Conversation 7182 - Recompenses dans ce monde-ci

Anonyme
Lundi 9 juin 2003 - 23:00

Cher Rav Simsovic, shalom.

Je voulais avoir une explication sur la notion de sa'har ve onesh.
D'un cote, nous avons un enseignement: "S'har mitswa beay alma lika" - il n'y a pas de retribution aux mitswot ds ce bas monde-
Mais, de l'autre, la Torah, elle meme nous dit des versets (tels que le debut de behoukotay) laissant entendre une "equation tres simple":
- Si bonnes actions, tout va tres bien.
- Si mauvaises actions, tout va tres mal.

Comment concilier ces deux enseignements? Et comment comprendre de maniere plus generale, ce que l'on entend par "sah'ar veonesh" car les deux discours sont entendus parmi les rabbins: un discours "anti-simpliste", et un discours "simpliste"

Merci infiniment.

Rav Elyakim Simsovic
Mercredi 11 juin 2003 - 23:00

Votre question soulève énormément de problèmes de détail, mais je vais essayer, pour simplifier, de récapituler les deux principes directeurs, d'ailleurs mentionnés dans votre question.
1. Pas de rétribution des mitzvoth dans ce monde.
Les ouvriers sont payés selon la nature du contrat qui les lie au patron. A la fin du jour, à la fin de la semaine, du mois ou lorsque le travail est achevé. Selon toute vraisemblance, nous sommes plutôt considérés comme des entrepreneurs (qablan=Mochè ouvené Yisrael qibbélou aléhem) que comme des salariés. Le Qablan est payé à l'achèvement de l'oeuvre et jugé sur pièces. S'il a des difficultés, il peut arriver qu'il puisse demander un acompte, mais c'est périlleux.
2. Behouqotay
Cela dit, quelles seront les conditions de travail. Là aussi, il y a contrat entre le patron et les ouvriers. Par exemple, le patron nourrit-il les employés ? Le temps du repas est-il à la charge du patron ou des ouvriers ? Doit-il les vêtir, les loger ? D'après un ensemble de considérations trop longues à énumérer (voir quand même les birkot hacha'har), le patron assure sous certaines conditions la "logistique" de l'opération. Mais le pourvoi de cette logistique dépend aussi des ouvriers. Ainsi, lorsqu'à divers points de la chaîne très complexe des diverses lignes d'approvisionnement les ouvriers ont été négligents, cela risque de provoquer des retards et des erreurs, voire même des catastrophes.
C'est pourquoi il ne faut pas confondre Behouqotay avec la question de la rétribution. Cela traite des conditions d'existence. Si nous somme occupés du mieux que nous pouvons à réaliser le projet de Dieu, Il nous garantit que le monde ne s'élèvera pas en obstacle contre nous mais au contaire contribuera à nous faciliter la tâche. Si au contraire nous sommes paresseux, alors il y a des risques à la mesure de l'impéritie.

Reste à déterminer la nature du salaire et du châtiement.
Au prochain épisode...

Anonyme
Samedi 14 juin 2003 - 23:00

Shalom.

Je suis desole d'insister mais je dois etre un peu bourru: votre reponse a la question 7182 m'a laisse sur ma faim sans que je puisse totalement tout cerner.
Si vous trouviez le temps d'expliciter un petit peu plus, je vous serais tres reconnaissant!!

Kol touv et merci encore!

Rav Elyakim Simsovic
Lundi 23 juin 2003 - 23:00

Bourru n'est pas le terme approprié. Ça veut plutôt dire "grognon" (humeur brusque et chagrine, dixit Larousse).
Pourriez-vous préciser ce qui n'est pas clair dans la réponse ? Je la résume : parachat Béhouqotay ne parle pas de récompense et de châtiment mais des conditions d'existence en ce monde, ce qui s'appelle bénédiction et malédiction. Ces conditions fonctionnent à l'harmonique de la conduite des hommes. La nature obéit à ses propres lois lorsqu'Israêl obéit aux siennes. Et sinon, les lois de la nature se "dérèglent".
Le temps et le lieu des sanctions - positives ou non - c'est Olam Haba, le monde qui vient, d'abord dans le temps après la mort (ça s'appelle plutôt à ce stade "le monde des néchamoth") puis dans le temps qui suit l'histoire de ce monde-ci, après les temps messianiques.

