Conversation 82799 - Omniscient, mais pourquoi ?

sarkoidose00
Mardi 27 juin 2017 - 01:21

Sachant que H.achem est omniscient , il savait que Aaron serait déçu de ne pouvoir apporter sa quote-part ni celle de sa tribu au tabernacle, c'est pourquoi il lui offre le service du nettoyage du candélabre ainsi que l'allumage des lampes matin et soir, qui sont des tâches plus importantes ;

Mais seulement après que Aaron éprouve de la déception , pourquoi le Maître du monde choisis ce moment si Kadosh pour l'éprouver dans la déception ?

Chalom.

Rav Samuel Elikan
Lundi 12 juin 2017 - 14:00

Shalom,

J'avoue ne pas être certain d'avoir compris la question.
Quoi qu'il en soit, indépendamment du contexte, au niveau théologique, on peut dire que tout ce qui s'est passé, déroulé, a eu lieu est ou fut l'expression de la Volonté Divine, à un certain niveau.
N'étant pas D'ieu - on ne peut pas en connaître Ses motivations...
Nous n'éprouvons que Sa Volonté et pouvons, voire devons, essayer de nous interroger sur les retombées de Sa Volonté, sur le "comment" et surtout "qu'en retirer, qu'en apprendre". L'interrogation du "pourquoi" restera toujours très limité, comme dit, car nous ne sommes pas D'ieu, donc aucun moyen de connaître le sens profond de Sa Volonté...

Cordialement,

sarkoidose00
Dimanche 2 juillet 2017 - 17:04

Shalom Maître ,

Vous avez bien compris la question, mais elle reste en suspens, ne serait-ce pas une "punition" pour la faute du veau d'or et ou pour la médisance ?

Cordialement

Rav Samuel Elikan
Dimanche 2 juillet 2017 - 17:04

Shalom,

Nos Sages l'envisagent plus comme une récompense, voire une consolation que comme une punition...

cf. Bamidbar Rabbah §15 ; Mesheh' H'oh'ma sur le début de Beha'aloteh'a ainsi que le livre Yitav Panim (t. I, p. 170) du rav Yekoutiel Yehouda Teitelbaum de Sighet (1808-1883) qui développent cette idée.

Je vous invite également à une réflexion autour des propos du Ramban au début de la parashat Beha'aloteh'a qui écrit (8:2) :

« “Pourquoi l'épisode de la Menorah suit-il l'épisode de l'inauguration [du Tabernacle] des chefs de tribus ? Car lorsqu'Aharon vit l'inauguration, sa motivation s'affaiblit ; en effet il n'en faisait pas partie, ni lui, ni sa tribu. Dieu lui dit alors : ne t'en fais pas, ta part est plus grande que la leur, tu disposes et allumes les lampes matin et soir“ – propos de Rashi, selon un midrash aggada

Et j'ai vu encore dans le Yelamdeinou (=Midrash Tan'ouma) et dans le Midrash Rabba : “Dieu dit à Moshé, va dis à Aharon : ne crains rien, tu es voué à quelque chose de plus grand (=que les chefs de tribus) ; les sacrifices - tant que le Temple existe, ces derniers s'effectueront, alors que les lampes éclairantes disposées sur la face du candélabre ainsi que toutes les bénédictions que je t'ai données afin de bénir mes enfants (sont éternelles), elles, ne s'annuleront jamais“. Pourtant, il est bien connu que lorsqu'il n'y a pas de Temple non seulement les sacrifices sont annulés, mais également l'allumage des lampes de la Ménorah ! (Donc que veut nous dire ce midrash ?) Ainsi, nos Sages font ici allusion aux lampes de h'anouka qui seront allumées également après la destruction du Temple. »

 

Le Ramban rapporte les propos de Rashi et du Midrash comprenant une certaine déception de la part d'Aharon, du fait qu'il ne puisse pas, lui aussi, comme les autres chefs de tribus, amener de sacrifices. Dieu lui répondrait alors qu'il va pouvoir disposer et allumer les lampes dont la valeur serait supérieure aux sacrifices, cet allumage étant éternel… Le Ramban commente qu'il s'agit des bougies allumées à la h'anouka hasmonéenne. De ses propos, on comprend qu'il existe une comparaison entre les sacrifices et l'allumage de la Ménorah : de la même manière que les sacrifices symbolisent l'inauguration du Tabernacle, ainsi les lampes inaugurent la Ménorah. Cependant, il nous faut comprendre pourquoi Aharon en est-il arrivé à tel un point de déception, pourquoi envie-t-il les chefs de tribus ? S'il avait envie de faire un sacrifice, il n'avait qu'à le faire, n'était-il pas le Grand-prêtre ?

