Conversation 69719 - Le long chemin de la conversion

Maximilien24
Lundi 10 juin 2013 - 23:00

Bonjour messieurs les Rabbanim,

Je tiens à m’excuser dès à présent des nombreuses fautes que je pourrais éventuellement commettre dans la rédaction de cette lettre. Je suis volontairement néophyte.
La question est celle de mon éventuelle conversion.
Je tiens également à préciser au début de ma lettre que je partage ma vie avec une femme de confession juive depuis bientôt trois ans. Bien que non orthodoxe, ma démarche semble cependant lui permettre de se rapprocher de cet idéal.
Il serait bien évidemment hypocrite de dire que le fait de partager ma vie avec elle n’a pas influencé mon choix. Pour autant sachez que cette initiative est strictement personnelle.

J’aimerais vous présenter mon parcours et j’essaierai d’être le plus succinct possible en espérant que votre courage vous permettra de me lire jusqu’au bout.
Je suis issu d’un milieu très modeste, mes deux parents étant ouvriers. Ma jeunesse n’a pas été marquée par la religion. J’ai eu quelques rares contacts avec celle-ci au travers de mes voisins et propriétaires, de profonds catholiques traditionnels de France. Mes parents ont choisi de ne jamais m’orienter (ils sont tous les deux athées). Ils se sont justement dit qu’il serait toujours temps de me convertir si je faisais face à cette éventualité. Puis j’ai connu deux nouvelles choses. Le catéchisme, ce cours auquel j’étais l’un des rares à ne pas être invité. Ce cours qui m’intriguait. Ce cours dont je ne savais strictement rien. Puis les guerres. Pas très attentif en cours d’histoire, la géographie m’a pourtant rappelé que le monde avait été façonné par la religion. Le 11 septembre 2001. J’étais jeune. Je ne connaissais que très peu de chose. Alors j’ai dû apprendre. Essayer de comprendre ce qu’il se passait. Pourquoi cet attentat ?? De quel côté étions-nous (la France) ? Progressivement je me suis intéressé aux conflits du Moyen-Orient. Cela me passionnait. Tout était question de point de vue. Tout le monde disait des choses différentes. Et là encore il était très dur de savoir « pour qui nous étions ? ». Parallèlement je suivais des études scientifiques, lassé de ces cours d’histoire où l’on ne nous donnait que les grosses étapes de notre civilisation sans jamais chercher à nous les faire comprendre en entrant profondément dans chacun des sujets. Cela réclamerait, c’est sûr, beaucoup de temps. Puis cette tendance qu’à l’enseignement à être malheureusement très biaisé. Les juifs comme victimes de l’Holocauste sans jamais expliquer pourquoi. Les juifs comme soldats de Tsahal tuant des milliers de jeteurs de pierre qui ne font que blesser certains israéliens. Voilà ce qu’on y apprend (ce n'est bien évidemment pas moi qui le dit). Et on ne comprend rien ! Alors j’ai essayé de m’y intéresser un peu plus. J’ai eu la chance de prendre part à un voyage de mémoire en Pologne et en République Tchèque. J’y ai découvert de nombreuses synagogues mais surtout ces camps de la mort qui font taire toute parole et défont tout sourire. Pourtant tout cela semble irréel. Pourquoi ? Pourquoi a-t-on fait ça ? Pourquoi a-t-on laissé faire ça ? Pourquoi les juifs ? Quels crimes atroces avaient-ils pu commettre pour qu’on leur inflige « ça » ? Ce sont ce genre de questions que l’on peut se poser à 16 ans à la porte de ce camp dont je tairai le nom par respect de la mémoire des victimes. Jalousie, haine, peur de l’autre, l’être humain est responsable mais je ne suis personne pour apporter une quelconque réponse à cet abominable souvenir.
Je continuais donc mon apprentissage des matières scientifiques car on m’en disait bien plus ! Je suis alors devenu très cartésien. Me disant d’une part que les sciences pouvaient tout expliquer et d’autre part que les religions n’avaient pas réussi à protéger l’humanité, bien au contraire. A l’époque les différentes religions m’étaient encore bien floues : protestant, catholique, chrétien, copte, orthodoxe, monothéiste, juif, musulman, je m’y perdais…
Cependant, la science ne m’expliquait pas tout, loin de là. J’ai eu dès ma plus tendre enfance de nombreuses questions qui se sont posées à moi sans jamais en trouver les réponses de manière rationnelle. Et c’est encore le cas aujourd’hui. Parmi celles qui revenaient le plus souvent (l’aspect naïf de ces questions me semble important) :
- La question de l’infini : les nombres, l’univers, l’infiniment petit, la matière
- La question de la mort :
• où est mon arrière-grand-mère maintenant qu’elle ne respire plus ?
• et moi je deviendrai quoi ? je partirai où ? Sur ce radeau égyptien dont on m’a tant parlé à l’école ? Au paradis, sur un nuage entouré de mes aïeuls ? Dans une nouvelle vie similaire à celle que je suis en train de vivre ?
- d’où découlait logiquement la question de la vie :
• d’où viens-je ?
- et la question de la conscience :
• qui suis-je ? (c’est cette question qui est apparu en dernier et qui m’a le plus intrigué durant ma jeunesse)
• pourquoi mon esprit est-il dans ce corps ? Qui les a associés ?
• Pourquoi suis-je le fils de mon père.
- La question du temps
• Si le mystère de ma naissance reste entier, qu’en est-il de l’univers ? Qu’est-ce qu’il y avait avant lui ?
- Et enfin la question du (ou des) « force(s) »
• Y-a-t-il quelqu’un qui nous surveille ?
• Y-a-t-il quelqu’un pour me guider ?
• Le rencontrerai-je ?
• Puis-je lui demander des choses ? Ne serait-ce que des conseils ?
• A-t-il un moyen de communiquer avec moi ?
Alors, bien que farouchement associé à mon image sociale de cartésien, je me tournais souvent vers cet être dont j’ignore tout. Je me surprenais à lui parler. A être parfois en colère de n’être pas récompensé de me battre personnellement pour être toujours meilleure (dans le sens bon). A le remercier souvent de la vie qu’il m’a donnée. A me dire, et c’est, je pense, l’une des principales raisons qui me pousse à vouloir me convertir, qu’en agissant correctement, la vie est plus belle, plus harmonieuse. A lui demander de m’orienter. De m’aider à aimer chaque jour un peu plus et à être fier, d’une fierté personnelle et intérieure, de l’amour que je porte aux personnes qui me sont chères. Je prenais parfois ça pour de la superstition ! Encore cet été je pensais voir mon grand-père, décédé il y a bientôt 4 ans, dans ce corbeau noir qui m’a suivi durant un périple de plus de 1000 km aux Etats-Unis.
Mais c’était pourtant bien là. Alors je me suis dit que je ne pouvais pas faire comme si de rien n’était ! Je me suis approché de la religion. Tout d’abord le catholicisme, par tradition française. Je me retrouvais à errer dans des églises et a essayer de comprendre. A essayer de voir si c’était pour moi. J’ai posé beaucoup de question à des amis catholiques qui ont toujours été aptes à me répondre aussi précisément que possible. Une question m’a permis de m’ouvrir encore un peu plus : « si un homme ne vivait pas en communauté et que plusieurs religions lui étaient présentées, laquelle « choisirait-il » ? ». La réponse que l’on me donnait était que cet homme devrait étudier chacune de celles-ci.
J’ai alors fait la connaissance un peu plus approfondie du judaïsme au travers d’une fille. Je n’ai pas voulu tout apprendre car je ne savais pas où trouver mes réponses et je dois avouer que je me sentais mal à l’aise à l’idée d’entrer seul dans une synagogue « pour voir ». C’était l’inconnu. Je ne savais pas quoi lire. Mais j’ai lu. J’ai appris l’histoire du peuple juif principalement. La culture juive m’a énormément attirée bien que cela ne soit, j’en conjure, pas un argument.

