Conversation 19700 - Les requins vegetariens

NathanninNathan
Dimanche 17 octobre 2004 - 23:00

Shalom Rav, Rav

Suite à la lecture de la parashat Noah (toujours dans le pchat, chaque chose en son temps) quelque chose me chipote dans les conséquences du Déluge:
a. sont décrits dans le deuxième chapitre de Bereshit les quatre fleuves partant de l’Eden, ainsi que leurs trajets, les pays qu'ils traversent, etc.
b. le Malbim explique que, suite au Déluge, la recherche de fossiles est superfétatoire, vu la modification drastique des strates géologiques occasionnées par le Déluge. (Je suppose que c'était un contre-argument aux théories darwiniennes?)
c. en ce cas, comment imaginer que ces modifications n’aient pas affecté les fleuves et leurs trajets ? Et le paradis terreste lui-même, qu'est-il advenu de lui? Englouti? Remonté au ciel?

Par ailleurs, je commence à avoir l’impression que tout comme le premier homme (cf 19379), le paradis terrestre n’était pas un lieu “extraordinaire” en soi , mais que la Shekhina s’y ressentant particulièrement fort, les miracles qu’on y décrit (des animaux carnivores végétariens, tous les êtres vivant en harmonie sous la férule de l’homme, que Platon qualifie si justement d’homme “nu”, etc.) ne pouvaient avoir lieu qu’en cet endroit là… (Ce qui me tranquilliserait par rapport aux requins que je n’imagine décidément pas végétariens et soumis à l’homme !) Puis-je me fier à cette impression ?

Rav Elyakim Simsovic
Lundi 18 octobre 2004 - 23:00

La seule chose sûre que nous sachions à ce propos c'est que précisément le fait d'en avoir été exclus nous le rend inaccessible, y compris (sinon surtout) pour l'entendement. C'est en particulier l'effet du "glaive tournoyant" qui en est responsable, et il est précisément là pour ça. Autrement dit, la Thora nous prévient : il est important de savoir que cela a été, puisque finalement c'est cela qui sera, avec le mérite de l'effort en plus (c'est-à-dire qu'il ne s'agit pas d'un retour nostalgique à un paradis perdu, mais d'une marche dynamique vers un paradis gagné). Entre-temps, poursuit-elle, c'est ici que tu vis, sur cette terre et c'est elle qui dois te préoccuper ; ne t'étonnes pas que certaines réalités te soient devenues opaques - ou que tu sois devenu opaque à certaines vérités. C'est normal. Ces choses ne sont pas données d'abord à l'intelligence, mais à l'intuition morale. Et l'étude de la Thora est là pour s'assurer que cette intuition ne s'égare pas.

NathanninNathan
Mardi 19 octobre 2004 - 23:00

Suite à 19700

a) Je me souviens avoir entendu ou lu, mais il y a trop longtemps pour que je me rappelle de la source, qu’un homme rêva qu’il était au Gan Eden, et qu’il voyait des Sages deviser de Tora entre eux. “Ah bon, ce n’est que ça, le Gan Eden ?” s’exclama-t-il déçu. Il lui fut alors répondu : “Tu te trompes. Ils ne sont pas dans le Gan Eden, c’est le Gan Eden qui est en eux”

b) Pirke Avot 3:6 (je recopie le passage pour ceux de mes camarades cheelanautes qui ne connaissent pas le texte) :
Rabbi Halafta ben Dossa du village de Hanania dit :
Si dix hommes sont assis et s’affairent à la Tora, la Shekhina demeure entre eux, comme il est dit : « Dieu se tient dans l’assemblée divine » (Psaumes 82 :1)
Et comment savons-nous qu’il en est de même pour cinq aussi ? Parce qu’il est écrit : « Il A appuyé Son faisceau (agouda, sens proche d’union, ex : agoudat leoumit) sur terre » (Amos 9 :6)
Et comment savons-nous qu’il en est de même pour trois aussi ? Parce qu’il est écrit : « Au milieu des juges, Il Juge » (Psaumes 82 :1) (Ca, c’est la traduction du rabbinat, en auriez-vous une “meilleure” à proposer ?)
Et comment savons-nous qu’il en est de même pour deux aussi ? Parce qu’il est écrit : « Alors ceux qui craignent YHVH se parlèrent, chacun à son voisin, YHVH Entendit et Ecouta » (Malachie 3 :16)
Et comment savons-nous qu’il en est de même pour un aussi ? Parce qu’il est écrit : « En tout lieu où Je Rappellerai Mon Nom, Je Viendrai à toi et Je te Bénirai » (Exode 20 :24)

c) Bien sûr, “entre”, ce n’est pas tout à fait la même chose qu’ “en” mais ce détail mis à part, la conclusion que j’en tire (“Le paradis terrestre n’était pas un lieu “extraordinaire” en soi, mais la Shekhina s’y ressentait particulièrement fort, ce qui rendait possible tous les miracles”) n’est-elle pas “logique” ?

Rav Elyakim Simsovic
Jeudi 21 octobre 2004 - 23:00

Elle est logique mais fausse.
Pourquoi chercher à modifier le contenu de ce que la Thora nous dit en toute simplicité. Le Gan Eden inférieur, aussi appelé le Gan Eden Haarets était (est) un lieu particulier où ce que nous appelons la nature n'était (n'est) pas figé en masque qui cache la présence divine et ou Dieu et l'homme pouvaient (peuvent) résider ensemble.
C'est cela (entre autres) que le Temple de Jérusalem réalise en préfiguration d'un monde réussi (voir aussi Rachi sur le début de Béhouqotay - s/Je marcherai au milieu de vous)

NathanninNathan
Mardi 19 octobre 2004 - 23:00

19700

Si vous me permettez la remarque, il y a quelque chose qui me déplaît lorsqu'on évoque l’intuition. Si je ne m’abuse, le mot "intuition" se traduit en hébreu par ni’housh (ניח׀ש) terme fort proche de na’hash (נחש).
Comment en ce cas se fier à son intuition? Cette “voix” qui s’impose soudainement à l’esprit comme une évidence, voire une révélation, est-ce la sainte inspiration qui souffle, ou le serpent qui siffle ?! (Un peu imagé, c’est exprès !)

Pour ma part, c’est justement parce que je carbure à l’intuition que je sollicite si souvent vos réponses éclairées (et la plupart du temps, ces “géniales” intuitions étant fausses mais alors là, heureusement que vous êtes là pour m’extirper du pétrin, et quel pétrin, où je serais coincé sans vous !)

Rav Elyakim Simsovic
Jeudi 21 octobre 2004 - 23:00

Non, c'est inexact. Nihouch est littéralement de la "divination" et populairement ça veut dire "deviner"
Pour dire intuition on dit en hébreu contemporain "téhouchat beten", c'est à dire un sentiment qui vient des tripes. C'est très différent. C'est-à-dire qu'il s'agit d'une connaissance qui a sa source non d'abord dans la raison raisonnante mais dans la conscience de qui on est.

Ce qui peut être en cause, c'est que d'une part l'influence culturelle et spirituelle peut avoir affecté l'identité et l'intuition vient non du côté hébraïque de l'être mais de chez les voisins, ou, moins grave mais encore problématique, que le décodage de l'intuition vienne d'ailleurs, ce qui en fausse bien sûr la signifcation au niveau de la conscience lucide.

L'intuition est donc un outil fort précieux qu'il faut polir, affiner, aiguiser, épurer, et dont il faut mettre les énoncés à l'épreuve de la connaissance.