Conversation 54209 - Des perruques mortelles !

tmima
Mercredi 27 octobre 2010 - 23:00

Nous habitons a Jerusalem mon mari a ete a un cours de Rav Ovadia Yossef Chalita ou il parlait du probleme du port de la perruque.
En dehors de l'aspect Halakhique controverse il a evoque un argument tres fort : L'interdiction de la Torah de profiter d'un mort !
En effet la plupart des perruques proviennent de cheveux de femmes decedees issues de familles pauvres d'Inde de Chine Russie etc qui se remunerent ainsi (en coupant les cheveux de la defunte) quand un membre de leur famille quitte ce monde. pourquoi personne n'en parle ?
On se souvient en 2005 du probleme de Avoda Zara pour les perruques qui a ebranle Israel. pourquoi ne pas fabriquer des perruques synthetiques sous controle rabbinique En Israel ?

Emmanuel Bloch
Vendredi 29 octobre 2010 - 00:25

Chalom,

Vous savez, les poskim qui permettent les perruques sont au courant de la question que vous soulevez, et ils ont sans aucun doute une reponse valable. A ce niveau de connaissances, il n'y a pas vraiment de surprise.

Mais pour vous repondre plus precisement, il existe une grande discussion, dans la halakha, sur la question de savoir si l'interdiction de profiter du cadavre (Hanaa min ha-met) s'applique aussi aux corps des non Juifs decedes.

Le Choul'han Aroukh (Yoreh Deah 349:1) tranche qu'il n'existe aucune difference, et qu'il est tout aussi interdit de profiter du corps d'un Juif que d'un non Juif. Cette halakha se base sur une techouva du Rachba (numero 365).

Mais le Gaon de Vilna, dans son commentaire sur le Choul'han Aroukh cite plusieurs sources contraires (le Rachba dans son commentaire sur le Talmud, le Ran, et les Tossafot), et selon cette opinion il n'existe aucun interdit s'agissant du corps d'un non Juif.

Il existe meme une opinion intermediaire, selon laquelle Hanaa min ha-met s'appliquerait par decret rabbinique seulement.

Un des grands principes de decision chez rav Ovadia Yossef est qu'il donne une importance primordiale aux decisions de Maran Yossef Karo, l'auteur du Choul'han Aroukh. Donc, sans trop de surprise, il cite l'interdit de profiter du corps d'un non Juif comme source d'interdiction des perruques.

Ses interlocuteurs, qui pensent differemment, ont egalement sur qui s'appuyer.

tmima
Jeudi 28 octobre 2010 - 23:00

en reponse a ma question 54209 sur les perruques:
mon mari m'a dit que le Rav Ovadia Yossef connait par coeur toutes les decisions des poskim qui ont suivi rabi Yossef Karo Za'l et que parfois il tranche lui meme contre Maran. Mais quand c'est un safeq de Oraita il semble raisonnable d'adopter la houmra .
peut-etre il faut considerer qu'en plus du probleme intrinseque du port dont plusieurs Guedolim Ashkenazes (Rav Eliashiv, Rav Sh. Auerbach etc..) ont pris parti contre il y a celui du profit d'un mort et donc risque de double interdiction de la Torah.
De plus le Gaon de Vilna (que vous citez) et le Hatam Sofer se sont prononces contre !
Ceux qui permettent la perruque n'interdisent pas le foulard mais l'inverse n'est pas vrai.
Vous n'avez pas repondu au sujet de fabriquer des perruques synthetiques au normes (courtes ,suivant le Hafets Hayim , etc... ) cela resoudrait les problemes.
Merci Portez vous bien .

Emmanuel Bloch
Samedi 30 octobre 2010 - 13:21

Chalom,

Vous avez raison, bien entendu - rav Ovadia Yossef connait forcément les sources que j'ai citées dans ma précédente réponse (et bien plus encore). Mais la même chose peut être dite des Gedolim ashkenazes qui permettent les perruques. Ou bien pensez-vous vraiment que rav Moshe Feinstein, que le rabbi de Loubavitch et les autres (cf. ci-dessous), ignoraient que l'interdit de Hanaa min ha-met pouvait poser problème dans le cas de cheveux prélevés d'une femme décédée ?

Pour clarifier ma position, le but de ma précédente réponse était de souligner trois points: 1) Il existe des solutions halakhiques au problème du "profit d'un cadavre", que les poskim qui permettent ont pu utiliser, 2) donner un exemple d'une telle solution, et 3) en appeler a votre esprit de tolérance, car chaque possek tranche pour sa communauté propre exclusivement. Tout le monde n'est pas forcé de suivre le rav O. Yossef. Les femmes qui portent des perruques en vrais cheveux ont sur qui s'appuyer.

Vous avez le droit de préférer le foulard a la perruque (et, a mon très modeste niveau, je partage probablement votre point de vue). Mais vous n'avez pas le droit de condamner les femmes qui portent la perruque.

Voila pour l'essence de ma position. Mais je vais quand même vous répondre sur quelques points évoqués en marge de la discussion:

a. Rav Ovadia Yossef tranche parfois contre Maran, mais ces cas sont des exceptions qui confirment la règle. Rav O. Yossef affirme lui-même, dans de très nombreuses techouvot, que l'auteur du Choul'han Aroukh est le "מרא דאתרא" pour tous ceux qui habitent en Israël, et qu'en principe il faut suivre ses décisions. Voyez par exemple Yabia Omer 2 Ora'h 'hayim 8-10.

b. Etre Possek, ce n'est pas juste être capable de comptabiliser les interdits et les permissions, les deorayta et les derabannan, etc. Il y a de nombreux facteurs qui entrent en compte dans la prise de décision, et le moindre n'est pas la réalité du terrain. En pratique, de nombreuses femmes religieuses trouveraient très difficile de devoir mettre un foulard en Europe. Ceci vaut en particulier pour les femmes religieuses qui travaillent.

c. Les rabbanim ashkenazes que vous citez (rav Elyashiv, rav Chmouel Auerbach, et a ma connaissance la même chose vaut aussi pour rav Nissim Karelitz) n'ont pas pris position contre toutes les perruques, mais (a ce que je crois savoir) seulement contre les perruques modernes qui sont indistinguables des vrais cheveux, et sont souvent plus belles qu'une vraie chevelure. La raison est donc très différente, il ne faut pas tout mélanger.

d. Contrairement a ce que vous pensez, il existe des Gedolim qui préfèrent la perruque (même indistinguable de vrais cheveux) aux foulards. Telle était la position du Rabbi de Loubavitch (voir ici:http://www.sichosinenglish.org/books/beautiful-within/20.htm). Voyez aussi la position de rav Moshe Feinstein, Igrot Moshe, Even haEzer 2:12.

e. L'idée de fabriquer des perruques synthétiques est probablement bonne. Je ne vois en tout cas quel problème halakhique cela pourrait poser, la question étant plutôt de savoir si c'est faisable (techniquement et économiquement). Peut-être devriez-vous vous lancer ? :)