On retrouve dans la littérature rabbinique une explication intéressante : Aharon n'avait pas réellement envie de se joindre aux autres chefs, car ils ont amené leurs sacrifices emplis d'un enthousiasme qui ne pouvait être qu'éphémère, ne provenant pas de la Torah, puisqu'opposée à la loi : faire monter de l'encens d'un particulier sur l'autel extérieur est interdit, selon la Torah. Or les chefs de tribu avaient demandé à faire cela. C'est pourquoi Rashi ne manque pas de noter dans son commentaire dudit passage que les sacrifices amenés à l'inauguration du Tabernacle sont un phénomène unique qui n'est pas valable pour d'autres générations, en d'autres temps ; ça n'est pas un acte lié à l'éternité.

 

Par ailleurs, selon nos Sages (Bamidbar Rabba 12,23) Moshé aussi, au début, s'opposait à ces sacrifices inauguraux des chefs de tribu. Ce, jusqu'à ce que Dieu lui dise qu'en faisant ainsi, les chefs de tribu ont atteint la Volonté Divine. Se joindre à ces chefs, selon cet enseignement, reviendrait à dire qu'Aharon pensait qu'il existe une Torah, une Volonté Divine, que Moshé ne connaisse pas, chose qu'Aharon semble refuser [1].

Cependant, après avoir vu que leurs sacrifices sont acceptés, il aurait regretté de ne pas s'y être joint. Dieu lui répond : leurs actes, ces sacrifices, sont sans conséquences durables, alors que ton "allumage des lampes" continue éternellement ; ce à quoi le Ramban ajoute – que cela perdure par le biais de h'anouka.

En quoi exactement cela constitue-t-il une "continuation" ? De quoi parle-t-on au juste ? Quel rapport y a-t-il entre le devoir d'allumer la Menorah tous les jours au Tabernacle/Temple et l'allumage de la H'anoukia?

Certes les deux s'allument, mais il semblerait qu'il y ait plus que cela. La Menorah est constituée de deux éléments : le commandement Divin, constituant par essence sa nature et raison d'être, d'une part ; en effet, la Menorah est avant tout, selon la Torah, un commandement, émanant directement de la Volonté Divine. Et, d'autre part, un témoignage au monde entier que la Présence Divine réside au sein d'Israël ; cet aspect se perçoit par le fait que la Menorah est posée dans le Heih'al où la Torah Orale fut donnée, d'une part et luit sans arrêt d'autre part [2].

S'il en est ainsi, le côté, l'aspect, du dévoilement de la Torah Orale, de la Présence Divine continue au sein du Peuple d'Israël est représenté par la Menorah.

Ces deux éléments se retrouvent également à H'anouka, d'une part, on allume les bougies et marquons dans la récitation de bénédiction le fait qu'il s'agisse bel et bien d'un commandement [3] (bien que ce dernier fut institué par les Sages – la Sagesse se lie à la Volonté) ; et d'autre part, on publie ainsi le miracle, la Présence Divine dans le monde, pirsoumei nissa.

 

Notes :

[1] Cette idée qui se retrouve dans le midrash, se retrouve dans d'autres enseignements rabbiniques, cf. Malbim, Bamidbar, 12.

[2] Shem MiShemouel, Devarim, Likoutim, Beha'aloteh'a ; cf. TB Shabat 22b et Menah'ot 86b ; Zohar, par. Terouma, p. 574 dans l'éd. du Soulam ; Or HaH'ayim et HaAmek Davar sur Shemot 27:20 ; Rashi sur Bamidbar 7:89 qui rapporte les propos du midrash : "Lorsque deux versets se contredisent l'un l'autre, vient un troisième qui les raccommode. Il est écrit d'une part : « Il appela Mochè, Hachem lui parla depuis la tente d'assignation en disant. » (Vayikra 1,1), c'est-à-dire hors du voile. Et il est écrit d'autre part : « je te parlerai de sur le kaporeth » (Shemot 25, 22). Vient notre verset pour les raccommoder : Mochè venait vers la tente d'assignation, et là il entendait la voix qui se manifestait de sur le kaporeth, d'entre les deux chérubins. La voix venait du ciel pour parvenir entre les deux chérubins, et elle partait de là vers la tente d'assignation (Sifri)". Par la suite (ibid.) il ajoute : "Il entendait la voix J'aurais pu penser que la voix était faible. Aussi est-il écrit : « “la” voix » – cette même voix qui s'était adressée à lui au Sinaï. Lorsqu'ellatteignait l'entrée de la tente, elle s'arrêtait et n'en franchissait pas les limites (Bamidbar raba)". Cf. encore Rav Dr. Yoni Grossman, "Seder Klei HaMishkan ouMashma'outo", sur par. Tetzave sur le site de la yeshiva d'Har Etzion.

[3] Cf. TB Shabat 23a ; Sh. Ar. OH 671, etc.

 

 

Cordialement,