Conversation 80896 - La Torah qu`a t`elle de plus?

Nathanmkz
Jeudi 14 juillet 2016 - 23:00

Je ne trouve pas la différence entre notre idéologie et l'idéologie de nombreuses nations dans l'histoire, je m'explique.
Le but de notre peuple, c'est à dire de dévoiler la divinité dans le monde, apporter un message au monde pour sa réparation avec d'autres
Je trouve que ça ressemble à beaucoup de mouvements dans l'histoire humaine, qui ont prétendu détenir le message divin voulant le propager dans le monde.
Ces mouvements se disant "moral" a finit par faire les actes les plus sanguinaires. Depuis qu'on a notre nation, avec un gouvernement et une armée ont risquerait de finir comme eux hasve Chalom meme di de base nos attentions étaient bonnes.
Merci bien
Chabbat Chalom

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Yossef Levran
Mercredi 27 juillet 2016 - 11:00

Chalom,
En introduction, je voudrais dire qu'en effet, votre crainte est fondée. En vérité, on peut déjà la trouver dans certains textes de la philosophie juive du moyen-âge comme par exemple dans le livre du Kuzari de R' Juda Halevi. Après que le sage juif ai exposé le caractère moral de son peuple par opposition aux autres religions qui imposent leurs doctrines par le glaive, le roi des Khazars lui fait comprendre que cette moralité dépend de la situation du peuple juif en exil, dénudé de pouvoir, et rien ne garantit que lorsque le jour viendra et que le peuple juif récupèrera son pouvoir politique, il ne se comportera pas comme les autres religions; et le sage accepte cet argument (ch. 1 par. 114 – 115). Dans cette optique, il est vrai que le peuple juif, qui a fait son grand retour sur la scène de l'Histoire, doit prouver au monde que le roi des Khazars a eu tort.

Cependant, il est important d'examiner de façon précise votre question et de faire un peu d'ordre:

Commençons par la critique des religions. La thèse que tout au long de l'histoire du monde "la principale cause de violence est la religion, il faut donc l'eliminer" est tout simplement erronée. Dans leur livre 'Encyclopédie des guerres' (2004), C. Phillips et A. Axelrod ont décrit 1800 conflits et il s'avère que la religion n'est la cause principale qu'au plus dans un dixième de ces cas. Le résultat d'une autre recherche parrainée par la B.B.C en 2003 conclue que la religion à un rôle dans 40 pour cent des conflits et la plupart du temps, il s'agit d'un rôle secondaire. Les principales causes des guerres sont d'une part les volontés de conquêtes et de pouvoir et d'autre part les idéologies modernes athéistes comme le nazisme ou le communisme. La religion n'a donc pas le monopole de la violence et elle n'est pas plus violente que n'importe quelle autre idéologie.

Maintenant que nous avons compris qu'il n'y a pas de différences fondamentales parlons un peu d'idéologie de façon générale. Une des principales critiques dirigées contre les mouvements idéologiques est que l'histoire nous a prouvé que chacune de ces idéologies a entrainé des tueries, des massacres etc. au nom de cette même idéologie. En d'autres mots, l'idéologie amène avec elle la mort et la haine pour l'humanité et donc il faut l’éliminer. D'un point de vue logique, il y a là ce que l'on appelle une tautologie, c'est-à-dire une grossière évidence. En effet, seul une personne qui détient une idéologie peut tuer au nom de cette idéologie, c'est évident (!). Cela ne veut pas dire qu'il faut se débarrasser de la notion d'idéologie de la même manière que l'on ne va pas couper les mains de chaque individu bien que l'histoire nous prouve que les mains peuvent servir à tuer. Cependant, pour que cette analogie soit vraie, il faut être convaincu que l'idéologie est vitale pour l'homme de la même manière que ses mains lui sont vitales. Cet axiome est remis en question par l'école post-moderne qui pense que toute idéologie n'est qu'une illusion sociale et donc on peut vivre sans. L'hymne de cette école de pensée est la chanson de John Lennon "Imagine" où chaque idéologie se voit effacée (Imagine there's no countries - And no religion too - Imagine no possessions) pour assurer un monde de paix. Pour ma part, je ne m'identifie pas du tout avec cette pensée. Je pense que l'idéologie et la recherche de la vérité est un besoin existentiel chez l'homme (comme à définit V. Frankl dans son livre 'Man's search for meaning') et que le combat de l'Islam fondamentaliste contre le mode occidental se base exactement sur cette question (mais ce n'est pas notre sujet).

Après avoir expliqué cela, le problème reste le même: le fait est que la dévotion religieuse ou idéologique amène a l’affrontement avec les autres idéologies. Doit-on obligatoirement adopter la conclusion de John Lennon ou existe-il une alternative? À mes yeux, cette alternative se trouve dans le judaïsme ou plus précisément dans la révolution du judaïsme: le monothéisme. Pour comprendre la force du monothéisme abrahamique, il faut revenir à la conception idolâtre. L'idolâtre voit que le monde est composé de différentes forces primordiales qui ne dépendent pas l'une de l'autre, et généralement, il en sélectionne une sur laquelle il va se focaliser. La pensée que l'idolâtrie n'est qu'une ruée vers le bois et la pierre est infantile. Certes, les idolâtres vénéraient des idoles, mais ils voyaient en eux une incarnation de ces mêmes forces de la nature. Le monothéisme abrahamique change complètement cette conception et nous enseigne que toutes ces forces ont une source commune, Dieu. Là où l'idolâtre voit une constante confrontation entre les différentes forces de la Nature, le monothéiste voit une harmonie, vision peu aisée à appréhender car en effet le monde semble tellement contradictoire et non harmonieux mais c'est là tout le travail du monothéiste, ce que la Kabbale appelle "A'hdout Hamidot" (l'union des valeurs). En d'autres termes, la définition de l'idolâtrie est la focalisation dans une des forces/valeurs du monde au détriment d'autres. Dans cette optique les grandes idéologies modernes sont aussi une sorte d'idolâtrie (Manitou faisait souvent remarquer le rapprochement sémantique entre "Idole" et "Idéal"), que ce soit le communisme, le fascisme ou le capitalisme, la focalisation dans cette idéologie et la vision des autres comme incarnant le mal ultime amène aux guerres sanguinaires. La conception du Judaïsme approfondie par des grands penseurs comme le Rav Kook est que si une force ou une idéologie existe, elle doit forcément avoir un rôle important dans cette grande image harmonique. Le juif ne doit pas écraser les différentes forces et valeurs mais leur donner leurs places respectives dans cette harmonie. De la même manière au niveau politique, le judaïsme ne comporte aucune doctrine prosélyte ou de volonté de conquérir le monde, toujours d'après ce concept d'harmonie où chaque nation à un rôle à jouer au sein de l'humanité. Bien étendu, cela ne signifie pas que le peuple juif ne peut jamais "trébucher" mais cela signifie que si le peuple juif se rattache aux fondements théologiques de la pensée d'Abraham et du judaïsme, il peut incarner un symbole de tolérance pour le monde entier.

Bivrakha