Conversation 68439 - Fallait pas attendre le machiah'?

candide
Lundi 1 avril 2013 - 23:00

Beaucoup de gens (juifs religieux ) avec qui je suis a la fac me disent que israel ne devrait pas nous appartenir tant que machiah n est pas la
J aimerais bien avoir quelques elements de reponses a leur opposer basés sur des textes de la torah ou et de rav, rabbins ou gens qui s y conaissent plus que moi en tout cas ...

Rav Elie Kling
Mardi 2 avril 2013 - 06:57

Clarification:

Je suppose que ce que vous entendez par "Israël ne devrait pas nous appartenir tant que le Machiah' n'est pas la", signifie en fait: "nous ne devrions pas rassembler les exiles et proclamer un état indépendant avant la venue du Machiah'". Car, tout le monde est bien sur d'accord qu'Erets Israël nous appartient quelle que soit notre situation politique, que nous y soyons rassemblés ou que nous soyons dispersés parmi les nations. Pour ceux qui en douteraient (?), il suffit de citer les versets de Berechit 13, 15 ; 26,3 ; 28, 13 ou Chemot 32, 13 ou Vayikra 26, 42 a 44 ou d'autres encore, très nombreux! Et desquels il ressort que la propriété juive sur Erets Israël est éternelle. Même au moment où Jérémie annonce au peuple la destruction imminente du Mikdach (chapitre 7), il doit leur rappeler qu'Israël leur appartient de toute éternité, " למן עולם ועד עולם" (verset 7).

Ce petit souci dans la formulation de la question étant clarifié, venons-en au vrai problème: a-t-on ou non le droit de rassembler les exilés et de proclamer l'indépendance d'un état juif en Israël sans attendre le Machiah'?

La question est discutée par les grands rabbanim depuis très longtemps, bien avant que la naissance et les progrès du mouvement sioniste l'aient rendue terriblement concrète. Remarquons tout d'abord que nos sages ont de tout temps envisagé la Guéoula comme un processus par étapes, progressif, et non pas comme un événement unique et spectaculaire qui verrait en quelques heures s'accomplir le Retour des Exilés, la reconstruction du Temple et la résurrection des morts, le tout sous la conduite du Machiah, reconnu unanimement comme tel par le peuple et par le monde.

Par étapes:

Déjà le Talmud (Yerouchalmi sur Berakhot 1,1) raconte:

"Rabbi Hiya Rabba et Rabbi Shimon ben Halafta se promenaient dans la plaine de l'Arbel de bonne heure lorsqu'ils virent apparaitre les lueurs de l'aube. Rabbi Hiya Rabba dit alors à Rabbi Shimon ben Halafta: c'est à cela que ressemble la Guéoula d'Israël: au début, elle n'apparait que très faiblement et puis, petit à petit, elle prend de l'ampleur!"

D'ailleurs la berakha de la amida qui parle du messianisme parle de "tsmih'a", -את צמח דוד תצמיח, מצמיח קרן ישועה - ce qui signifie : pousser, grandir. Il s'agit donc bien d'un processus. Le terme est d'ailleurs emprunté aux prophètes qui parlent de la Gueoula: (voir par exemple Jérémie 23,5 ; Jérémie 33, 15 ; Zacharie 3,8 et 6,12…), comme l'explique le Radak dans son commentaire sur Jérémie: "son apparition dans le monde sera comparable a la pousse des plantes dans le champ"

