Conversation 53343 - Et zut, c'est une fille ...
Je suis surpris d'apprendre que lors de la naissance d'une fille on doit dire la bénédiction de Cheyehianou mais pour un garçon celle de Hatov véhametiv !
Est ce qu' avoir un garçon est considéré comme lorsqu'on boit un second vin de qualité supérieure par rapport a un premier (qui serait la fille) ?
Y a t il une justification ?
merci d'avance
Chalom,
La Guemara indique que la benediction pour la naissance d'un bebe garcon est "ha-tov vehametiv" (Brakhot 59b). Pour une fille, au depart en tout cas, on ne recite aucune benediction (cf. Choul'han Aroukh 223:1).
C'est encore ainsi que l'on procede dans certains cercles sepharades. Toutefois, la Michna Beroura precise que l'on recite sur la naissance d'une fille la benediction de Chehe'heyanou.
Pourquoi cette difference ? La reponse la plus honnete est qu'au temps du Talmud, la naissance d'un garcon occasionnait une joie plus grande que la naissance d'une fille. Voyez ce qu'ecrit a ce sujet la Guemara dans Nidda 31a : זכר שהכל שמחים בו מתחרטת לשבעה, נקבה שהכל עצבין בה מתחרטת לארבעה עשרה
Une telle attitude existe encore de nos jours, mais de moins en moins, et heureusement! La plupart des parents se rejouissent tout autant d'avoir une petite fille qu'un petit garcon, et c'est ainsi que les choses doivent etre.
Certains rabbins ont pris acte de ce changement de psychologie, et permettent des lors de reciter la benediction HaTov veHametiv pour la naissance d'une fille, abolissant ainsi une distinction qui n'a plus de raison d'etre.
Un exemple (rav Benjamin Lau): http://www.kolech.com/show.asp?id=18644
Suite à la question 53343 :
merci pour votre réponse et la rapidité à me la fournir.
Merci aussi pour les références, mais je dois dire que j'ai un peu de mal à admettre que lorsque la tendance talmudique (ici clairement en faveur des garçons) s'opposent à une sorte de politiquement correct, on insinue que les Sages sont orientés selon un contexte historico-sociologique.
Toute proportions gardées, n'est ce pas ré-entendre l'argument inversé de juifs fumant chabbat (hypothèse imaginaire évidemment) et prétextant: la cigarette n'existait pas au temps de Moshé, j'ai donc le droit ?
Pourquoi vouloir adoucir les termes du Talmud ? A moi il me semble que clairement le Talmud enseigne une nette préférence pour les garçons.
Point.
Que c'est notre culture. Que cela ne signifie pas qu'il faille dénigrer les filles (h'as véchalom) mais que les Rabbanims avaient SANS DOUTE des raisons autres que conjoncturelles pour estimer qu'Hachem privilégiait davantage la venue d'un fils que d'une fille (peut-être par le fait que le pydion habne, la mila, la bar mitsvah étaient des occasions de mitsvot que l'on ne retrouve pas chez la fille).
Peut-être aussi que la persistance du nom ne se fait que par le fils, que la survie de l'Étude ne passe que par les fils, que l'enseignement halakhique ne passe que par la transmission d'un père a son fils, qu'un père est davantage stimuler à lui-même étudier davantage s'il est "challengé" par ses fils et beaucoup moins par ses filles (encore une fois c'est une supposition)...
Bref que le fils possède encore et toujours le symbole de la Transmission avec un grand T (et d'ailleurs c'est transculturel et international).
Est ce si grave ?
Pourquoi refuser cette vision au Talmud sous prétexte que ça choque aujourd'hui et que l'on prêterait ainsi le flanc à une critique féministe (pour le coup aussi bien mérité !)
Attention je ne dis pas que votre réponse ne fait pas sens (j'y adhère même), je ne dis pas non plus que les filles ne peuvent pas satisfaire aux mêmes transmissions que j'évoquais (quoique c'est carrément impossible - Cf la polémique avec la nouvelle Rabba), mais le moyen de relativiser selon le contexte historique me gène, moi, a qui on a toujours enseigné que si la Torah le dit, c'est elle qui a raison et pas le contexte ni l'extérieur.
Pourquoi ne pas assumer ?
Cordialement
Chalom,
Merci de vos remarques, qui sont parfaitement legitimes, meme si je ne partage pas votre point de vue.
Votre position est, je crois, quelque peu contradictoire. Dans le meme message, 1) vous suggerez d'accepter tel quel l'enseignement du Talmud, qui aurait une nette preference pour les garcons, ceci etant notre culture, et il ne faut pas chercher a l'adoucir, mais 2) vous proposez toute une serie d'explications justifiant de l'absence dans le Talmud de toute benediction pour la naissance d'une fille, cette derniere ne representant pas la tradition, ou n'ayant pas les mitsvot comme la milah, le pidyon, etc.
