Conversation 90583 - Israel
Quelle est la valeur des mitsvots en Israël et a l'extérieur du pays ?
Chalom,
La question de la valeur des mitsvot en Israël et en dehors de la terre d’Israël est essentielle pour comprendre le lien spirituel entre le peuple juif et sa terre.
La terre d’Israël est investie d’une dimension intrinsèque allant bien au-delà de ces dernières considérations d’ordre pratique. Dans le traité de Ketoubot ,le Talmud affirme "qu’il est préférable de vivre dans une ville remplie idolâtres en terre d’Israël plutôt qu’en dehors d’Israël dans une ville juive dans sa majorité car tout celui qui vit en terre d’Israël est considéré comme ayant un Dieu et celui qui vit en diaspora est considéré comme dénué de Dieu" (Ketoubot 110b). Comment comprendre cette citation des Sages qui parait si incongrue a priori.
Le Ramban (Nahmanide), dans son commentaire sur la Torah (Vayikra 18,25) explique que tous les pays sont gouvernés spirituellement par des anges conformes au peuple souverain qui jouent le rôle d’intermédiaire entre lui et Dieu mais que la terre d’Israël est gouvernée directement par Dieu sans aucun écran entre Lui et Son peuple. On comprend alors aisément la valeur inhérente de demeurer en Eretz Israel indépendamment de l’entourage voire des actions de l’individu lui-même. Ribbi Yossef Karo, auteur du Shoulkhan Aroukh, qui résidait à Tsfat (Safed) dans le nord d’Israël, a écrit un livre très particulier: le Magid Meisharim. La singularité de cette œuvre repose dans le fait que tout ce qui y est écrit a été révélé à l’auteur par un "Magid" , qu’on pourrait assimiler grossièrement à un ange. Deux siècles plus tard, cette-fois en Lituanie, le Gaon de Vilna, rabbin et kabbaliste, doté d’une sagesse phénoménale et investi d’une profonde sainteté, reçu la visite d’anges qui voulaient eux aussi lui révéler des secrets et des enseignements de la Torah. Il refusa catégoriquement et les renvoya vers leur sphères spirituelles sans qu’ils aient pu lui transmettre quelconque connaissance. Ses élèves lui demandèrent immédiatement en quoi diffère son cas de celui de R’ Yossef Karo ayant accepté volontiers les paroles du Magid. Il leur répondit tout simplement que lui était en Eretz Israel. De ce fait, les dires du Magid étaient complètement purs, dénués de toute influence externe. Alors que dans son propre cas, résidant en dehors de la terre d’Israël, il y avait un risque que se mêle à la Torah que les anges lui auraient enseigné des messages impropres, fruits de l’emprise spirituelle nocive du pays dans lequel il se trouvait.
De même, Le Maharal de Prague explique que Dieu a placé les nations dans le pays qui leur était adéquat (Netsah Israel 1). De ce fait, la situation d’un juif hors d’Eretz Israel est contre-nature, à l’instar d’une fleur qu’on essaierait de faire pousser en dehors de son milieu naturel.
Le Rav A.I Kook exprime également cet axiome tout en réfutant l’idée reçue selon laquelle Eretz Israel serait un moyen, un intermédiaire pour accomplir ou obtenir quelconque profit, qu’il soit d’ordre sécuritaire, économique voire même spirituel et non une finalité, à savoir "qu’elle forme avec le peuple juif une entité dans laquelle les deux parties sont liées par un lien vital et indissociable" (Orot,1). L’histoire a d’ailleurs prouvé cette conception par le phénomène, à première vue extraordinaire, qui vit cette terre ne rien produire pendant 2000 ans d’exil où le peuple juif n'y reposait pas et qui commença à refleurir lorsque les juifs s’y réinstallèrent il y a plus d’un siècle. Partant de ce postulat, on comprend les paroles de nos Sages dans le Sifrei: "Bien que Je vous ai chassé de la terre d’Israël pour l’exil, vous continuerez à accomplir les mitsvot pour que, lorsque vous reviendrez, elles ne vous paraîtront pas nouvelles" (Sifrei,Ekev 43,17). A mes yeux, cette phrase est révolutionnaire : elle suppose que l’accomplissement des mitsvot en dehors d’Israël n’a pas de valeur intrinsèque mais qu'il n'est qu'un moyen pour ne pas oublier leur existence. Elle constitue une réponse limpide à certains rabbins qui mettent en garde, voire interdisent de monter en Israël si il y a risque de dégradation spirituelle. Alors qu’en réalité c’est l’inverse: le fait même de monter en Israël est en soi une élévation spirituelle, indépendamment des actes de l’individu. Ne comprenez pas par cela que je suis pour l’abandon des mitsvot, bien au contraire. Faire son Alya est justement l’occasion de redonner à ces mitsvot tout leur sens, chose qui est impossible en dehors d’Israël, même en les accomplissant toutes pointilleusement.
Ainsi, bien que l'accomplissement des mitsvot en diaspora ait une valeur importante pour maintenir la mémoire de la terre d'Israël, seule la vie en Israël permet de véritablement vivre ces mitsvot dans leur pleine dimension spirituelle.
Bivrakha.