Conversation 69155 - "Vehathalith al koulana": Thora au féminin
bonjour tout le monde,
merci tout d'abord pour votre site que j'adore
voila je viens de lire quelques articles parus dans la presse française et suis vraiment outrée voire choquée d'une part du hilloul hachem commis par des hommes juifs religieux en israel et d'autre part par leur comportement stricto sensu.
Est ce vraiment assour al pi halaha pour les femmes de:
- tenir un sefer torah ?
- mettre une kippa?
- porter le talit et les tephilines?
- lire la torah ?
Pourquoi une telle animosité à l’égard de ce groupe de femme qui a voulu faire tout ceci devant le kotel? (même si elles sont reformées soi disant)
N'ont elle pas le droit si elles en éprouvent le besoin, le désir de faire tout cela , de faire toutes ces actions ?
Ne sont elles pas que de malheureuses créatures d'hashem qui ont envie de faire toutes les mitsvots, si ce n'est pas assour?
A ma connaissance ce n'est pas interdit , ce n'est plus vraiment d'actualite en 2013 qu'une femme lise la torah etc ... mais les filles de Rashi mettaient les tsitsit et les tephilines, non ?
Ces hommes juifs me dégoûtent, religieux ? mais pourquoi s'attaquer a ces femmes, même si cela constitue une avera il y'a une manière de réprimander son prochain non ?
qu'en est il au niveau de la halaha, est ce criminel ? passible de punition ? réprouvé par la thora?
Tout ceci me donne envie d'aller de ce pas m'inscrire au seminaire d’étude rabbinique pour femme de mon quartier ! et je suis très sérieuse!
Les femmes ont le droit d'avoir envie de faire toute la torah elles aussi , elles veulent elles aussi avoir une part magnifique au olam haba et elles aiment leur créateur elles veulent s'attacher a lui ! Et par pitié ne me répondez pas que la femme a tout un tas de façon autre que tout cela de s'attacher à son créateur comme aller préparer le tchoulent de chabbat, éduquer ses gosses ou aller au mikvé, si vous voyez ce que je veux dire ! ça c'est être l'esclave du foyer et pas de son créateur !!
Et meme si ça l'était et ben pour certaine femmes ce n'est pas suffisant.
Je veux svp une vraie réponse, merci beaucoup .
Veuillez excusez mon énervement et mon exigence.
Merci de bien vouloir me répondre et encore une fois merci pour tout votre beau travail !
Nehama
Shalom,
Premièrement, je tiens à éclaircir certaines choses: je ne fais pas de politique et ne tiens en aucun cas à émettre une quelconque opinion sur les incidents du kotel. Evidemment, je ne pense pas qu'il est bon que le kotel devient un lieu de discorde et je pense qu'il y a là un grand problème de h'iloul hashem (je ne dirai cependant pas à qui la faute et n'accuserai personne).
Deuxièmement, je me suis permis de changer quelque peu le texte votre question pour des raisons que vous comprendrez.
Troisièmement, nous sommes un site qui a pour objectif de répondre à des questions de loi et pensée juive. Si votre question est sincère, ce que je veux bien croire, pourquoi tant de véhémence et de velléités dans le ton...? On ne peut parler d'halah'a tant que les esprits ne sont pas calmes.
Maintenant, concernant votre question, ou plutôt vos questions.
1. Les femmes peuvent-elles tenir un sefer-torah?
2. Les femmes peuvent-elles porter une kippa ?
3. Les femmes peuvent-elles porter un talith et des tefilin ?
4. Les femmes peuvent-elles lire la Torah?
5. Comment réprimander de nos jours ?
Réponses :
Avant de répondre - il nous faut citer les propos de nos Sages: "nous devons rendre heureuses les femmes" (la'assot nah'at rouah' lanashim - Sifra, Parasha 2 et T.B. Hagiga 16b). Quoi qu'il en soit, je vais tenter de ne mécontenter personne, tout en restant le plus objectif possible. Certaines circonstances peuvent faire varier deux-trois choses, mais c'est à voir au cas par cas - je vous décrit donc les grandes lignes.