L'idée est reprise par de nombreux Gedolim des siècles derniers. Ainsi, Rabbi Hillel Rivlin de Chkalov, élève du Gaon de Vilna , expose les vues de son illustre maitre dans son livre "Kol Hator" : "La Gueoula se fera pas a pas, comme la levée de l'aube. Il nous faut donc commencer par une action, même modeste" Et le Rav Kalisher, élève de Rabbi Akiva Igger, appelle au milieu du 19eme siècle les Juifs à se réveiller, acheter des terrains en Erets Israël, organiser une alya massive basée sur l'agriculture. Il somme Montefiore et Enshel Rotschild de prendre la tête d'un mouvement de retour a Sion dans le but de réinstaurer la souveraineté juive en Israël. Dans son livre, "Drishat Tsion". Il écrit (page 37): "Que personne surtout n'imagine que l'Eternel descendra soudainement du ciel en ordonnant à son peuple de quitter l'Exil! Ou encore qu'Il enverra un Shaliah quelconque pour sonner du Shoffar en appelant à la Alya et au retour des exiles a Jérusalem… Ce n'est pas précipitamment en un seul jour que se fera la Rédemption d'Israël mais petit à petit qu'elle germera…". Le célèbre exégète Malbim (qui dirigea notamment les communautés de Bucarest et de Konigsberg), contacté par le rav Kalisher, lui répondra qu'en effet, le retour au pays précédera la venue du Machiah' et la préparera. Il prouve par des versets de Michée (4,5) que ce lent processus se fera en trois étapes essentielles: 1) le rassemblement des exiles 2) la constitution d'un "petit gouvernement", ממשלה קטנה, qui par son autorité pourrait être comparé "un peu à la période des juges avant que la royauté de David ne s'installe" et 3) le retour à la dynastie de David

David lui même prévoit que la gueoula se fera progressivement. Il compose un poème qui apparait 2 fois dans la Bible. Dans le livre de Samuel II, chap 22 et dans Tehilim, chap 18. Dans les Psaumes, il écrit: " (D.ieu) fait pousser ("magdil") les délivrances de son roi " alors que dans Samuel, il dit: "(D.ieu ) est le donjon ("migdol") des délivrances de son roi". Et nos sages d'expliquer dans le midrach:

"La délivrance de cette nation ne se fera pas d'un seul coup mais petit à petit. Ainsi, il est dit "Magdil", celui qui fait s'agrandir progressivement la délivrance. Le peuple en Exil ne supporterait pas une délivrance soudaine et éclatante! Quant au "Migdol" qui se trouve dans le livre de Samuel, il fait allusion à la fin du processus lorsque la délivrance est déjà accomplie et que D.ieu est comparé au donjon protecteur." (Midrach Shohar Tov, sur le Psaume 18)

C'est d'ailleurs pour cela que dans le Birkat Hamazone, on dira "magdil" en semaine qui représente l'exil et migdol le chabbat qui est un avant gout du monde à venir… le Machiah' est donc l'aboutissement du processus et non son déclencheur!

Mais comment savoir si le processus enclenché reçoit l'accord divin? Comment être sur qu'il n'est pas prématuré? Comment savoir si le temps prévu pour l'Exil est bien terminé?

Le signe:

Il n'existe dans le Talmud qu'une réponse à la question précédente.

Dans le traité de Sanhedrin 98a, il est écrit:

"Rabbi Abba enseigne: Il n'y a pas de signe plus évident que la fin de l'exil est arrivée que lorsque la terre donnera ses fruits, comme il est dit dans Ezéchiel 36,8): "Et vous, monts d'Israël, donnez vos branches et portez vos fruits pour mon peuple Israël qui s'approche et revient ".

Commentaire de Rachi: "lorsque tu verras que la terre d'Israël donne ses fruits en abondance, tu sauras que la fin est proche. Et il n'existe aucun signe plus parlant que celui-ci."

Personne dans le Talmud ne s'oppose a l'affirmation de Rabbi Abba . Comme l'explique le célèbre exégète talmudique Maharcha:

"Il est évident que tant qu'Israël ne se trouve pas sur sa terre, celle-ci ne donne pas ses fruits. Lorsqu'elle se remettra à nouveau à être fertile, c'est le signe éclatant de la fin (de l'exil)"

