Conversation 82819 - Ressentir la présence divine
Bonjour,
En tant qu'individu,
Quelle est l'action numero 1 qui a été identifiée par nos sages et qui entrainera a coup sûr une expérience de ressenti immediat et bienfaisant de la de la Presence Divine (une chaleur reconfortante peut etre, une certitude, une clarté d'esprit, une joie intérieure, un apaisement, une sérénité, un sentiment de sécurité, ....) ?
Vous posez une excellente question qui a préoccupée pas mal de nos maitres des plus éminents.
Il y a cependant une question préliminaire : est-il possible pour un homme de ressentir son âme divine avec la même conscience et la même certitude qu'il ressent ses sentiments, ses pulsions ou ses diverses facultés intellectuelles ?
La réponse est non, pour le commun des mortels, et de là vous comprendrez qu'il n'y a pas d'action No1, de gestes magiques ou de raccourcis. Bien nous en prend dans cette culture du fast-food, il va falloir travailler dur sur soi-même pour passer au statut de Tsadik – d'homme juste.
La Guemara de Sanhédrin[i] sur le verset [ii]: "heureux tous ceux qui sont en attente de Lui (D-ieu)" rapporte l'avis de Abayé qu’il y a toujours dans le monde au moins 36 justes qui accueillent la présence divine. Cet avis contredit celui de Rabba qui enseigne que ces justes sont beaucoup plus nombreux, ainsi que celui de Rabbi Chimon bar Yoh'ay qui pense qu'ils sont bien moins nombreux. La Guemera explique qu'il y a différents niveaux :
- Le groupe le plus grand dont parle Rabba est celui des justes qui aperçoivent la lumière divine mais de loin et avec faible intensité.
- Le second groupe dont parle Abayé, est celui de ceux qui voient clairement et fortement la lumière divine.
- Le troisième groupe inclus les justes qui ont le droit de contempler la lumière divine sans demander une autorisation à le faire, tandis que les précédents, ne peuvent regarder qu'après avoir demandé le droit de le faire.
La Guemara utilise pour le second groupe l'expression : "regarder dans un miroir qui reflète une image claire". Cette expression est réservée par ailleurs pour décrire la clarté de la prophétie de Moché. Or cette prophétie est unique en son genre, comment alors expliquer le texte ici qui parle d'autres justes à ce même niveau ? On[iii] résout la contradiction en expliquant que ce texte ne parle pas de prophètes mais de sages qui comprennent la volonté divine à différents niveaux, grâce à leurs facultés intellectuelles appliquées à l'étude de la Thora.
En conclusion, l'action No1: devenez juste et vous aurez accès au Rouah' Hakodech, à la faculté de percevoir la lumière divine.
Comment y arriver ? C'est ce que le Rav Moché H'ayim Luzzato explique dans son Messilat Yecharim[iv], en dix étapes, basé sur le schéma[v] de Rabbi Pinh'as ben Yaïr: L'étude de la Thora amène à la prudence qui amène à …. etc, qui amène à la sainteté, qui amène l'homme à percevoir le souffle divin qui s'épanche sur lui (Rouah' Hakodech).
Il y a dans le psaume[vi] que nous disons entre Roch H'odech Éloul et Chemini Atsérèt un verset remarquable :
"En ton nom, mon cœur dit : Recherchez ma face ! Ta face, D-ieu, moi je la rechercherai."
D’où vient ce cri du cœur qui retransmet l'appel divin ? De l'âme divine qui réside en l'homme ? D'une intuition ? D'une conscience morale ? D'une pensée rationnelle ? Probablement toutes les options sont justes. Il y a différents niveaux d'écoute de la vie spirituelle intérieure.
Le Rav Avraham Yitsh'ak HaCohen Kook aussi s'est penché sur votre question et sur ces différents niveaux de prise de conscience de la parole divine.
L'âme est cette partie divine qui est en l'homme et qui lui permet de percevoir les mondes spirituels et le divin, qui dépassent sa nature matérielle, limitée et contingente. On peut ressentir ce qu'elle apporte, au départ, sous la forme d'aspirations à quelque chose de transcendant, de profond, de vrai, la recherche du bien, de la droiture, d'une moralité pure, de l'amour des créatures, de la bonté et de la bienveillance. Puis lorsqu'on s'élève on peut ressentir le besoin d'écouter un appel intérieur qui fait vibrer ou une idée noble et nouvelle qui monte à l'esprit. Mais pour cela il faudra dégager pas mal d'obstacles : les mauvaises pensées, les mauvais traits de caractères, les mauvaises actions et les fautes. On devra se libérer des pressions sociales imposée par le "qu'en dira-t-on" et le "bien-pensant" apprendre à écouter et puis prendre ces appels intérieurs avec sérieux et courage afin de les concrétiser[vii].