1. Le Rema sur OH 88 ramène une opinion selon laquelle une femme nida n'aurait ni le droit d'entrer dans une synagogue, ni de prier ou encore de dire le Nom Divin, cependant, il la repousse et dit que l'usage est selon l'opinion qui dit qu'elles ont le droit. Les Ah'aronim dans leurs commentaires (ad loc.) disent qu'une femme doit prier et peut tout faire, y compris venir à la synagogue, mais si elle veut elle peut être plus stricte et ne pas regarder le livre de la Torah, quoi qu'il en soit, il est clair de leurs propos qu'elle en a le droit, par conséquent, elle pourra aussi le toucher (comme pour l'embrasser et le tenir). Cependant, dans certaines communautés il est d'usage que les femmes nida ne regardent pas le sefer torah lorsqu'on le soulève (hagbaha - cf. MB sur OH 88 et Darkei Tahara, p. 57), par conséquent, dans ces lieux, elles ne pourront pas le porter.
2. Le port de la kippa est un usage qui a pris force de loi et ce n'est pas l'usage que des femmes la porte.
3. cf. 52899 et 68019 par exemple et de nombreuses autres sur le site.
4. Le Sh. Ar. (OH 282,2) dit qu'une femme peut monter à la Torah, tout comme les enfants - sauf qu'on ne le fait pas car cela peut heurter la sensibilité de l'assemblée (kvod hatzibour). C'est un argument assez sérieux qui fait que pratiquement on ne fait pas monter les femmes à la Torah. Toutefois, si toute l'assemblée est constituée de femmes - cet argument n'a pas lieu d'être.
Cf. encore la 6478 et c'est également l'opinion de plusieurs rabbins (dont le Rav Yaakov Emdin, appelé "Yaavetz") que si tous les hommes présents sont prêts à ce que les femmes montent à la Torah - elles le peuvent. C'est toutefois un avis controversé.
5. La guemara (TB Erkhin 16b - selon la version du Shita Mekoubetzet, ad loc.) ramène les propos de Rabbi Tarfone qui dit qu'à son époque il ne se trouve plus personne qui puisse réprimander correctement - que devons-dire, nous, qui sommes très loin de cela... à plus forte raison !
Le H'azon-Ish (YD 2) écrit: "de nos jours, alors que la foi s'est détachée d'une partie du Peuple - le fait de réprimander ou d'astreindre ne fait qu'augmenter le problème à la place de le résoudre, puisque c'est à leurs yeux... de la violence. Et puisque toute notre essence est de réparer - cette loi n'a pas lieu d'être lorsqu'elle ne répare rien, et l'on doit rapprocher tout le monde de D'ieu avec amour et les illuminer de la lumière de la Torah, autant qu'on le peut".
Ceci étant, si vous voulez approfondir réellement cette question "politique" - je vous propose d'étudier la notion de "h'iloul H'" qui, à mon sens, est la clé... (chacun dit que l'autre fait du h'iloul H' - mais qu'est-ce ? Quelles sont ces limites et définitions ? etc.)
Kol touv
Bonjour Rav,
J'ai été heureux de voir votre réponse concernant l'interdiction de porter les tephilines pour les femmes, je ne comprend pas comment tant de rabbanims que je ne citerai pas peuvent autoriser cela, ou bien dire qu'il fait être tolérant...
En plus de votre source du choulhan Aroukh , les guedolei Ador Maran Ovadia yossef et Rav Steinman se sont fermement oppose au port du talit et tephilines et je ne comprends pas comment certains rabbanims se permettent de dire autre chose...
De tout temps Am Israel a toujours suivi les grands Khakhamims de la generation!
Je voulais avoir votre avis a ce sujet, que pensez vous des mouvements qui ne suivent pas les guedolims?
Merci Rav Chavoua tov
Shalom,
Je m'excuse par avance, cette réponse qui eut dû être brève s'en voit élargie, puisque c'est un point qui m'est sensible.
