Conversation 57793 - Poser la cheela a rav Ordinateur

psg
Mercredi 15 juin 2011 - 23:00

Bonsoir
que penseriez-vous de l'affirmation suivante : contrairement a l'idee systematiquement soutenue, que les Rabbanims d'avant, sont superieurs aux contemporains, ne pouvons nous pas affirmer exactement le contraire ?
N'importe quel rav aujourd'hui, par un simple clic de souris, peut en savoir davantage, que Rashi ou que Hillel lui-meme, puisqu'il a acces, via internet ou via, les gigantesques bibliotheques du judaisme, a des centaines voire milliers d'ouvrages, responsa, commentaires etc.
Je sais que cette idee, risque d'en choquer plus d'un, mais en comparant un Rav, a un professeur en Medecine, on peut affirmer, sans se tromper, que n'importe quel "petit" docteur aujourd'hui, en sait davantage, que le Professeur Barnard, lui-meme.
De la, j'aimerais arriver egalement a la consequence suivante : si aujourd'hui, nous en savons davantage qu'a l'epoque des sages de la Michna, alors, on peut sans trop de probleme, revenir sur des takanot de ces H'ahamim, totalement obsoletes de nos jours, non ?

Emmanuel Bloch
Dimanche 19 juin 2011 - 02:50

Chalom,

Vous trouverez deja dans le Talmud des sources indiquant qu'un rabbin d'une generation posterieure connaissait plus de Torah que ses predecesseurs d'une generation precedente. L'idee de la "descente des generations" (yeridat hadorot) demanderait un long traitement, car selon les textes, il semble que differents criteres soient utilises (connaissances, piete, ...).

Cela etant dit, trancher la halakha ne se fait jamais sur la seule base d'une encyclopedie ou des CD-Roms de Bar-Ilan. Etre possek, c'est etre capable, au-dela des connaissances, de comprendre la situation donnee et de savoir s'y adapter, de reflechir aux consequences sociales a plus long terme d'un psak donne, de s'interesser a la vie de la communaute et des juifs qui la composent, etc. C'est un travail d'etre humain, pas d'ordinateur. Un aspirant Possek doit donc servir un decisionnaire etabli, afin d'apprendre exactement comment se comporter.

La question de savoir si l'on peut revenir en arriere sur des takkanot depassees est complexe. La halakha est tres formaliste. Il y a de nombreuses causes a cela, certaines faisant partie du systeme, d'autres lui etant exterieures, mais le resultat est le meme: difficile en pratique de faire bouger les choses.

cebelab
Samedi 18 juin 2011 - 23:00

Bonjour,

Si je peux me permettre de faire suite à la question 57793, pour donner un point de vue très général, en des termes assez profanes, sur cette question extrêmement intéressante qui relève presque de l’épistémologie

En fait, c'est un peu le but de la culture, en effet, de faire en sorte que les générations à venir n'aient pas à refaire tout le travail de leurs ancêtres pour bénéficier *potentiellement* de leurs connaissances, si durement acquises, répertoriées, compilées, etc.

Mais facilité d'accès et multitude rendent, contre-intuitivement et paradoxalement, la tache encore plus ardue, je m'explique en trois points :

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1°/ d'une part, le mérite des sages d'antan est d'autant plus grand et impressionnant qu'il ne bénéficiaient pas de cet accès facile et instantané à toutes ces connaissances... ça reflète leur travail titanesque, et c'est ça qui les a mené à la sagesse; mais c'est toujours vrai aujourd'hui, ce qui me mène au second point;

2°/ plus on a de données plus il est difficile de la maîtriser, de les comprendre dans leur intégralité, de les analyser avec justesse, dans leurs interactions de plus en plus infinies... c'est pourtant nécessaire pour faire un travail qui ne se limite pas à la surface des choses

3°/ le piège typique est liée à une réaction très normale : par fougue, face à cette mine d'or de connaissances à laquelle on a accès sans effort, on pourrait se sentir investi d'un sentiment de super-puissance (je caricature) et chercher à réformer le système, d'en éliminer les *apparentes* incohérences, sans chercher à comprendre leurs raisons profondes, sans s'apercevoir des changements colatéraux que cela impliquerait

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Il y a dix ans, rares étaient ceux qui possédaient une encyclopédie où une édition du Talmud à la maison... Aujourd'hui, le savoir universel est à porté de clic, mais ce n'est pas pour autant qu'il y a plus d'Einstein ou de Rambam... Il vaut mieux prendre exemple, je crois, sur le cheminement qui a mené à cette sagesse avant d'entreprendre de la réformer, tête baissée.

Plus ça va, plus il y a une infinité de choses à connaitre avant d'effectuer un changement en étant capable d'en prévoir les conséquences. Et il y aura aussi, fatalement, des grands de la Torah, dans notre génération comme dans celles à venir, mais, sans même parler du yetzer hara omniprésent, le travail pour arriver à un haut niveau est d'autant plus difficile que toutes les informations sont sous nos yeux.

Patience, donc :)

Emmanuel Bloch
Mardi 28 juin 2011 - 07:37

Merci de cet interessant point de vue.