Conversation 7337 - Un processus qui fragilise

Anonyme
Vendredi 13 juin 2003 - 23:00

Shalom chers Rabbanims,

Étant en processus de conversion, je me demande comment je dois me positionner face à l'entourage non-juif de tous les jours (travail, cours), avec les gens qui ne sont pas suffisamment proches pour que je puisse leur expliquer ma démarche (et parce que je n'ai pas envie non plus de me mettre à nu face à des gens pas toujours respectueux) ? Je veux dire pour tout ce qui concerne les actes religieux qui forcément me séparent des autres. En soi ça ne me pose pas de problèmes mais je voudrais votre avis quant à les justifier sans mensonge ni mise à nu peu souhaitable (la tolérance n'est pas toujours de règle).
Cet entre-deux de processus de guiour n'est pas évident, m'installe aussi dans une sorte de fragilité.

Un exemple concret (parmi d'autres) : Une fille me tend une bouchée de son repas qu'elle a préparé elle-même pour que je goûte. Je refuse poliment. Elle rétorque : "qu'est-ce que c'est qu'une bouchée ? pourquoi tant de chichis pour seulement goûter?", et elle le prend mal. Ou encore lorsqu'on se fait veut inviter durant shabbat.

Invariablement la question : tu es juive? Si je dis oui, je mens. Si je dis non, cela me semble pire. Et généralement les gens en profitent pour devenir impertinent et très (trop?) curieux, avec une foule de questions auxquelles je me sens mal placé pour répondre.
Que répondre à cette question (souvent pressante) face à un entourage quotidien et non intime ?

Merci de votre temps, je lis maintenant toutes les questions / réponses de cheela, et quelle richesse!
Bonne semaine.
Nati

Rav Elyakim Simsovic
Dimanche 15 juin 2003 - 23:00

Les gens sont curieux et impertinents. Chaque fois que quelqu'un rompt le train-train du consensus, il doit se justifier devant le tribunal populaire.
Le fait que les questions dont vous parlez portent sur votre statut ne change rien au fond du problème.
Je dirais donc ceci : si les questions sont de vraies questions, posées avec sympathie, pour comprendre, vous devez y répondre, brièvement parce que vous n'avez pas non plus à vous confesser, et tout dépend aussi du degré de proximité.
Mais quand la question est une inquisition, vous n'avez pas à répondre du tout. C'est votre vie privée. Vous n'avez ni à la cacher ni à l'exhiber.
Je ne peux pas vous donner une réponse toute prête à toutes les questions ; pour "qu'est-ce qu'une bouchée ?" la réponse est claire : le problème n'est pas quantitatif, mais qualitatif. Ce n'est pas "combien ?", mais "quoi ?" qui compte. De plus, les allergiques savent que des aliments peuvent causer des troubles violents même à l'état de traces sur une assiette pourtant lavée... Et les "allergies" peuvent être morales et spirituelles, pas seulement physiques et matérielles.
Quant à ceux qui vous demandent si vous êtes juive, et que vous ne pouvez répondre ni oui ni non, si vous voulez être "puriste", vous pouvez répondre : "en ce qui te (vous) concerne, oui" ; sinon, il vous suffit de dire "je respecte la Thora". De nouveau, vous n'avez pas à vous justifier devant tout le monde et n'importe qui.
Vous êtes effectivement dans un entre-deux fragilisant, vulnérable ; ne vous laissez pas victimiser.

Sachez toutefois que ce que vous vivez relève d'une situation à laquelle les Juifs sont confrontés en permanence et par rapport à laquelle il a été déjà dit qu'elle exige de nous le courage de la confrontation, sans provocation, mais sans couardise : obéissant à Dieu, c'est comme ça que je suis, c'est comme ça que je fais, tout simplement. Tu veux savoir ? s'il me plaît, je peux expliquer. Mais ce n'est pas un procès, et je ne suis pas l'accusé(e).

Un dernier mot : Ne vous crispez pas. Restez souriante, détendue, naturelle. Cela aide. Fermeté ne veut pas dire rigidité, et détermination n'est pas nécessairement sécheresse.
Bon courage !