1. Vous avez dû mal lire, je n'ai jamais dit que les femmes n'avaient pas le droit de mettre les tefilin, mais juste qu'elles en sont exemptes et que ce n'est pas l'habitude. C'est d'ailleurs ce qui est écrit dans le Shoulh'an Arouh'! Si elles veulent, elles peuvent les mettre. Je n'ai par ailleurs exprimé aucun jugement de valeur si quiconque ou quelconque phénomène religieux ou social et je préfère ne pas m'exprimer sur ce sujet et juste dire ce que dit la halah'a.
2. Le judaïsme n'est pas une dictature et le concept de "guedol hador" est relativement récent. Sa signification - telle qu'elle est généralement comprise aujourd'hui date du début du 20ème siècle (je pense surtout à la grande assemblée de rabbins qui eut lieu à Vienne en 1923 où pour la première fois on introduisit le terme de "guedolim"). Désolé de détruire un mythe...
Nos Sages, lorsqu'ils parlent de "guedol hador" dans le Talmud expriment le fait qu'une personne ait une grande influence et que tout le monde l'écoute, c'est le constat d'un fait. Ce n'est pas l'obligation de l'écouter, mais le fait que tout le monde l'écoute qui lui prodigue son statut. Il s'agit donc plus d'un statut politique que rabbinique. Il y a plusieurs preuves à cela.
Premièrement Avraham était un "guedol hador" (TB Kidoushin 32b) et il rassembla chez lui tous les "guedolei dor" (y en avait-il donc plusieurs ? Il était pourtant le seul hébreu!).
Deuxièmement, le Talmud dit (TB Pessah'im 49b) qu'il faut marier sa fille à un homme sage (talmid h'ah'am), mais que si on n'y arrive pas on la mariera à la fille d'un "guedol hador" et après les degrés descendent (si on n'y arrive pas, etc.). Comment se fait-il qu'il soit moins qu'un talmid h'ah'am ?!
Troisièmement, lorsqu'Elisha Ben Abouya, communément appelé "Ah'er" (l'autre) est né, nous dit le Talmud de Jérusalem (H'aguiga chap. 2, hal. 1) les "guedolim" sont venus, puis Rabbi Eliezer et Rabbi Yehoshoua (qui étaient incontestablement les plus grands maîtres de l'époque), c'est donc qu'ils ne font pas partie des "guedolim", comment est-ce possible ? D'ailleurs son père nous dit le Talmud (ad loc) était un des "guedolei yeroushalaim" - un des grands des Jérusalem. Pourtant, il s'appelle Elisha ben Abouya et non pas Elisha ben RAV Abouya.
En effet, le terme "gadol" chez nos Sages a souvent été interprété comme "richesse" (un homme riche se dit donc "adam gadol") - cf. Rav Avraham Heimann, Toldot Tanaim veAmoraim, Londres, 5670, p. 155-156.
Un "gadol" est donc un homme dont la force (politique, pécuniaire ou religieuse) fait qu'on l'écoute, mais il n'y a pas de devoir de l'écouter.
Par contre, il faut écouter son Rav et le respecter, tout comme il faut respecter les gens âgés et les gens érudits. Mais c'est sans rapport avec le concept de "gadol".
A part cela, la halah'a a toujours été dynamique et les discussions se font sous forme d'arguments, peu importe qui les dit. Un argument pas bon ou pas prouvé dans les textes ne peut être unanimement reçu, même si c'est le plus grand des rabbins qui le dit. Ce qui fait la force d'un décisionnaire c'est son argumentation et ses preuves. Si ce qu'il dit n'est pas approuvé ou illogique, cela ne peut aucunement être "la Volonté Divine"...
Je pense que c'est important d'être conscient de cela.
Ne croyez pas tout ce que l'on vous dit, le judaïsme nous invite à l'étude et en fait c'est surtout une invitation à la réflexion. D'ieu veut qu'on arrive à Lui, par nous-mêmes. Il n'est pas donné à chaque juif d'être décisionnaire, mais chaque juif se doit d'étudier la Torah, cela veut dire aussi réfléchir.
Bonne étude et kol touv