Conversation 38805 - Qui ne m'a pas faite femme
Pourquoi l'homme tous les matins remercie Hachem de ne pas l'avoir fait femme et la femme remercie de l'avoir fait ainsi ?
Que ferait un homme sans une femme ?
Ou est le respect que l'on doit à la femme qui est la garante de la casherout, du foyer et de l'éducation ?
Merci
Chalom
J'ai écrit trois réponses sur ce sujet. Elles apparaissent sur le site.
Entre temps, je les ai revues et corrigées dans le cadre de la publication d'un nouveau recueil de responsa.
Les voici revues et corrigées (enfin, presque!!)
Juif libre et homme
Pourquoi dans les bénédictions du matin remercions-nous Hachem de ne pas nous avoir fait goy, esclave et femme (pour les hommes) et non pas de nous avoir fait juif, libre et homme?
Pour répondre à votre question, c'est un article entier qu'il faudrait, article qui pourrait résumer les centaines de pages (sans exagération aucune) écrites à ce sujet. C'est que le sentiment de malaise que semblent éveiller en vous ces bénédictions est partagé par beaucoup, y compris de nombreux rabbins orthodoxes.
Des bénédictions de ce type se trouvent chez les Grecs, les Perses, et il y est fait allusion dans le Nouveau Testament. Nous ne reviendrons pas sur la question de savoir qui a emprunté à qui, question sur laquelle les avis sont partagés et qui ne présente somme tout que peu d'intérêt pour le Juif qui est appelé à les réciter aujourd'hui tous les matins. Depuis le 18ème siècle elles créent chez certains un léger malaise. A l'époque, à cause de la bénédiction sur les non juifs, plus tard a cause de celle sur les femmes.
L'idée que ces bénédictions devraient être formulées de manière affirmative a déjà été émise au début du 20ème siècle par Abraham Berliner (Ktavim Nivrahim, 1, 21-22), à la base de manuscrits dans lesquels ces bénédictions y étaient formulées ainsi. Selon lui le Gaon de Vilna serait aussi pour une telle formulation.
Plutôt que de tomber dans le revers de l'apologie, je préfère constater que la formulation de ces bénédictions heurte aujourd'hui la sensibilité de plus d'un. Il me semble honnête de faire le constat que ce qui était acceptable et accepté par le passé ne l'est plus obligatoirement aujourd'hui.
Face à ce constat, apparemment trois solutions possibles:
1. Décréter que cette sensibilité est mal placée. Si ces bénédictions ont été formulées de cette manière, c'est ainsi que cela doit être. Celui qui se sent mal avec ces formulations doit se corriger et s'y adapter.
2. Changer la bénédiction et l'adapter aux sensibilités modernes.
3. Interpréter ces bénédictions de manière à les adapter à notre sensibilité.
La première solution, représentative d'une certaine mentalité ultra orthodoxe ne me semble pas adaptée à une grande partie des convictions intimes de nombreux religieux, y compris l'auteur de ces lignes. L'idée de plus d'égalité pour la femme, la crainte de vexer et de blesser sont à mes yeux des valeurs dans la droite lignée de la tradition juive et il n'est pas pour moi question de les abandonner.
C'est le principe de "Kevod Habrioth" que nous pourrions traduire pas dignité humaine, ou mieux dignité des créatures (T.B. Berakhot 19).
La seconde solution, changer les formulations est difficile d'un point de vue de la Halakha, bien que de telles solutions aient été proposées par des rabbins orthodoxes.
Quant à la troisième option, elle ne me semble pas vraiment régler le problème.
Je préfère généralement rester avec une bonne question qu'avec une mauvaise réponse. Ces bénédictions ne me semblent pas trop adaptées aujourd'hui (bien que j'aime la seconde réponse que j'ai écrite à ce sujet, voir la réponse suivante). Ce n'est pas la seule chose dans notre Halakha qui aurait besoin d'être adaptée.
Mais contrairement aux mouvements libéraux, nous considérons que les structures susceptibles d'effectuer ces changements doivent encore être mises en place. Nous attendons avec impatience la mise en pace d'un Sanhédrin, qu aura cœur de résoudre ce genre de questions.