On pourrait penser à ce stade là que tout ceci n'est qu'un leurre, fruit de l'imagination ou d'une autosuggestion tendancieuse ou mensongère. On sait qu'un prophète a conscience de sa prophétie avec certitude, mais pour les niveaux inférieurs de la vie spirituelle c'est par la connaissance de le Thora, de sa morale, de l'accomplissement de ses commandements, l'attention aux autres quels qu'ils soient et à la vie, qu'on pourra éviter les dérapages et conforter la certitude de ce qu'on ressent[viii]. La Émouna aussi, lorsqu'elle est pétrie de la crainte et de l'amour de D-ieu aide à clarifier cette certitude.[ix]
La chaleur réconfortante, la joie intérieure, l'apaisement ou la sérénité qu'on peut éprouver indiquent qu'on avance sur la bonne voie[x].
Parfois lorsqu'une clairvoyance monte à l'esprit, elle reste imprécise comme une lueur qui transperce le brouillard parce que le niveau moral de celui qui l'a pensée n'est pas à la hauteur du contenu de l'idée. Cette intuition floue donne alors l'impression d'être une vision mystique. Mais en fait, si la volonté de vivre une vie morale s'élevait au niveau des exigences morales de la vision entrevue, cette intuition deviendrait une connaissance claire et vivante. Il ne faut donc pas repousser ces pressentiments, ces pensées et ces idées même s'ils restent nuageux. Avec patience, il faut continuer à s'élever moralement et spirituellement, à se purifier et à se sanctifier tout en restant à l'écoute, afin que ces pensées mûrissent et portent leurs fruits. Mais attention : la clarté ou le flou d'une idée n'est la garantie ni de sa véracité, ni de sa source dans l'âme. Pour cela il faudra considérer le contenu lui-même de la pensée. [xi]
De même que la compréhension intellectuelle apparait comme un éclair, un "Euréka" construit sur l'effort de réflexion, ainsi le Rouah' Hakodech apparait comme un éclair pour dévoiler des mondes spirituels complets et merveilleux, tels que l'âme les connaît. Comme dit auparavant, pour ceux dont la perfection morale, la pureté de la personnalité et la pureté des actions, qui sont leur corollaire, ouvrent devant eux cette possibilité qui les engage à continuer de se perfectionner.[xii]
Toutes ces considérations sur des niveaux spirituels qui nous dépassent de loin et semblent inaccessibles, peuvent entrainer bien des soucis ou des angoisses. Ils proviennent du fait qu'on n'a pas eu l'intelligence de s'efforcer à comprendre quelle est la nature de cette élévation qu'on attend de soi et comment y arriver. Si la réflexion s'était portée sur ces points, les chemins et les étapes qui y amènent se traceraient automatiquement, avec l'aide de D-ieu, et les inquiétudes disparaitraient.
Plus pratiquement, l'accomplissement des Mitsvot et l'étude de la Thora sont déjà suffisamment élevés pour entrainer avec eux vers la perfection, ceux qui aspirent à suivre les chemins de D-ieu et à se sanctifier. Il serait dommage de se gâcher la joie et la satisfaction de servir D-ieu en essayant de passer une barre trop haute. C'est particulièrement vrai pour l'aspiration au Rouah' Hakodech, qui est une qualité de l'âme juive.[xiii]
Malgré tout il semblerait que "l'action No 0" pour ressentir en soi la providence divine, soit la Techouva (Le retour à D-ieu, le repentir). À chaque fois qu'on se nettoie d'une laideur spirituelle, par une Techouva profonde et honnête, de nouveaux mondes d'une clarté supérieure, réapparaisse dans l'âme. Les fautes n'étaient qu'un masque qui cachait ces lumières[xiv]. De penser et réfléchir sur les moyens de faire Techouva permet déjà et aussi de retrouver sa sensibilité d'écoute et d'entendre l'appel divin qui sort de la Thora, des sentiments du cœur et du monde entier avec tout ce qu'il contient.[xv]
Au travail…
[i] Page 97b .
[ii] Isaïe30,18.
[iii] Maharcha sur place.
[iv] "La voie des gens droits" plutôt que "Les sentiers de la rectitude". Amsterdam 1740.
[v] Voir la fin de l'introduction.
[vi] Psaume 27: "Le Seigneur est ma lumière et mon salut". Voir verset 8 avec Rachi.
[vii] Orot Hakodech: Higayon Hakodech1, 18, H'ochmat Hakodech 121,
[viii] Orot Hakodech: Higayon Hakodech1.
[ix] Midot Haraaya, Emouna 2.
[x] Voir aussi Orot HaTechouva 7,1. 7,6.
[xi] H'ochmat Hakodech 113, 114, 115.
[xii] H'ochmat Hakodech 120, Higayon Hakodech 12, 20, 21, 22.
[xiii] Moussar Avikha 4,3.
[xiv] Orot HaTechouva 5,2. 7,5.
[xv] Orot HaTechouva 7,3.