Il s'agit en fait de l'accomplissement d'une promesse déjà contenue dans la Thora, lorsque celle-ci annonce les malheurs qui s'abattront sur Israël et l'exil, le texte précise: "Et je rendrai cette terre déserte". Ce qui était sensée être une malédiction supplémentaire est perçue en fait comme une promesse réconfortante. Rachi: "ceci est une bonne nouvelle pour Israël. Cela signifie que les non juifs n'y trouveront jamais la prospérité. La terre restera déserte" Et Nahmanide qui fit lui même son Alya en 1267 et constata de visu sa désolation, écrit en commentaire du verset précité: "C'est en effet une bonne nouvelle: notre terre n'intégrera pas nos ennemis. C'est à la fois une promesse et une preuve. Tu ne verras nulle part ailleurs une terre qui fut jadis autant fertile et qui est aujourd'hui dans un tel état de désolation! Ils ont tous essaye de la rendre habitable. Sans succès!" Et le disciple de son disciple, Rabbenou Behayé renchérira; "C'est un immense signe en faveur d'Israël: la terre n'acceptera personne jusqu'à que ses rejetons ("אפרוחיה ") ne reviennent vers elle!"

Mark Twain qui visite le pays en 1867, soit 6 siècles après Nahmanide rédige ses impressions dans son livre "The Innocents Abroad" : "Il existe ici une telle désolation que même l'imagination la plus débridée ne peut concevoir ce pays dans sa splendeur passée. Nous arrivons au Mont Thabor. On n'a pas vu âme qui vive tout au long de la route… Ni même un arbre ou un buisson! Même les oliviers et les figues de barbarie, pourtant amis fideles des terres pauvres semblent avoir abandonné le pays… La terre d'Israël semble avoir revêtu des vêtements de deuil, comme si une antique malédiction planait sur elle, l'ensorcelait, contenait ses forces vitales dans des chaines!... La Terre d'Israël n'appartient plus au monde de la réalité vivante… Jéricho semble maudite… Jérusalem est un misérable village!

Les premiers pionniers juifs ne s'y trompent pas. Un scientifique est appelé pour examiner si le terrain qui deviendra bientôt Petah Tikva est habitable. "Je ne vois que la mort dans cet endroit! Aux alentours, il n'y a rien. Ni bête, ni oiseau, ni mouche. C'est donc que la vie y est impossible" Yoel Moché Salomon, l'un des fondateurs de Petah Tikva écrit: "nous avons vu de nos yeux à quel point la terre portait le deuil de ses enfants exilés! … Jusqu'au jour où nous sommes revenus chérir sa poussière. Nous l'avons trouvée détruite et déserte, comme au jour ou nos ancêtres ont dû la quitter… Mais depuis que nous sommes de retour, nos yeux, émerveillés, constatent comment, petit à petit, elle ôte son manteau de veuve endeuillée pour allaiter ses petits, comment elle revêt progressivement sa robe de mariée! Qui serait assez aveugle pour ne pas voir, assez cruel pour ne pas sentir, que c'est la main de D.ieu qui est à l' origine de ce phénomène!" Et, en 1888, 10 ans après la fondation de Petah Tikva, un professeur anglais, John Foster Dusson, qui vient de visiter l'endroit a ces mots étonnants de la part d'un non juif: "C'est un fait. Aucune nation n'a réussi à s'installer ici en tant que telle, aucun souffle national ne fut assez puissant pour s'y établir. Il y a bien un ensemble de tribus disparates qui s'y maintiennent, comme des métayers qui attendraient le retour des véritables propriétaires!"

L'ordre de la gueoula:

Il ressort de ce qui vient d'être dit que le retour des exilés est, simultanément avec la renaissance de la terre, la première étape du processus. Ainsi le Talmud (Meguila 17b) explique que dans la Amida de tous les jours, la bénédiction du retour d'exiles précède directement "birkat hachanim" qui est consacrée a la bonne récolte. Rachi: "c'est donc que le rassemblement des exiles se fera au moment où la terre donnera ses fruits". Ainsi le rav Kook pourra écrire en 1918: "il est clair que le début de la gueoula se dévoile devant nos yeux, les juifs revenant sur leur terre mais le point de départ était il y a quelques années, lorsque la terre a commencé a redonner ses fruits" (Igrot Hareiya, lettre 871)