Cependant des voix se sont élevées pour opérer certains changements à ce sujet.
Ainsi, le Grand Rabbin de Metz au début du 19ème siècle, le Rav Aaron Worms (Méorey Or, 4) a interdit de dire cette bénédiction à voix haute à la synagogue, en égard à la sensibilité féminine.
Selon le Rav Haïm Hirschensohn (Malki baKodesh, 4, page 104), cette bénédiction était déjà sujette à discussion à l'époque talmudique, et c'est pourquoi certains récitaient à sa place "qui ne m'a pas fait ignorant". Il précise quand même qu'il n'a pas l'habitude de changer les coutumes, et qu'il dit donc la bénédiction comme elle est imprimée dans les livres de prières.
Consultez à ce sujet aussi ma réponse "la Loi peut-elle évoluer?". Si vous lisez l'anglais, je peux vous conseiller un article du Rav professeur Joseph Tabory, The benedictions of Self-Identity, in Kenishta, Bar Ilan, 5761.
Merci de ne pas m'avoir fait femme!?
Pouvez vous me dire à quoi correspond la bénédiction que les hommes doivent dire dans les bénédictions du matin, à savoir : Beni sois tu Eternel de ne pas m'avoir fait femme.
C'est une bénédiction qui a fait couler beaucoup d'encre ces dernières années. L'explication traditionnelle est que les hommes remercient D'ieu de devoir observer toutes les mitsvoth alors que les femmes sont exemptées de quelques unes.
Une autre tend à dire que même au 21ème siècle et après des dizaines d'années de lutte féministe, la situation des femmes dans la société est moins enviable que celle des hommes.
Qui ne l'a pas fait femme
Pouvez vous m'expliquer pourquoi les hommes disent tous les matins "qui ne m'a pas fait femme" et les femmes disent "qui m'a fait selon sa volonté? On a l'impression que la femme a un statut inférieur alors que c'est totalement faux!! Cette question me perturbe depuis longtemps!
Cette question ne perturbe pas que vous, et elle a fait ces dernières années l'objet de nombreux articles et études.
L'explication que l'on donne habituellement à cette série de bénédictions, "qui ne m'a pas fait non juif", "qui ne l'a pas fait esclave", "qui ne m'a pas fait femme", est que les hommes remercient D'ieu d'être tenus à observer toutes les mitsvot, sans exception aucune, alors que les femmes elles, sont dispensées de certaines mitsvot. Ce style de bénédictions se retrouve chez les Grecs et les Perses. Mais il semble que chez nous, il ait été adopté en signe de protestation contre ce qu'écrit Paul dans son épître aux Galathées (3, 26-29). Ceci dit, il serait vain de nier que nos ancêtres, nos sages y compris, considéraient de manière générale les hommes mieux que les femmes sur certains points, et moins bien sur d'autres.
Chavoua tov Rav Kahn,
En complément de la question 38805 concernant les tournures négatives dans les berakhot du matin, je tiens à préciser que dans le rite Italien (encore et toujours!!!) la berakha "chélo assani goy" a été substituée par la formule "chéassani israel". Les historiens pensent que cette modification a été le fruit de la censure à l'époque romaine, époque d'où date ce rite...
Par conséquent, les formulations de berakhot ont pu subir des modifications au cours de l'histoire...
Kol Touv,
Sammy Weindling
Merci de votre contribution
Concernant la question 38805 de davidd2141, je rappelle ce que j'avais envoyé en commentaire de votre réponse à la question 35457 posée par Adame :
" Adame écrit aussi « Comment comprendre sans circonvolution la beraha matinale des hommes. ».
Je voudrais citer à ce sujet une explication tirée du livre "Cabale et Cabalistes" de Charles Mopsik (Albin Michel), note p.183 : « Le sens de cette bénédiction est de remercier Dieu de ne pas avoir réincarné une âme d’homme dans un corps de femme. » "
Merci pour votre contribution, bien que je ne colle pas vraiment à ce qu'écrit Charles Mopsik.