accompli, en vue d’établir un dialogue fonctionnel, est donc déjà énorme, et cette constatation doit vous rassurer !

Quelle est alors la réaction la plus appropriée ? Si vous m’avez suivi jusqu’ici, vous aurez compris que les seules réponses qui peuvent être données doivent être trouvées au sein de votre couple particulier, et qu’elles seront de toute manière sujettes à réévaluation constante. Sous cette réserve, vous pourriez par exemple :
1) Lui témoigner de l’empathie : franchement, ce n’est pas bien difficile de comprendre pourquoi votre femme se sent rejetée. Même nos textes sacrés semblent établir un lien clair entre le concept de niddah et le rejet (cf. Eikhah 1:17 par exemple). Ce serait sûrement une bonne idée de lui montrer que vous la comprenez, elle se sentirait moins seule.
2) Parler ouvertement de la situation : demandez-lui si elle sait quels aspects des lois de niddah lui donnent ces sentiments négatifs, et si elle a des suggestions constructives à formuler pour améliorer la situation.
3) Formuler des propositions de votre côté : je connais un couple dans lequel il n’est jamais dit que la femme « est niddah » (ce qui met l’accent sur elle) ; par contre, il arrive effectivement que ces époux « soient interdits » (les deux ensemble). C’est loin d’être idiot, le langage est réellement important. En contrepartie, d’ailleurs, Madame n’est jamais « enceinte » (seule), bien qu’il arrive que les conjoints « attendent un enfant » (ensemble). Etc.
4) Trouver des manifestations démontrant que vous vivez la situation avec elle : il va de soi que c’est votre lit qui « part en exil » chaque mois, pas le sien ; que, si un matelas est moins confortable, c’est le vôtre ; etc.
5) Eviter toute ‘houmra inutile, voire discuter avec une autorité rabbinique compétente pour trouver des allègements, lorsque la chose est possible. On ne prend pas sur soi lorsque c’est autrui qui en paie le prix. Et il y a bien d’autres domaines pour exprimer sa yirat chamayim.
6) Discuter pour aménager en douceur les transitions entre périodes permises et périodes interdites ; passer du « tout » au « rien », et inversement, n’est pas nécessairement évident. Cela peut impliquer, par exemple, de prendre un jour ou deux pour découvrir à nouveau la proximité physique, sans forcément avoir de relations sexuelles ?

Ce qui peut rendre les périodes de séparations difficiles à vivre, c’est essentiellement les har’hakot. Or, celles-ci ont été promulguées dans un souci rabbinique de « Assou Siyag LaTorah » (faire une barrière protectrice autour des interdits de la Torah) : en d’autres termes, des actions trop proches d’interdits de la Torah, ou pouvant conduire à enfreindre une prohibition de la Torah, sont interdites également par les Sages. Le hic, c’est qu’à l’époque, la vie conjugale était très différente de ce qu’elle est aujourd’hui ; en particulier, il n’y avait pas d’attentes romantiques, de recherche de proximité émotionnelle entre conjoints, ou tout du moins pas dans la même proportion. En raison de facteurs trop nombreux pour être détaillés ici (comme la quasi-disparition du phénomène de la mort des femmes en couches, …), la conception du couple a énormément évolué au cours des dernières décennies. Alors, pour ceux qui arrivent à vivre les lois de Niddah comme une occasion d’explorer une nouvelle dimension de leur lien avec leur conjoint (le conjoint comme ami, et non comme partenaire sexuel), l’équilibre est facile à trouver. Pour les autres, et ils ne sont pas rares à ma connaissance, il faut trouver un modus vivendi personnel vis-à-vis de ces halakhot.

La liste de propositions ci-dessus est non exhaustive, cela va sans dire. Je suis d’ailleurs convaincu que nombre de Cheelanautes pourraient vous faire part de leurs expériences, positives ou négatives, et enrichir ainsi la discussion.

Toutefois, pour une fois, je ne vais pas lancer d’appel aux contributions des uns et des autres, de peur que nous ne soyons submergés. Cheela est un site de questions-réponses, pas un forum de discussions, il nous faut nous en tenir à notre vocation.

Mais il est un appel que j’aimerais vraiment bien lancer, à l’intention de nos lecteurs disposant des compétences informatiques nécessaires. Je suis persuadé qu’un forum de discussion sur le thème de la pureté familiale, et de tout ce qui existe autour, serait d’une immense utilité pour le public francophone religieux. Cela permettrait à ceux qui ont besoin de rechercher anonymement un renseignement, de demander du soutien, de se renseigner sur la propreté de tel ou tel mikveh, etc. Bref, un endroit où l’on puisse parler ouvertement et de manière constructive de tous ces sujet sensibles – Internet permet cela de nos jours. Bien sûr, il faudrait veiller à ce que les internautes s’engagent à être mariés avant de surfer sur le site, et prévoir un minimum de modération, mais tout ceci est techniquement parfaitement faisable. Si quelqu’un est intéressé, prenez contact avec moi pour que nous puissions en discuter !

Pour le reste, j’arrête ici cette réponse qui devient trop longue. J’aurais encore quelques idées que je voudrais développer, peut-être à l’occasion d’une prochaine question sur Cheela ?

Tous mes vœux d’une vie de couple pleinement heureuse vous accompagnent.