Je n’ai lu, à ce jour, que de rares passages traduits des textes saints. En effet, un côté traditionnel me pousse à entreprendre l’étude de l’hébreu avant toute chose afin de pouvoir lire les textes dans leur version la plus pure. Je n’ai également pas envie de tout connaître pour le moment. Je compte découvrir lors d’une éventuelle conversion. J’ai en effet appris que la conversion était associée à une instruction. L’apprentissage de l’hébreu me semble donc plus adapté comme démarche initiale. Je me suis rendu dans plusieurs synagogues, notamment au sein d’une communauté orthodoxe pour Pessah. Malheureusement, mes connaissances faibles en hébreu, ma jeunesse et le fait que je sois seul m’empêchent de m’intégrer. Je m’emploie donc aujourd’hui à me renseigner principalement sur le peuple juif ainsi que sur les traditions du judaïsme. Dans cette optique, je me rendrais en Terre Sainte pour une durée de 20 jours durant le mois d’août.

Finalement, ma démarche se base sur plusieurs notions :
- La compréhension : comprendre mon identité, le sens de ma vie, les forces qui gouvernent les hommes et la vie ;
- La passion : offrir une vision commune et partagée de D.ieu à ma représentation actuelle ;
- La vie : les obligations et interdictions permettent à tout homme de mieux vivre, j’en suis certain. Je n’ai pas une connaissance parfaite de l’ensemble des Mitswot mais je sais pertinemment que ce sera une joie que de parfaire ma vie au travers du respect de ces commandements qui m’aideront à « cadrer ma vie » ;
- L’amour : il est au centre de ma vie et c’est lui qui me permet de vivre chaque jour et d’être heureux. Depuis très jeune je ressens un profond besoin de transmettre ce bonheur à ceux qui m’entoure et c’est grâce à l’amour que j’y arrive. L’amour pour les autres mais également l’amour que je ressens à l’égard de cette force que je ressens et que je ne connais pas.

Je me permets alors aujourd’hui de vous demander votre avis sur ma démarche et si vous pensez qu’une conversion est envisageable. J’ai conscience d’être un cas particulier puisque je ne pratique encore très peu, volontairement. Cependant j’ai également conscience de la tolérance de la communauté juive.

Je vous remercie par avance pour votre (ou vos) réponse(s) qui sera (seront) vivement appréciée(s).

Très respectueusement

Maximilien

Rav Samuel Elikan
Lundi 17 juin 2013 - 06:48

Shalom,
Votre témoignage m'a beaucoup touché et ému et je suis certain que je ne suis pas le seul.
Votre volonté et quête d'authenticité est toute à votre honneur et est denrée rare.

Si vous êtes sincères et le montrez, comme vous semblez l'être, il n'y a pas de raison qu'une conversion ne soit pas envisageable.

Toutefois, je vous conseille de contacter un rabbin proche de vous, dans votre entourage qui saura vous accompagner dans cette démarche.

Je pense également que vous obtiendrez plus de détails sur le forum Guiyour : http://guiyour.xooit.com/index.php

Bonne chance dans la suite de votre parcours et tenez-nous au courant quel que soit votre décision.