Conversation 16023 - Isaac, fils unique?

Bulle
Samedi 8 mai 2004 - 23:00

Concernant la ligature d'Isaak, pourquoi D. dit à Abraham "Prends ton fils, ton fils unique, celui que tu aimes Isaak", alors qu'Isaak n'est pas fils unique d'Abraham? Et pourquoi donner toutes ces précisions alors qu'Ismaël est parti? Abraham aurait-il pu se tromper sur la personne?
Enfin, pourquoi dire "celui que tu aimes", Abraham n'aimait-il pas Ismaël?

Merci d'avance pour les réponses.

Rav Elyakim Simsovic
Samedi 8 mai 2004 - 23:00

Le midrach fait ressortir l'acuité de votre question.
Dieu dit à Abraham : "prend ton fils..."
- lequel ? j'en ai deux...
- ton unique.
- chacun est l'unique de sa mère...
- que tu aimes.
- je les aime tous les deux...
- Isaac.

mitsvot
Dimanche 9 mai 2004 - 23:00

Chalom Rav
Concernant la question 16023, permettez moi de proposer une réponse basée d'après le rav 'Haïm Chmoulévits auteur du Si'hot Moussar.
Tout d'abord, concernant la question du fils unique, c'est vrai que Avraham avait aussi Ichmaél mais il est dit dans la Torah: "Ki Béits'hak Ikaré Lékha Zara" ce qui signifie que D... a considéré que le véritable descendant d'Avraham est Its'hak. De plus, Its'hak est l'unique par rapport à Sarah alors qu'Ichmaél est le fils de Agar, la servante de Sarah.
A présent, pourquoi D... a détaillé de façon longue en disant à Avraham: "Prends ton fils, ton unique, que tu aimes, prends Its'hak" et ne lui as pas dit directement "prends Its'hak"? A cette question, le Si'hot Moussar répond en disant: Si D... lui avait dit directement: "prends Its'hak", Avraham aurait été choqué et n'aurait pas supporté de devoir sacrifier son fils car c'est trop lourd à porter. C'est donc pour laisser le temps à Avraham de s'habituer à la situation et de réduire le choc que D... lui a détaillé cela. En effet, concernant Sarah qui était plus élevée que Avraham, lorsque le Mala'h lui a montré que Avraham était en train de sacrifier son fils, elle ne l'a pas supportée et en est morte; et ce, parce qu'elle n'a pas eu le temps de "digérer" et de s'habituer à la situation. J'espère que j'ai bien retranscris son explication.
Chavoua Tov et Kol Touv

Rav Elyakim Simsovic
Dimanche 9 mai 2004 - 23:00

Concernant Sarah, il existe une autre lecture, fondée sur la tournure de la phrase énonçant le non-sacrifice d'Isaac dans le commentaire de Rachi.
Rachi explique que la paracha de la mort de Sarah suit celle de la Aqéda parce que c'est en entendant que Isaac avait été promu à la Aqéda et quil s'en était fallu de peu qu'il ne soit pas immolé que son âme s'est envolée d'elle et qu'elle est morte.
Sarah a été prise de saisissement à l'idée que Isaac avait pu être jugé indigne d'offrande et elle en est morte.
Les conduites de nos Pères et Mères ne peuvent pas être évaluées à l'aune de nos propres réactions. Le fait que la Thora ait été formulée de telle manière que nous, nous puissions en apprendre une leçon pour la manière dont nous, nous avons à nous conduire ne signifie pas que le problème, pour eux, se présentait de la même manière.
Les livres de moussar doivent être lus de manière à nous élever vers les figures qui nous y sont données en exemple et non pour les rabaisser à notre niveau.

mitsvot
Mardi 11 mai 2004 - 23:00

suite à la question 16046
Il ne s'agit aucunement d'une interpretation personnelle d'un point de moussar adapté à la paracha. Il s'agit tout au contraire d'une explication du rav haym chmoulévitch lui meme, pour expliquer pourquoi D... a tant détailler à Avraham: "prends ton fils ton unique..."
Certes, mais pourquoi ne peut on pas dire que Hachem a jugé utile de s'exprimer ainsi afin de laisser le temps à Avraham de s'habituer à la situation? Ce n'est pas impossible. D'ailleurs le rav rapporte que ds la guemara on raconte qu'un rav qui n'avait pas vu sa femme pendant un certain temps, quand apres, il l'a revue, sans prévenir, elle en est morte par le choc. Et il en est de meme pour Sarah d'après le Midrash qui dit que lorsqu'elle a vu que Its'hak allait etre sacrifier, elle ne l'a pas supporté et en est morte.
Kol Touv