L'un des geonim de Pologne qui fut considéré comme le décisionnaire de sa génération, le rav Israel Yeochoua Mikoutna, écrit en 1891 dans Yechouot Malko qu'il est clair que le fait de résider en Israël est une grande mitsva "puisque le retour des exiles constitue le début de la gueoula!" Il avait d'ailleurs déjà quelques années avant encourager le rav Kalisher à mener a bien son projet "sans tenir compte des opposants dont les paroles sont dénuées de sens" (בל יפול לבו ואל ירך מדברי המתנגדים כי לא בשכל ידברו)

Les 3 serments:

Si les choses sont si claires, sur quoi donc se fondent ceux qui te disent qu'il faut attendre le Machiah' pour venir en Israël?

Leur premier argument est basé sur un texte du talmud (Ketoubot 111 a) duquel il ressort que nous sommes liés a une promesse, celle de ne pas "monter (en Israël) comme une muraille", ce qu'on interprète généralement par : ne pas organiser une alya de masse. Ils reprochent au mouvement sioniste et aux rabbanim qui le soutiennent de ne pas tenir compte de ce serment (c'est en particulier l'argument majeur du Rabbi de Satmar dans son livre Vayoel Moshé).

Il serait long et fastidieux de résumer ici tout ce qui a été dit pour expliquer que ce qui se passe depuis un peu plus d'un siècle (et plus précisément depuis la création de l'état en 1948 qui a permis a des millions de juifs de faire leur Alya) est compatible avec ce texte de Ketoubot. Contentons-nous de rapporter l'essentiel.

Rachi explique ce texte talmudique par les mots : "יחד ביד חזקה", c'est-à-dire, ce qui est interdit, c'est de monter ensemble par la force. Le Maharcha est plus explicite: "Il est évident que tout juif a le droit de monter en Erets Israël! Il s'agit ici de monter tous ensemble de force et de rebâtir les murailles de Jérusalem. Quant à Néhémie (qui rebâtit à l'époque perse les murailles de Jérusalem), c'était avec l'autorisation du roi (perse)". La Alya individuelle est donc autorisée même contre l'avis éventuel des autorités non juives. La Alya de masse n'est autorisée qu'avec le consentement des nations. J'avoue ne jamais avoir vraiment compris l'argument basé sur le serment pour s'opposer au sionisme. Herzl a précisément lutté toute sa vie pour obtenir l'assentissement des nations et cet accord des nations est même inscrit comme l'un des 4 objectifs fixés au premier congres sioniste dans le "programme de Bale" en 1897. L'accord fut accordé par l'empire britannique en 1917 (Déclaration Balfour) et ratifié par la Société des Nations 2 ans plus tard. C'est même afin de favoriser l'établissement du foyer national juif en Erets Israël que l'Angleterre reçut de la SDN le mandat sur la Palestine. Plus tard, en 1947, c'est l'Assemblée générale de l'organisation des nations unies qui vota la création de l'état juif. Le mouvement du retour des juifs chez eux s'est donc fait avec l'accord des nations. Le serment n'envisage pas d'ailleurs d'obliger les juifs à "redescendre" si les nations, demain ou après demain, revenaient sur leur accord! L'Admour de Sohotchov qui mourut 8 ans avant la déclaration Balfour avait écrit que si les nations donnaient leur accord, non seulement ce ne sera plus considéré comme "ensemble et par la force" et donc autorisé mais ca deviendra une obligation divine" (Avné Nézer, yoré Déa 454, 56)! Rabbi Meir Simha Hacohen , le célèbre auteur du Meshekh Hokhma et du Or Sameah', à l'annonce de la ratification de la déclaration Balfour par la SDN a écrit: "Maintenant qu'a la conférence de San Remo, les nations ont reconnu qu'Erets Israël appartenait au peuple juif, la crainte des serments est tombée c'est avec l'accord des puissants de ce monde que se relève dans toute sa force la Mitsva de venir habiter en Erets Israël, Mitsva qui a elle seule, vaut toutes les autres mitsvot de la Thora comme le rapporte le midrash et tout homme a l'obligation d'aider de son mieux a réaliser cette mitsva!" (cf "hatekoufa hagdola, page 175)