Vous voulez vous faire l'apotre de la soumission aveugle a l'autorite (divine ou rabbinique), mais de toute evidence vous vous sentez neanmoins oblige de trouver une justification logique a ce que vous aussi percevez comme une situation problematique.
La Torah n'a rien a craindre des questions difficiles. Mais il faut avoir le courage de l'honnetete intellectuelle. Sur cette base, examinons vos arguments d'un peu plus pres.
Je trouve les justifications que vous avancez apologetiques, et ce pour deux raisons principales.
La premiere, c'est que plusieurs d'entre elles sont insoutenables du point de vue de la halakha. Par exemple, le rituel de la brith milah inclut de toute maniere la recitation d'un "Chehe'heyanou"; de meme pour le pidyon haben. La brakha sur la naissance a donc une autre fonction que celle de se referer a ces commandements. Chaque evenement recoit, de maniere independante, sa propre brakha. En fait, dans la logique du systeme, il faut comprendre que la benediction se refere a un evenement survenu, et non a ses consequences futures et incertaines.
La deuxieme raison, c'est qu'aucune des raisons que vous avancez n'est mentionnee par le texte. Nous avons plusieurs textes talmudiques indiquant que la naissance d'une fille est percue comme un evenement moins joyeux que la naissance d'un garcon, voire carrement triste. Aucun d'entre eux n'explique que le fils represente la Tradition, la perpetuation du nom de famille (qui n'existait de toute maniere pas encore a l'epoque de la Guemara), ou autre chose.
Une fois le spectre de l'apologie repousse, vous n'avez que deux lectures possibles du texte talmudique: celui-ci est soit prescriptif, soit descriptif. La premiere voie est celle que vous mentionnez - l'obeissance aveugle. Cette voie n'est elle-meme pas sans difficultes, la plus evidente etant qu'une telle position heurte notre sens moral. Essayez donc de dire a votre femme que la Torah priviliegie la naissance d'un garcon a celle d'une fille, et tenez-moi au courant de sa reaction. Mais en verite, de nombreux hommes trouvent une telle idee inacceptable aussi. Je me souviens avoir lu un article en ce sens sous la plume du rav Jonathan Sacks, actuel grand Rabbin du Royaume Uni, et dont ni l'erudition ni l'orthodoxie ne sauraient etre mises en doute.
L'autre lecture consiste a dire que le Talmud ne nous ordonne pas de considerer la naissance d'un garcon comme preferable, mais que telle etait la situation a l'epoque, et que les Sages en ont tenu compte. De nos jours, le consensus social est largement different. Personnellement, cette vision des choses a tres nettement ma preference. Et je tenais a signaler que certaines autorites rabbiniques n'hesitaient pas adopter ce point de vue et d'en tirer les consequences halakhiques qui s'imposent.
Pour ceux qui le souhaitent, du moins, il y a sur qui s'appuyer aujourd'hui pour reciter la meme benediction pour une fille que pour un garcon.
Suite à la question 53367
Merci pour votre réponse. Vous visez tout à fait juste (même si j'aurai aussi des contre-arguments !) mais je suis en effet déchiré, vraiment, entre mon sens 'moral' et mon obéissance à la Torah. Le premier étant le fruit de mon simple et petit vécu, il est clair qu'il ne devrait rien peser par rapport au deuxième. Et pourtant...Je suis un peu révolté du traitement que semble donner le Talmud aux filles mais qui suis-je pour contredire des rabbanims ? d'autre part je n'arrive pas a concilier l'enseignement que j'ai reçu et qui confère à chaque syllabe d'un Tana une portée universelle, quasi mystique, matière première de tout Youn et l'idée que certaines citations du Talmud ne soient que des considérations de l'époque, un peu comme léavdil des "brèves de comptoir"- fussent elles entre génies.
Cette vision "descriptive" (ou même ne serait-ce que sa possibilité) du Talmud selon vos termes est très, très, très douloureuse pour moi : s'il elle s'avérait, comment freiner cette tendance sur n'importe quel autre domaine et notamment comprendre des Halakhot issues d'une exégèse qui aurait loupé l'aspect contextualisé et "descriptif" ? Ce serait alors un peu la porte ouverte à toutes les dérives...
En même temps, les citations littérales kav yakhol limites provocatrices du Talmud (j'en ai encore trouvé une hier dans Pessah'im "comme par hasard" ;-))) ne considérant les files que comme une occasion ratée d'avoir un fils - ou un "mal nécessaire" pour peupler le monde, tout ceci, m' horripile.
Jusqu'à la berakha Hatov véHamétiv !
