Conversation 68723 - Fauter en dormant

eyrol
Mercredi 17 avril 2013 - 23:00

Chalom,

1) Nous savons que l'homme est coupable s'il a causé un préjudice à son prochain, même s'il dort, d'après Baba Kama.
Pour autant, éteindre la lumière involontairement quand on dort durant Chabbat est il considéré comme une faute, sur laquelle on doit faire Techouva?

2) Dans le même ordre d'idées, j'avais lu une réponse sur Cheela qui stipulait que la hatarat nedarim de Roch Hachana effacait tous les voeux, y compris ceux qu'on aurait fait en dormant. Je ne comprends pas s'il s'agit d'une hyperbole pour montrer la force de cette hatarat nedarim, ou si c'est une vraie halakha. Dans le derneir cas, comment considérer qu'un tel voeu puisse être valable, la personne n'en n'ayant pas conscience?

3) J ai vu par le biais du moteur qu'on ne peut pas jeter le nom de D; comme Chalom par exemple.
Comment fait-on pour les serviettes de Chabbat, avec Chabbat Chalom écrit en hébreu? ou même en francais? Doit on les mettre a la Gueniza?

Merci

Rav Samuel Elikan
Mardi 23 avril 2013 - 08:00

halom,
1) Vous avez raison, en effet, dans le traité de Baba Kama on nous enseigne que l'homme est responsable de ses actes même en dormant: "adam moua'd le'olam, afilou mitoh' sheina".
Toutefois, on nous parle de responsabilité vis-à-vis de dégâts causés, ce qui n'est pas le cas pour le shabat dont les interdits touchent des actions faites avec intention uniquement (meleh'et mah'shevet).
En effet, la guemara dans Bava Kama 26b ramène au nom de Raba:
"si une pierre est posée sur lui, qu'il ne le savait pas et que celle-ci tombe - relativement aux dégâts, il est astreint (à payer)... pour Shabbat il est exempt, car la Torah n'a interdit que les actes volontaires (meleh'et mah'shevet assra torah)".

Rabbi Akiva Eiger (resp. Psakim, siman 8) demande pourquoi la Guemara nous dit qu'à shabat on est exempté pour une raison de "meleh'et mah'shevet" - la nécessité de faire des actes volontairement qui est une loi propre à Shabat; en effet, on aurait pu nous dire simplement qu'il s'agit d'un cas où on est "occupé" - "mit'assek", qui touche à toute la halah'a. Et il répond qu'il existe une différence entre "meleh'et mah'shevet" et "mit'assek". Lorsque l'action est faite non-intentionnellement - c'est comme s'il n'y avait jamais eu d'action interdite, en effet, la définition de l'interdit dépend du fait que l'homme ait pensé ce qu'il a fait et par conséquent, si ce ne fut pas le cas - alors il n'y a rien d'interdit. Par contre, ce qui est considéré comme "mita'ssek" c'est un acte interdit dont la Torah a pourtant exempté l'homme qui a agi ainsi d'amener un sacrifice car il pensait que c'était permis, mais quoi qu'il en soit l'action elle-même est interdite. Il y a cela plusieurs conséquences pratiques: comme dans le cas où cette même pierre est passée d'un domaine à l'autre durant shabat, ou dans quelle mesure il est nécessaire d'annoncer à autrui qu'il est en train de commettre un interdit de la Torah, chose qui nous astreint à l'en détacher; profiter d'un plat cuit durant shabat, concernant la bedikat h'ametz etc.
Je vous laisse le suspense...
Vous pouvez regarder tout ça dans le texte, si ça vous intéresse: http://www.hebrewbooks.org/pdfpager.aspx?req=1161&pgnum=15

2) Dans le traité de Nédarim (8a) il est affirmé qu'une personne excommuniée en rêve doit trouver dix personnes qui lui annulent son excommunication, alors qu'on ne tient pas entièrement compte d'une annulation faite durant le songe !

Comment cela s'arrange-t-il avec ce qui est dit dans le traité de Sanhédrin (30a) que le rêve n'a aucune importance juridique ?

Le Ran (ad loc. cf. également son comm. sur Sanhédrin 8b) ramène l'opinion du Rachba (resp. I, 668 et III, 331) selon laquelle le cas de l'excommunication est un cas particulier et ne ressemble pas à un vœu onirique, puisqu'il faut voir dans le cas de l'excommunication comme un signe Divin qui n'adviendrait qu'en rêve, alors que le vœu ne concerne que celui qui le prononce et n'engage en rien un tiers, aussi Divin soit-Il, par conséquent les vœux faits en rêve ne sont pas aussi graves qu'une excommunication, mais ont toutefois une valeur juridique - il faudra donc amener trois personnes pour les annuler. Il se base sur les propos de Guéonim qui disent qu'il faut annuler un vœu prononcé pendant un rêve. Le Radbaz (resp. IV, 99) explique cela ainsi: on voit en rêve ce à quoi on pense durant la journée et on a peur que pendant la journée il a pensé, voire prononcé ce vœu et qu'il ne s'en rappelle plus et son "inconscient" le lui rappelle (le H'atam Sofer II, YD 222 - explique de manière très similaire).

Le Ran (préc. cit.) cependant n'est pas de cet avis et pense que c'est similaire à l'excommunication et par conséquent - ce vœu a non seulement une valeur juridique, mais il faudra dix personnes pour l'annuler ! C'est-à-dire qu'un vœu prononcé pendant le sommeil est plus grave qu'un vœu prononcé éveillé. Et il explique que la guemara dans Sanhédrin parle de cas où il n'y a pas de vœux du tout.

Pourtant le Rosh (resp. klal 8, siman 11) et c'est également l'avis de son fils le Tour (YD 210) et du Kol-Bo (109b, s.v. teshouva leGaon) et du Orh'ot H'ayim (hil. Shvouot ouNedarim 14, s.v. Nadar belibo) qu'un vœu dans un rêve n'a aucune valeur juridique et ne nous oblige en rien.
C'est également l'avis du Maharal de Prague dans une réponse ramenée par le TaZ (YD 210, s.k. 4) dont l'opinion semble similaire également. La raison à cela est qu'un vœu n'a de valeur que lorsque "le cœur et la bouche sont égaux", c'est-à-dire lorsqu'on comprend et on a l'intention requise et nécessaire à accepter ce que l'on dit, ce qui sort de notre bouche. D'aucuns écrivent encore que dans le cas du rêve, rien n'est réellement prononcé. La H'avot Yair (siman 194) écrit (au nom de son aïeul) que si on écrit qu'on accepte le vœu duquel on a rêvé, c'est considéré comme une parole prononcée.

Quoi qu'il en soit, le Shoulh'an Arouh' (YD 210, 2) est qu'il faut dix personnes pour annuler un vœu prononcé dans un rêve, alors que le Rema (ad loc) dit que trois suffisent. C'est donc "une vraie halah'a", alors que pour le Rosh et tous ceux qui tranchent comme lui, il s'agirait d'une hyperbole...

En espérant vous avoir aidé.
Kol touv