Rav Kalisher à qui on avait déjà opposé le serment avait dit ne pas comprendre comment il était possible de considérer des pionniers venus travailler la terre comme des gens venus conquérir le pays "par la force". Par la force, selon lui, ca ne pouvait que vouloir dire, les armes à la main, après avoir levé une armée pour la conquête du pays. D'autres, tels le Maharshak, rabbi Shlomo Klouger, pensent que de toutes façons, le serment s'était déjà annulé puisque, parallèlement à l'engagement pris par Israël de ne pas monter "comme une seule muraille", le talmud mentionne l'engagement des non juifs à ne pas persécuter Israël de manière trop violente. Or selon lui, les 3 serments sont liés et l'annulation de l'un entraine automatiquement celle des autres.

Enfin, selon le Maharal de Prague, les 3 serments ne sont pas des interdits faits à Israël de monter par la force ou de se rebeller contre les nations, ni faite aux nations de ne pas oppresser Israël plus que nécessaire mais une contrainte que l'Eternel s'impose à lui même pour maintenir l'exil le temps nécessaire, ni plus ni moins. Lorsqu'Il jugera le temps venu de mettre fin a l'exil, il abolira les contraintes et Israël constatera qui lui est dorénavant possible de revenir en masse dans son pays… (cf hidouchey agadot du Maharal, sur Ketoubot 110 b). D'ailleurs s'il s'agissait réellement d'interdits, on devrait en trouver trace dans les livres des grands décisionnaires: le Rif, le Rambam, le Rosh, le Tour, le Shoulkhan Aroukh… Or, aucun d'eux ne les mentionne!

La participation des laïques:

Le second argument consiste à interdire de participer ou de soutenir le sionisme ou l'état d'Israël parce que nombreux sont les membres et les dirigeants de ce mouvement ou de l'état qui ne sont pas pratiquants.

L'argument a déjà été invoque par le midrach sur Chir Hachirim:

Le Cantique des Cantiques décrit l'hésitation de la jeune femme a ouvrir la porte a son bien aimé lorsque celui-ci frappe et implore qu'elle lui ouvre. Pour le midrach, il est clair que le texte nous montre en fait le peuple juif représenté par la jeune fille qui hésite à répondre à l'appel divin de mettre fin a l'exil alors que les signes annonçant le début de la gueoula sont flagrants ("le bien aimé frappe à la porte"). Ce fut déjà le cas à l'époque de Cyrus, roi des Perses, dont l'appel aux juifs dispersés dans son empire de retourner à Jérusalem ne fut pas, c'est le moins qu'on puisse dire, entendu par la majorité du peuple. Or voici l'un des arguments que le midrash place dans la bouche de la jeune fille-Israël : "Quand D.ieu frappa à la porte en inspirant Cyrus de lancer son appel, l'Assemblée d'Israël lui répliqua: Maitre du monde, ce miracle que tu m'accorde par l'intermédiaire de Cyrus, n'aurais-tu pas pu l'accomplir par l'intermédiaire de Daniel ou d'un autre Tsadik?!" Autrement dit, le peuple prétend dicter à D.ieu le chemin par lequel il devrait annoncer la fin de l'Exil! Si l'envoyé n'est pas un tsadik renommé, je refuse de me lever ouvrir! La conséquence tragique, à l'époque du premier retour d'exil fut que le bien aimé s'en alla à nouveau et le peuple retourna en Exil, pour bien plus longtemps cette fois. Comme conclut le midrach, "si, à l'époque de Cyrus le peuple avait répondu en masse à l'appel et serait monté "comme une muraille" en Israël, le second temple n'aurait pas été détruit!". Parfois, pour faire progresser son plan, D.ieu choisit des hommes et des femmes qui ne répondent pas exactement a nos critères. Ce n'est certes pas une raison pour refuser de répondre a l'appel.