Rav Elyakim Simsovic
Mercredi 12 mai 2004 - 23:00

Je ne mets nullement en cause l'enseignement du rav Shmulevits et je ne dis pas non qu'il s'agit de votre interprétation personnelle. Et pour preuve de ce que je disais dans la précédente réponse, vous cherchez à projeter des exemples du Talmud sur Avraham et Sarah.
Au lieu de me répéter ce que vous avez déjà dit, pourquoi n'essayez-vous pas de comprendre le sens de ma réponse ?

tora
Mardi 11 mai 2004 - 23:00

chalom kvod harabanim
je suis un peu étonner de votre réponse 16046 sur Isaac, fils unique?
Rachi lui même, après avoir donner votre explication, ajoute: "Pourquoi 'a t-il pas révéler directement? ce à quoi il répond: "Chelo learbevo pitom vetazoua'h dato alav vetitaref" (pour ne pas le troubler soudainement et choquer son espit et qu'il perde ses moyens) Ainsi l'explication ramené par ''Mitsvot'' ne consiste pas tant à rabaisser les patriarches à notre niveau puisque même Rachi leur concède de tels sentiments. Pouvez vous m'éclairer sur ce point?
Ainsi que sur les questions 14084 14085 et 14119 qui sont en attende depuis déjà plusieurs moi
mrci beaucoup et kol touv

Rav Elyakim Simsovic
Mardi 27 juillet 2004 - 23:00

Rachi ne leur concède aucunement de tels sentiments. Le dire du rav Chmoulétis rapporté par Mitsva est d'ailleurs fondé sur ce commentaire de Rachi.
Ce dernier pose au moins deux sinon trois problèmes exégétiques :
1. Abraham a déjà prouvé son amour pour Yichmael en intercédant en sa faveur au moment même où Hachem lui apprenait la prééminence du fils né de Sarah (c'est en Isaac que sera nommée ta descendance). Le commentaire de Rachi établit la parfaite égalité de ses deux fils aux yeux d'Avraham.
2. Tant qu'Avraham ne sait pas ce qui lui sera demandé, pourquoi serait-il bouleversé à en perdre la raison ?
3. Le commentaire de Rachi ajoute "et afin de lui donner récompense pour chaque parole séparément", ce qui signifie que le mérite d'Avraham est compté par rapport à "son fils", "son unique", "son aimé", "Isaac".

Une difficulté supplémentaire apparaît au verset suivant où la Thora montre Avraham tellement empressé d'accomplir la mitsva qu'il va seller lui-même son âne ; ce sur quoi Rachi dira que l'amour provoque des désordres (haahava méqalqéleth eth hachoura). Comment imaginer que ce même Avraham tellement empressé d'aller "sacrifier son fils" se serait le moins du monde troublé la veille ?

Il ne s'agit donc pas d'un problème de prévenances de la part de Hachem pour tenir compte des sentiments d'Avraham (bien que nous apprenions aussi cela de là en ce qui concerne les relations entre hommes), mais d'un problème d'un tout autre ordre : la contradiction entre précisément l'affirmation que sa descendance passera par Isaac et la demande de le sacrifier. Le même Dieu peut-il promettre l'un et demander l'autre ? Cette contradiction est bien de nature à pouvoir semer le trouble dans l'esprit des hommes. Au point que le midrach nous présentera le Satan disant à Avraham : vieillard insensé, tu ne sais plus distinguer entre les promesses de Dieu et les exigences du Satan ? Tu sais bien que Dieu n'as pas pu te demander cela !
Or, c'est précisément de la progression des termes, eux-mêmes précédés de la formule de demande "prend, je te prie, ton fils..." qu'Avraham sait que c'est Hachem qui parle.
Le midrach va plus loin encore : la ruse du Satan était de troubler Avraham de sorte que lorsque l'ange lui dirait "ne porte pas la main sur le jeune homme" il croie que c'est encore le Satan qui s'interpose et passe outre. Comment savoir si c'est Dieu qui parle puisque le Satan sait se déguiser en Talmid Hakham pour troubler les Juifs ? Si cela ne tenait qu'à une cohérence du discours, ce serait facile ; l'un demande le bien, l'autre veut le mal. Mais lorsque les discours semblent inversés, que ce que le Satan dit semble bien plus homogène à la foi d'Avraham que ce que Hachem semble lui demander, quel sera le critère de la foi ?
Et lorsque les deux discours semblent dire la même chose, comment reconnaître que la première fois c'est le Satan et se moquer de lui et que la deuxième fois c'est l'ange de Dieu et lui obéir ?

C'est à cause de la portée du problème que je disais et que je répète que nous devons prendre garde à ne pas jauger ni juger les comportements des Avoth comme relevant de notre propre manière de réagir, en même temps que nous devons comprendre que ce sont des hommes réels.
En jouant sur la palette des nuances que la richesse de la langue française nous permet, je dirais : il faut savoir que, comme nous, ce sont des hommes, mais ce ne sont pas des hommes comme nous.