Conversation 84731 - Médire de soi
Shalom Rav Elyakim Simsovic
Dans la conversation 52845 le Rav Jacques Kohn répond qu’on ne devrait pas médire de soi. Mais il le fait par une anecdote, sans expliquer la raison profonde de cette interdiction. Une anecdote situationnelle n’est pas une explication spirituelle. Et pour tout dire, je me permets avec respect de douter de l’exactitude de cette réponse pour au moins quatre raisons :
1) Il est bon de rappeler que par définition, « médire », c’est tenir sur quelqu'un des propos malveillants, mais qui peuvent tout à fait être fondés. Ce n’est en aucun cas « calomnier ». Or, que fait-on lors de la téchouva : on reconnait nos fautes (par exemple, lorsque j’avoue avoir menti, de facto je dis du mal de moi. Un mal fondé.) Une bonne téchouva, sincère, passe par l’aveu, la reconnaissance de nos fautes. Par cette reconnaissance, on médit de soi, nécessairement. J’en conclus que si médire de soi était interdit, on ne pourrait pas faire téchouva, ce qui est absurde.
On peut faire remarquer que la téchouva est souvent non orale (pour la téchouva orale, voir le point N°3) et qu’en conséquence, dire du mal de soi par la pensée, ce n’est pas « médire » puisque ce verbe est construit sur la racine de « dire ». Il y a évidemment une différence entre penser du mal d’autrui et le prononcer (surtout en présence de tiers), mais lorsque ce mal concerne celui qui l’exprime, je crois pouvoir dire que la différence entre auto-médisance orale et pensée est si ténue qu’il n’y a pas lieu de la retenir pour valable.
2) Dire du mal de soi, cela peut-être aussi (en dehors de la téchouva) reconnaître nos faiblesses (attention, une faiblesse, ce n’est pas une faute ni une erreur. Exemple : untel reconnaît qu’il est trop souvent triste. La tristesse peut avoir de bien nombreuses et rationnelles raisons. N’empêche, parfois on n’a plus la force de lutter contre. Ce n’est pas une erreur ; pas une faute non plus. C’est une faiblesse, simplement. Reconnaître nos faiblesses, c’est donc faire acte d’humilité. Et l’humilité ‒ du peu que je connais de notre Créateur ‒, plait à D.ieu.
3) Je m’appuie sur la réponse 77587 de l’excellent Rav S. Elikan sur un sujet connexe ‒ la techouva publique ‒ dont je remonte ici deux éléments importants :
- le principe de dévoiler au public [ses fautes], de [les]divulguer a pour but de "briser" l'égo de l'homme qui a fauté ;
- le fait "d'exprimer ses fautes en public" qui apporte un grand plus à la techouva, parce qu'il se fait honte à lui-même .
4) Tellement de gens se racontent des histoires sur eux-mêmes… La société les y encourage d’ailleurs ! On appelle cela « se vendre ». Se vendre consiste à s’inventer des qualités qu’on n’a pas ou à exagérer celles que l’on possède. On fait cela avec l’inconnu auprès de qui on veut montrer qu’on est important, avec son employeur, ses amis, son conjoint… Dire la vérité sur soi ne se fait pas dans ce monde de dupes. Est-ce l’attitude à adopter ?
Ces arguments vous paraissent-ils corrects ?
Je ne voudrais pas clore cette discussion sans apporter le « négatif » de ma thèse, car en toute chose, il faut de la modération. Et en effet, le travers de l’attitude qui consisterait à reconnaître ses fautes et ses faiblesses avec trop d’application, sans être capable de voir également ce qui fait de nous (parfois) de belles personnes, conduit à une dévalorisation si insupportable qu’elle finit par faire perdre le goût à exister.
Par avance, avec mes remerciements pour votre aide.
Respectueusement
Il n'est pas nécessaire de raconter aux autres ses faiblesse.
Mais pour soi cela fait partie de la Techouva.