Il me semble que c'est le Natsiv de Volojin, le légendaire Roch Yechiva de la plus prestigieuse Yéchiva du 19eme siècle qui, sur ce sujet, aura les paroles les plus osées. Alors qu'il soutenait de tout cœur le mouvement "Hibat Tsion" qui prônait le retour en masse en Erets Israël et qu'il accepta même de faire partie de sa direction, on le lui reprocha. Comment osait-il soutenir un mouvement dirigé par Pinsker et Lilienblum qui ne respectaient pas Chabbat? Il répondit que ce n'est pas nouveau. Que chaque fois que la délivrance se mettait en marche, l'envoyé du ciel déplaisait au peuple. Moise lui même était habillé comme un égyptien, parlait l'égyptien, avait une femme midianite et ne ressemblait pas aux hébreux traditionnels. Ca ne la pas empêché d'être celui par lequel la gueoula arriva!

L'émancipation et l'assimilation qui en suivit ont frappe durement le judaïsme du 19eme siècle bien avant l'apparition du sionisme. Si nombre de nos frères juifs qui avaient déjà abandonné le chemin de la torah et des mitsvot n'avaient pas été séduits par le projet de Herzl ou seraient-ils aujourd'hui? Le fait de les choisir justement eux pour organiser le grand retour, n'était-ce pas une manière de les préserver à l'intérieur du monde juif? A nous ensuite d'essayer, de l'intérieur, en participant activement au projet, d'améliorer ce qu'il reste a améliorer. Ezechiel annonce dans la fameuse vision des ossements desséchés que ce n'est que lorsque les corps auront repris leur aspect humain, lorsque la chair aura repoussé, les nerfs seront apparus, que, dans un deuxième temps, le souffle les fera revivre (cf chapitre 37) . C'est toute l'idée des deux messianismes, celui de Yossef qui, s'occupant du corps de la Nation, se doit de lui redonner son unité, sa puissance économique et militaire , préparant ainsi la voie au messianisme de David qui , lui, devra s'occuper de l'esprit.

L'idée des deux messianismes est très ancienne mais, tombée en peu dans l'oubli, elle resta longtemps la chasse gardée des Mekoubalim jusqu'à ce que le Gaon de Vilna la remette a l'honneur (cf Kol Hator déjà cité, cf aussi l'oraison funèbre prononcée par le Rav Kook, a l'occasion de la disparition de Herzl dans Maamarey Haeiya, "Hamisped biroushalayim").

Il y aurait, vous vous en doutez, encore beaucoup a dire sur le sujet. Sur notre rapport à l'état juif. D’où tient-il son autorité juridique? Comment la Halakha le perçoit elle? Sur notre rapport à l'armée, a nos frères non religieux, au monde universitaire, aux conversions, a la langue hébraïque, au grand rabbinat d'Israël, aux nouvelles fêtes qu'il a instaurées, yom haatsmaout et yom yeroushalayim, au drapeau, a la modernité… Tous ces domaines sont liés. Et je reste a votre disposition pour d'autres précisions, si vous le jugez nécessaire.

Cordial Chalom

Joavan
Lundi 1 avril 2013 - 23:00

suite à la 68439
Merci pour votre réponse plus que complète. L'argument de l'accord des nations pour s'opposer à l'utilisation des trois serments contre le sionisme est en effet un des arguments que j'utilise quand j'ai cette discussion.
Je me permet de rajouter à la liste des accords, celui qui est, selon moi, l'un des plus précieux, bien plus que la declaration Balfour (qui date d'avant la main mise de l'empire britannique sur la région), il s'agit des accords de la conférence de San Remo en 1920 qui est important car... le représentant arabe le cheikh Fayçal, acceptait lui aussi la création d'un état juif. Cet accord est encore à l'heure actuelle, plus qu'aucun autre (Balfour, SDN, resolution de l'ONU en 47) a force en droit international... Donc même du côté arabe, il n'y a pas eu de force.

Rav Elie Kling
Mardi 2 avril 2013 - 11:58

Merci de votre apport.

Cordial Chalom