Je reproduis ci-dessous un texte du rav Askénazi (Manitou) zatzal sur parachat Béhouqotay tiré de "Ki Mitzion, notes sur la paracha" :

La Sidra que nous lirons ce Chabbat, la Sidra de Béhouqotay, est la dernière du
Lévitique. Elle contient les chapitres 26 et 27. Elle débute par l’énoncé des
bénédictions qui s’attachent à la réalisation des valeurs de sainteté, telles qu’elles
sont décrites tout au long du livre… Une fois dans l’histoire des hommes, la
structure de l’être de plénitude est révélée en modèle pour la conduite, et là
commence l’histoire d’un paradoxal et extraordinaire pari : faire la preuve qu’un
monde normal est possible. Un monde où, comme le dit notre texte, dès les
premiers versets du chapitre 26, la pluie tombe en son temps, la terre donne sa
récolte, la recherche du pain n’entraîne pas la violence, et la paix règne dans la ville
et au-dehors. Un monde tel que l’enfant des hommes en rêve, et que, cependant,
jusqu’à présent, aucune civilisation n’a pu réussir, semble-t-il, à réaliser. De toutes
les utopies que l’homme a pu concevoir, l’utopie biblique ainsi décrite semble la
plus modeste, et pourtant, il est vrai qu’elle est la plus inaccessible. Et c’est de ce
mystère que nous parle notre texte. Ce mystère est le fond même dela perplexité
de l’homme, lorsqu’il consent à réfléchir loyalement aux données de l’existence.
Comment se fait-il que, de façon aussi systématique, les événements, le monde,
semblent répondre par l’arbitraire et le hasard à toutes les tentatives de la bonne
volonté ? Or, il y a eu, de façon générale, dans l’histoire des cultures, deux types de
réactions à cette perplexité. Soit le renoncement, le pessimisme qui résulte de
l’échec mille fois répété et donc, à la limite, la conscience tragique qui mène à la
violence. Soit, au contraire, et c’est l’option à laquelle la Torah nous invite,
l’optimisme qui renaît à chaque naissance renouvelée, l’optimisme de l’espérance
d’un monde à la mesure de l’homme. Mais, précisément, cet optimisme ne peut se
borner à être utopique. Il implique une connaissance lucide des conditionsde
l’enjeu. Et c’est là que se trouve, de nouveau, l’essentiel du message de la Torah : la
paix entre l’homme et les choses d’une part, ou au contraire, l’arbitraire et le
hasard, ne dépendent pas seulement d’une stratégie de la bonne volonté ou du
souhait, mais de l’effort héroïque de l’accomplissemnt quotidien. Et nousen
sommes avertis dès le premier verset de la Sidra. “Si vous suivez Mes voies,
préservez Mes commandements et que vous les accomplissez…” Comme si c’était
là l’expérience divine elle-même qui nous est donnée en modèle : “Mes lois, Mes
commandements”, cela ne signifie pas seulement, les lois et les commandements
que je vousdonne, mais littéralement les lois qui sont les miennes, et qui
expriment la structure de l’être de plénitude.L’on cite du Rav Nahman de Braslav
l’enseignement suivant : “L’on parle du monde à venir, Olam Haba, le monde des
béatitudes , et cela est simple à comprendre ; mais l’on parle aussi de ce monde-ci,
Olam Hazè - mais où se trouve-t-il ? Ici, semble-t-il, c’est l’enfer”. Cet enseignement
est basé notamment sur le verset 12 du chapitre 26 : “Je me promènerai parmi
vous et Je serai votre Dieu et vous serez Mon peuple” que nous lirons selon la
lecture de Rachi : "Je marcherai au milieu de vous dans un monde de plénitude et
vous ne tremblerez pas de Ma présence." A travers cette simple note du
commentaire, se devine une extraordinaire familiarité avec l’absolu qui fait la
ferveur d’existence à laquelle la Torah nous invite. Ainsi la promesse était bien à la
mesure de l’effort demandé. Un monde enfin normal, ce n’est [pas] seulement un
rêve à la mesure de l’enfant, c’est en vérité un monde à l’échelle de l’espérance de
Dieu Lui-même.