Conversation 9543 - Le talion et la vengeance
KVOD HARRABANIM
EN LISANT LA PARACHA LA SEMAINE DERNIERE J AI APERCU A MON SENS UNE CONTRADICTION:
TU NE TE VENGERAS PAS ET TU NE GARDERAS PAS RANCUNE(KEDOCHIM) ET OEUIL POUR OEUIL DENT POUR DENT(CHOFTIM) merci d avance de m eclairer
œil pour œil etc n'est pas une vengeance mais le principe juridique du dédommagement d'un préjudice causé.
Il s'agit de l'évaluation financière de la valeur de l'infirmité provoquée qui servira de base au calcul de l'indemnité due par le coupable à sa victime.
Bonjour
Dans une précédente réponse vous écrivez : « œil pour œil etc n'est pas une vengeance mais le principe juridique du dédommagement d'un préjudice causé.
Il s'agit de l'évaluation financière de la valeur de l'infirmité provoquée qui servira de base au calcul de l'indemnité due par le coupable à sa victime. » (question 9543)
Mais dans la Torah précise bien : « Si quelqu’un blesse son prochain, il lui sera fait comme il a fait : fracture pour fracture, œil pour œil, dent pour dent, il lui sera fait la même blessure qu’il a faite à son prochain. »
(Lév 24 :19 et20).
Il me semble quel l’expression : « il lui sera fait comme il a fait » s’oppose totalement au système de dédommagement monétaire.
Il me semble qu’il y a une contradiction très claire entre votre interprétation et la lettre de la Torah. Pourriez vous m’éclairer s’il vous plaît ?
Toda rabba
1. Ce n'est pas mon interprétation mais "l'interprétation" traditionnelle du Midrash et du Talmud.
2. C'est notre esprit imprégné de mentalité romaine barbare qui croit déceler une contradiction là où elle se serait contenté d'une vengeance qui n'a rien de réparateur.
3. Je vous recommande la lecture du texte de M. Lévinas sur le Talion dans Difficile Liberté.
(suite à la question 26982)
Merci rav pour votre réponse.
Je souhaite, avec votre permission, faire profiter tous les cheelanautes de la lecture que vous m’avez conseillé :
Après en avoir montré les avantages, Lévinas critique le système de dédommagement monétaire car « C’est une large voie ouverte aux riches ! Ils peuvent payer sans peine les dents cassées, les yeux crevés, les jambes brisées de tout leur entourage. L’outrage et la blessure ont désormais un prix marchand, un goût d’argent. »
Et Lévinas conclut son article par le paragraphe suivant :
« La Bible hâte le mouvement qui nous apporte le monde sans violence. Mais si l’argent ou les excuses pouvaient tout réparer et nous laisser une conscience tranquille, le mouvement irait à contresens. Oui, œil pour œil. Et toute l’éternité, et tout l’argent du monde ne peuvent guérir l’outrage qu’on fait à l’homme. Blessure qui saigne pour tous les temps, comme s’il fallait la même souffrance pour arrêter cette éternelle hémorragie. »
(Emmanuel Lévinas, Difficile liberté, Albin Michel, 1994, page 196).
Chalom
Et puissent ces extraits encourager tous les lecteurs à se reporter au texte intégral. Telle est toujours d'ailleurs l'ambition de l'étude véritable : refaire pour soi-même tout l'itinéraire, à partir des sources et des textes eux-mêmes. L'enseignant ne peut que montrer le chemin, éclairer la route. L'étudiant doit marcher par lui-même.
chalom rav,
à propos de la 26982, c'est peut-être indiscret, mais pourquoi n'avez-vous pas également répondu que l'apparente contradiction était résolue si on se reportait en arrière dans le texte, et ainsi comprendre qu'entend la thora avec oeil pour oeil (c'est à dire dédommagement) ?
Ce n'est pas indiscret. Il ne m'a pas semblé qu'une explication "technique" était nécessaire mais qu'il fallait mettre en valeur que pour la Thora - c'est-à-dire pour le lecteur Hébreu de la Thora, telle est l'évidence : une sanction qui ne serait que vengeance sans être réparatrice n'est pas envisageable.
M. Lévinas rappelle quant à lui l'évidence que la forme du texte permet de rendre inoffensifs ceux qui croiraient pouvoir exercer leur violence à prix d'argent.