Alors forcément, nécessairement, pertinemment ces citations doivent avoir une raison forte, splendide,grandiose ! je ne peux pas imaginer que des Tanaïm se soient laissés allé à une sorte de misogynie orientale...la même que l'on retrouve hélas encore aujourd'hui et pas que chez les séfarades (relisez le "Patron avant tout" par exemple) ...
Ce serait tellement plus simple a gérer si, en effet la Torah "préférait" les garçons aux filles pour des raisons valables ! Ou mieux, pardon, qu'il n'y ait pas eu du tout ces déclarations si affligeantes !
Le conflit entre mon éthique personnel et l'orientation talmudique que je perçois n'est pas réglé...et en attendant la société juive - dans son écrasante majorité quoique vous en disiez - continuera a considérer le "fils" -et non la fille- comme un accomplissement et une source de bénédiction.
Merci en tous cas pour votre temps et pour vos lumières.
Kol Touv
Chalom,
Merci d'avoir accepte de publier ce commentaire, lequel jette a mes yeux un eclairage particulierement interessant sur le fond du probleme et la maniere dont il peut etre ressenti.
Je ne crois pas qu'il soit necessaire de prolonger ici ce debat. Les questions soulevees sont certainement passionnantes, mais ne peuvent etre traitees de maniere exhaustive dans le cadre d'une reponse sur Cheela.
Je vais donc me contenter de preciser encore que le dilemme que vous voyez, entre la Torah divine et les valeurs humaines, ou entre la halakhah et la moralite, n'en est pas forcement un. Les plus grands rabbanim, au fil des siecles, se sont laisses guider par des considerations d'ordre moral dans leur interpretation des sources halakhiques. Pensez aux exemples des femmes agounot, ou des enfants mamzerim, pour lesquels n'importe quel rabbin essaye de trouver des solutions halakhiques constructives pour les liberer de leur statut peu enviable.
Et ne pourrait-on concevoir que notre sens moral soit d'origine divine ?
Suite à la 53367
Il est fait mention dans la guemara (je ne saurais plus dire ou) qu'une fille est un problème car elle provoque l'angoisse chez son père à tous les stades de sa vie et c'est pour ca qu'elle constitue une moins bonne nouvelle.
Par ailleurs, emettre l'hypothèse que les tanaim et amoraim aient proféré cet avis sur le sexe de l'enfant, simplement parceque c'était l'esprit de l'époque me parait assez difficile à comprendre lorsqu'on parle de gens qui pour certains avaient rouah hakodech et dont l'on decortique la moindre mémra, analysant et pesant chaque mot sorti de leur bouche pour en tirer une lecon morale. Bref je rejoins assez le cheelanaute, il me parait compliqué de comprendre qu'on sacralise autant les textes émanant de ces rabbanim pour ensuite dire, que concernant leur avis sur filles/garcons , ils se sont juste laissés guidés par l'époque ...
Par ailleurs, ils étaient très probablement tous versés dans l'étude de la mystique tout autant que de la halakha et avaient donc accès à d'autres modes de raisonnements ou considérations métaphysiques pouvant expliquer leurs avis sur la masculinité et la féminité qui sont des notions à part entière du point de vue mystique
Chalom,
Merci de vos remarques, meme si une nouvelle fois je dois constater que nous ne partageons pas le meme point de vue.
A mon sens, les Tannaim et les Amoraim etaient de grands hommes, pas des surhommes. Nuance de respect differente.
Par ailleurs, invoquer l'argument de la kabbala revient a figer le Judaisme une bonne fois pour toute. Comment pourrait-on changer quoi que ce soit, dans les limites de ce que la halakha permet bien evidemment, alors que Rabbi Akiba et ses collegues avaient acces a des considerations mystiques qui nous echappent a jamais ? En tout cas, la Michna Beroura, qui preconise de reciter "Chehe'heyanou" pour la naissance d'une fille, ne voyait pas les choses comme cela.
Mais ne laissons pas ce debat, meme s'il est passionnant et necessaire, nous faire perdre de vue l'idee essentielle de notre presente discussion: pour les heureux parents d'une petite fille, il est important de signaler qu'il existe des autorites halakhiques orthodoxes qui leur permettent de reciter, de nos jours, la benediction de HaTov veHametiv, comme pour un petit garcon.
En rapport à la 53387, on peut rajouter, tout simplement, que dans l'antiquité le garçon faisait bénéficier son environnement d'une façon plus notoire que pour une fille, qui ne "sortait" pas tant que ça (Quoique bien plus qu'on le penserait. Une simple lecture de la Bible montre qu'elles avaient une certaine part à la vie active). La bénédiction "Hatov ve Hamétiv étant récitée, entre autres, lors d'un événement dont nombreuses sont les personnes qui en bénéficient, on comprend alors qu'elle soit plus destinée à la naissance d'un garçon qu'à celle d'une fille.
Mais ce serait alors rater tout ce passionnant débat...
Chalom,
Merci de cette interessante remarque.